Depuis quelques jours, le sort des jeunes filles qui ont fui la crise sécuritaire dans les régions anglophones du Cameroun pour se réfugier dans la région du Littoral défraie la chronique. Pour survivre, ces dernières, pour la plupart délaissées à elles-mêmes, se voient obligées de se lancer à un mode de vie hors du commun. Plusieurs en l’occurrence se sont lancées dans la prostitution. Ceci, sous le regard impuissant de leurs frères qui jouent parfois les sentinelles pendant ces moments.
Le snack-bar « Kwassa Kwassa international » situé non loin de la gare routière de Bonabéri dans la ville de Douala a certainement regagné en notoriété depuis quelques temps. C’est en effet le site le plus connu où l’on sait pouvoir retrouver facilement les jeunes filles anglophones pratiquant la prostitution pour survivre.
L’histoire n’est pas la même d’une fille à une autre. Mais le point commun est qu’elles ont tout perdu et ne peuvent faire autrement pour gagner du pain au quotidien. L’on se demande si elles auraient été obligées de vivre cette tragédie si le calme régnait encore dans leurs régions d’origine.
Les populations sont victimes de l’égoïsme des leaders sécessionnistes
Engagés pour des revendications à l’endroit du gouvernement, les partisans de la sécession mènent depuis bientôt quatre ans un conflit contre les Forces de Défense camerounaises dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce conflit qui devient plus en plus houleux au fil du temps, multiplie également les victimes dont le nombre exact reste difficile à définir. Les populations résidant dans ces régions se déplacent pour trouver refuge dans les brousses, dans d’autres régions du pays voire dans les pays voisins, au Nigéria en l’occurrence. Seulement, les conditions de vie après ces fuites ne sont pas toujours des meilleures.
Les leaders séparatistes qui encouragent ce regain de violence semblent ne pas se soucier de ce qu’il advient de « leurs populations ». L’indifférence démontrée devant cette situation suscite des interrogations, notamment, quel avenir les leaders sécessionnistes réservent-ils pour les sinistrés de la crise anglophone ? Quelle civilisation prônent-ils lorsqu’ils poussent les populations à une telle vie ?
Toutefois, l’on ne saurait ignorer le fait que cet orgueil dont ils font preuve les enfonce bien plus qu’ils ne le croient sinon, comment expliquer ce que deviennent ces déplacés ? C’est de loin ce que l’on peut souhaiter pour son peuple en tant que dirigeant.
Le 12 juin 2019, le Cameroun avec son partenaire de l’Union européenne (Ue) a passé en revue la situation socio-politique du pays. Le partenaire européen a salué les efforts consentis par le gouvernement pour construire un dialogue. « Nous saluons les initiatives tout récemment prises par le Président de la République en vue d’ouvrir un dialogue véritable et constructif qui permettra une sortie durable et non-violente de la crise, tout en préservant l’unité nationale », a déclaré Hans-Peter Schadek le chef de la délégation de l’Ue au Cameroun.
Si l’Union européenne tend à reconnaître que les prémices de la construction d’un dialogue sont visibles, pour Joshua Osih le Député du Social democratic front (Sdf) rien n’a encore été fait dans ce sens. « Le dialogue n’a pas encore été entamé. Nous ne sommes même pas encore au début des préparatifs des conditions pour aller vers un dialogue. Vous savez que l’impératif serait que cesse la violence. Il est impossible de discuter tant qu’il y a violence dans ces deux régions. Les écoles, les hôpitaux sont fermés, tout le monde tire sur tout le monde.
Il faut une architecture pour parvenir au dialogue. Qui est-ce qui participe au dialogue, comment est-ce que ces participants seront sélectionnés ? Les sécessionnistes se posent la question de savoir avec qui ils discuteront, le gouvernement camerounais pose la même question. En plus, si on va parler du problème des Anglophones autour de la table avec huit francophones et deux anglophones, on perd son temps », pense le Député du Sdf.
Joshua Osih ajoute que pour qu’il y ait un véritable dialogue, il faut pouvoir s’accorder sur les points qui feront l’objet de la discussion. Il faut pour lui, s’accorder si on parlera des réformes institutionnelles. Car le Député Sdf rappelle que Joseph Dion Ngute le Premier Ministre lors de sa descente dans les régions anglophones, a indiqué que le gouvernement est prêt à parler de tout, sauf de la sécession du Cameroun.
Liliane N.
CRISE ANGLOPHONE/LETTRE OUVERTE A LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,
Chers membres du Conseil de sécurité des Nations Unies,
Monsieur le président des Etats-Unis,
Monsieur le Président de la République de France,
Monsieur le Premier Ministre de Grande Bretagne,
Monsieur le président de la République populaire de Chine,
Monsieur le président de la Fédération de Russie,
Madame la secrétaire générale de la Francophonie,
Madame la secrétaire générale du Commonwealth,
Permettez-moi, avant toute chose, de me présenter. Michel Biem Tong est mon nom. Je suis un web-journaliste camerounais et cyber-militant des droits de l’homme. Pour m’être interessé au problème anglophone du Cameroun entre autres, j’ai été en prison pendant près de deux mois et j’en suis sorti le 14 décembre 2018. Aujourd’hui, je suis contraint de vivre en exil parce que persécuté par les autorités de mon pays. Je ne me suis pas investi dans cette question par intérêt, par sympathie pour un groupe quelconque ou pour épouser quelqu’idéologie que ce soit. Je me suis intéressé à ce problème non seulement parce que j’en avais marre de voir des populations malmenées, torturées et massacrées au quotidien, mais aussi parce qu’en tant que responsable de www.hurinews.com, journal en ligne spécialisé dans l’actualité des droits de l’homme, j’ai sacrifié à un devoir : celui de promouvoir le droit de chaque peuple à disposer de lui-même. C’est ce droit que les ressortissants du Cameroun anglophone…je dis bien le Cameroun anglophone, revendique.
Mesdames et Messieurs
Les Anglophones au Cameroun sont accusés de soutenir la sécession, de vouloir faire sécession. Sécession, sécessionnistes sont les termes qui désormais meublent le vocabulaire politique au Cameroun. Aucun Etat au monde ne peut accepter l’amputation d’une partie de son territoire. C’est vrai. Moi non plus, je ne saurais encourager un projet sécessionniste. Mais dans le cas du Cameroun, je me demande très souvent de quoi on parle. La Corse n’est pas un ex-territoire sous tutelle des Nations Unies, la France fait donc face aux revendications sécessionnistes. La Catalogne n’est pas un ex-territoire sous-tutelle des Nations Unies, alors l’Espagne fait face à la montée des revendications sécessionnistes. La Casamance n’est-pas un ex-territoire sous-tutelle des Nations Unies, alors les autorités du Sénégal sont fondées de parler de sécession. Mais dans le cas du Cameroun, la réalité est tout autre, car le Cameroun anglophone est un ex-territoire sous tutelle des Nations Unies et nous connaissons tous le but de la tutelle selon la Charte des Nations Unies.
Si le Cameroun anglophone est aujourd’hui à feu et à sang, c’est simplement parce qu’on refuse, pour des raisons que j’ignore, de s’attaquer aux causes réelles du problème. Le Cameroun actuel, du moins tel qu’on le connaît sous sa forme territoriale, est comme cette maison bâtie sur du sable et avec du sable. J’entends par sable ici le mensonge, l’escroquerie politique, la répression, le non-respect des textes internationaux.
Mesdames et messieurs
Si ça brûle aujourd’hui dans le Cameroun anglophone (jadis appelé British Southern Cameroons), c’est parce qu’on refuse de regarder la réalité en face. Et la réalité, difficile à avaler certes, est qu’il a existé deux Etats du Cameroun : La République du Cameroun d’un côté et British Southern Cameroons de l’autre. Le premier a obtenu son indépendance le 1er janvier 1960 et a été admis aux Nations Unies le 20 septembre 1960, le second a eu la sienne le 1er octobre 1961 quoiqu’ayant choisi quelques mois plus tôt de traduire cette indépendance par un rattachement au Cameroun. Les deux régions anglophones du Cameroun sont donc à la base un Etat indépendant et souverain.
Si ça brûle au Cameroun anglophone aujourd’hui, c’est simplement parce que la République du Cameroun, celle qui a eu son indépendance le 1er janvier 1960 n’a pas respecté ses engagements en tant que membre des Nations Unies depuis le 20 septembre 1960 notamment le principe de droit international du respect des frontières héritées de la colonisation. Oui, la frontière entre les deux Camerouns existe toujours depuis les accords Simon-Milner de 1917 entérinés par le Traité de Versailles du 28 juillet 1919. Les bornes plantées par l’ONU pour matérialiser cette frontière existent toujours. Preuve que cette frontière n’a jamais été abolie.
Le conflit anglophone résulte aussi du non-respect de la Charte des Nations Unies en son article 76 (b) qui dispose que le but de la tutelle est de : « favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou l'indépendance (et non indépendance en se joignant à… ». Or les deux régions anglophones du Cameroun formaient le British Southern Cameroons, un territoire sous tutelle des Nations Unies, c’est-à-dire d’après la Charte de l’ONU, disposé à être Etat indépendant. D’où vient-il, qu’au nez et à la barbe de la communauté internationale, l’Etat indépendant qu’on attend devient régions d’un autre Etat indépendant ?
Mesdames et Messieurs,
Que doit-on finalement comprendre ? En votant pour le rattachement avec la République du Cameroun lors du plébiscite du 11 février 1961, le Southern Cameroons a choisi de lui céder son territoire, son droit de disposer de lui-même en tant que peuple ou alors de se rattacher à elle en tant qu’Etat indépendant et souverain au même titre que sa voisine ? C’est parce que cette question est restée en suspens que la République du Cameroun a conquis ce territoire, soumis ses populations et ses dirigeants démocratiquement élus à ses lois y compris par la force (comme ce fut le cas au soir du référendum du 20 mai 1972), aboli ses institutions. Le rattachement prescrit dans la résolution onusienne 1608 du 21 avril 1961 s’est muée en une volonté des dirigeants de la République du Cameroun de conquérir ce territoire car lors de la conférence de Foumban du 17 au 22 juillet 1961, il n’a nullement été question d’un traité matérialisant la Réunification de deux Etats, mais du projet de loi modifiant la Constitution de la République du Cameroun pour une République fédérale. En un mot, des autorités d’un Etat élaborent un projet de loi et invitent les dirigeants élus d’un territoire voisin à en discuter. C’est de l’inédit !
Mesdames et messieurs
Les autorités du Cameroun ont souvent l’habitude de dire : « la forme de l’Etat est non-négociable », « le Cameroun est un et indivisible ». Et moi-même, dans les multiples chefs d’accusation qui m’ont été collé sur le dos par le Tribunal militaire de Yaoundé, figurait apologie de la sécession. Si ce procès avait eu lieu, j’aurais demandé à la cour : « qui est ‘sécessionniste’, le pouvoir de Yaoundé qui a organisé le 1er janvier 2010, le cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun francophone (partie anglophone exclue) ou alors moi qui ne fait que rappeler cet état de fait en tant que journaliste » ? J’aurais également demandé à cette Cour : « Paul Biya est-il donc sécessionniste en accueillant, un certain 31 décembre 2009, des émissaires de l’ONU venus lui présenter deux cartes : l’une de la République du Cameroun et l’autre du Southern Cameroons ? Ces émissaires de l’ONU dont faisait partie le camerounais Jean Victor Nkolo sont-ils aussi des sécessionnistes en présentant 2 cartes d’un pays ‘un et indivisible’ à son chef d’Etat, en plein palais de l’Unité ? En voilà qui prouve à suffisance que malgré les apparences, le Cameroun forme deux territoires, deux Etats.
Mesdames et Messieurs,
La crise anglophone est comme ce cancer qui nécessite non pas des paracétamol mais une thérapie de choc quitte à ce que le malade crie de douleur. Nous savons tous que les autorités camerounaises et leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux disent être attachés à « l’unité et à l’intégrité du territoire camerounais ». Or, comme nous l’avons vu plus haut, cette unité est davantage politique, voire géopolitique que juridique. Pourtant, c’est d’une unité juridique que nous avons besoin pour sauver cette maison appelée Cameroun faite de sable et sur du sable qui, progressivement, s’effondre. Pour calmer les tensions qui sont de plus en plus vives, la seule solution, d’ailleurs à portée de main, c’est : -la reconnaissance de la frontière qui jusqu’à l’heure actuelle sépare les deux Cameroun, - reconnaître qu’au lieu de régions anglophones du Cameroun, on aurait dû avoir affaire à un Etat indépendant et souverain depuis le 1er octobre 1961.
Il est donc temps de corriger les erreurs du passé en rétablissant simplement le peuple du Cameroun anglophone dans sa souveraineté telle qu’elle aurait dû être proclamée le 1er octobre 1961. Pour le pouvoir de Yaoundé et pour beaucoup de Camerounais francophones (y compris moi-même), ça fera sans doute mal. Mais si cette souffrance peut épargner à de millions de personnes d’autres souffrances qui s’étaleront sur des dizaines d’années, pourquoi ne pas y aller ? Car il s’agit d’un peuple qui a tout perdu : son parlement, son Premier Ministère, son House of Chief (une espèce de Sénat), son système judiciaire, etc. Son système démocratique avant le 1er octobre 1961, fut l’un des meilleurs en Afrique noire. Jamais dans cette partie du continent, on avait vu le candidat d’un parti d’opposition remporter des élections législatives (1959) face à celui du parti au pouvoir, malgré l’usage par ce dernier des moyens de l’Etat.
Ce n’est donc pas pour plus d’hôpitaux, d’écoles, de routes que les anglophones du Cameroun crient et pleurent mais pour leur fierté et leur dignité en tant que peuple réduites à néant par les intérêts géopolitiques de certaines grandes puissances. Oui, comme j’avais souvent l’habitude de l’écrire dans mes articles : « l’odeur du pétrole qui git en zone anglophone a été plus forte que le droit du peuple qui y vit, à disposer de lui-même ». Rétablir ce peuple dans ce droit, dans son histoire, serait lui rendre justice. Car comme a souvent l’habitude de dire le confrère de Radio France Internationale et compatriote Alain Foka, dans son émission « Archives d’Afrique » : « Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire, est un monde sans âme ». Comprenne qui pourra !
Pour terminer, j’invite les organismes internationaux de défense des droits de l’homme, notamment, le Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU, Amnesty International, Human Right Watch, à ouvrir une enquête sur les informations faisant état de la présence en zone anglophone des bandes armées parallèles à la solde du pouvoir de Yaoundé qui commettent des atrocités qui sont par la suite attribuées à la branche armée du mouvement séparatiste. Je ne le dis pas pour dédouaner cette dernière, elle aussi responsable d’avoir tué des soldats sans armes et des fonctionnaires en retraité accusés de collaborer avec l’armée. L’information sur l’existence de ces bandes armées parallèles m’a été donnée par un jeune détenu anglophone qui fut mon compagnon de cellule au secrétariat d’Etat à la défense à Yaoundé. Par ailleurs, l’opposant et fils du coin Ni John Fru Ndi en a fait état récemment dans certains médias camerounais.
Michel Biem Tong,
Web-journaliste camerounais en exil
A en croire Cameroon Tribune, c'est une ville de Bamenda en pleine activité que le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo a traversée aux premières heures de la journée de jeudi dernier. Commerces et autres établissements grouillaient de monde. Le cortège du Mindef a du reste été confronté quelques fois à des embouteillages dans la ville.
Comme il l'avait déjà fait il y a deux semaines dans la partie septentrionale, Joseph Beti Assomo est descendu dans le chef-lieu de la région du Nord-Ouest sur instructions du président de la République, chef des forces armées, à l'effet de remobiliser les troupes déployées ici. La première étape de son périple, qui en comptait quatre, l'a d'abord conduit à l'infirmerie du camp du Bataillon d'intervention rapide (BIR), à quelques encablures de l'aéroport de la ville.
Ici, il a rendu visite aux hommes blessés lors des différentes opérations. A chacun des quelque 30 éléments internés, le Mindef a tenu à serrer la main avant de s'enquérir de l'évolution de sa situation. « Je m'adressais aux blessés pour leur apporter le réconfort du président de la République, chef des forces armée », a-t-il déclaré. Aux hommes, il a eu un message d'encouragement : « Vous avez été victimes d'attaques à l'arme. Courageusement, vous avez fait face. Nous constatons que bien qu'étant blessés, vous avez bonne mine. Je vous souhaite un prompt rétablissement », a-t-il conclu.
La seconde étape de son périple l'a conduit à l'hôpital du secteur de santé N°6. C'est le même message de réconfort et d'encouragement qui a été tenu à la fois aux blessés et au personnel soignant. La troisième étape s'est déroulée au Poste de commandement de la 5e Région militaire interarmées (Rmia5).
L'ultime étape de sa visite a conduit le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense à la légion de gendarmerie du Nord-Ouest. Ici, des centaines d'armes de fabrication artisanale et même moderne sont exposées au sol. Le colonel, commandant de la légion, Valère Nkoa Malla explique qu'elles ont été saisies entre les mains des sécessionnistes. Avec à ses côtés le gouverneur de la région du Nord-Ouest, Adolphe Lele Lafrique, les généraux de brigade Agha Robinson et Jules César Essoh, respectivement commandant de la Rmia5 et commandant de la 5e Région de gendarmerie Joseph Beti Assomo y a présidé une séance de travail à huis clos.
Rien n'a filtré des échanges avec les autorités administratives et militaires de la région. Joseph Beti Assomo était notamment accompagné du général de division, chef d'état-major de l'armée de terre, Baba Souley, du général de brigade, commandant le Corps national de Sapeurs-pompiers, Mahamat Ahmed et du directeur central de la coordination à la gendarmerie nationale, le général de brigade Elokobi Daniel Ndjock.
Otric N.
Joseph Beti Assomo, ministre délégué à la présidence de la république en charge de la défense a entamé ce jeudi 6 juin 2019 une visite d’évaluation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Car, malgré la descente sur le terrain du premier ministre, chef du gouvernement, Chief Joseph Dion Ngute, il y a quelques semaines, appelant au retour à la paix et à un dialogue inclusif, la violence persiste. Les affrontements se multiplient entre les forces de défense et de sécurité et les ambazoniens. De même, les actes de terreur n’ont pas cessé.
Selon les informations diffusées par la Cameroon Radio Communication (CRTV), le chef de l’Etat, son excellence Paul Biya veut en savoir davantage sur la situation sécuritaire dans ces deux régions secouées par une violente crise sociopolitique sur fond de sécession. Et pour ce faire, Paul Biya a dépêché le ministre de la Défense (MINDEF) sur le terrain.
Le MINDEF sera en compagnie du haut-commandement au cours de son séjour à Bamenda et Buea, respectivement les chefs-lieux des régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. Outre sa visite d’évaluation, il se chargera également de remobiliser les troupes et leur transmettre les encouragements du chef des forces armées pour les efforts et les sacrifices suprême consentis pour maintenir la sécurité dans ces zones d’expression anglaise.
Pour rappel, le Cameroun a mal dans sa partie d’expression anglaise depuis octobre 2016. Aujourd’hui, les conséquences de ce qui se présentait au début comme un malentendu et dont le règlement a été très mal initié de part et d’autre dès le départ sont lourdes. Ainsi, pour résoudre ce conflit, le chef de l’État qui se fait volontiers appelé « le mendiant de la paix », met tout en œuvre pour instaurer un dialogue excluant toute discussion sur une possible indépendance des régions anglophone. Le président de la République se dit donc prêt à « discuter de tout », surtout quand on sait que sans la paix, aucun développement n’est pas envisageable.
Danielle Ngono Efondo
Zone contenant les pièces jointes
Après le gouvernement qui a annoncé, il y a peu, sa volonté de dialoguer autour de tous les sujets, « sauf la sécession », c’est autour du leader des séparatistes d’exprimer sa volonté de danser sur ce même pieds. Depuis la prison centrale de Kondengui, où il se trouve actuellement en détention provisoire, après son interpellation au Nigeria en janvier 2018, le président auto-proclamé de l'Ambazonie, Sissiku Ayuk Tabe, a publié lundi 27 mai 2019, une lettre dans laquelle il se dit ouvert au dialogue mais sous condition.
En effet, avant l'ouverture des négociations, Sisiku Ayuk Tabe demande la libération de toutes les personnes incarcérées dans le cadre de la crise anglophone, le retrait de l'armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que celui des autorités administratives entre autres, préfets et gouverneurs, qui y travaillent.
Pour les parties qui devront être admises sur la table des discussions, il suggère la République du Cameroun, le Southern Cameroon/Ambazonia, l'Organisation des Nations unies, officiant en tant qu'arbitre naturel et les observateurs étrangers. Pour ce qui est des pays pouvant bénéficier du statut d'observateurs, Sisiku Ayuk Tabe propose le Royaume-Uni et la France.
Pour les autres conditions, les deux délégations devraient avoir le même nombre de membres, dans un lieu « neutre ». Le leader ambazonien propose à cet effet les sièges des Nations unies à New York ou à Genève ou encore le siège de l'Union Africaine à Addis-Abeba. Les sujets à débattre concernent quant à eux trois principaux points ; la politique, l’économie et les aspects socio-culturels.
L'acceptation du principe du dialogue par le leader ambazonien est perçue comme une avancée, mais les conditions dont elle est assortie poussent à se demander si le prétendu leader ambazonien y a réfléchi par deux fois. Car, certaines des conditions posées en préalable à l'ouverture des discussions sont totalement irrecevables. À l'instar du retrait de l'armée et de l’administration des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Comment peut-il penser que dans un pays souverain comme le Cameroun, le président puisse demander à l’armée d’abandonner la population des zones anglophones, à sa merci alors qu’elle est censée la protéger en tout temps et en tout lieu? Pense-t-il que les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest lui appartiennent ? Que non ! Aucune région n’appartient à un seul homme dans un pays.
Les autorités camerounaises sont attachées à l’Etat unitaire et ne comptent pas diviser le territoire. Récemment en tournée dans les régions anglophones, le premier ministre Joseph Dion Ngute l’a dit : « le gouvernement est prêt à dialoguer sur tous les sujets SAUF celui de la sécession. » Mardi, le ministre des Relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella l'a réitéré lors d’une rencontre avec le corps diplomatique accrédité à Yaoundé tout en précisant que les problèmes du Cameroun se règlent au Cameroun et non pas à l’étranger.
Danielle Ngono Efondo
Implantée au Sud-ouest, l’un des foyers de la crise anglophone, la Cameroon Development Corporation (CDC) paie un lourd tribut de la crise anglophone. Les tensions ont touché les 29 sites de production (plantations et usines) de la CDC et 12 000 employés de cette entreprise sont désormais en chômage technique. Dans une note au gouvernement, le directeur général de la CDC, Franklin Ngoni Ikome Njie a déclaré que « l’entreprise évolue en moins de 10% de ses capacités ». Au regard de l’insécurité qui prévaut dans la région « 12 000 employés ont été mis en chômage », ce qui représente 60% des effectifs.
En début d’année, l’entreprise avait sollicité un appui de 29 milliards de FCFA pour relancer ses activités, dont « sept milliards de FCFA sont nécessaires dans le secteur de l’hévéa, 14 milliards de FCFA pour les bananeraies, 7 milliards FCFA pour les palmeraies, le reste devrait servir à financer les arriérés de salaires », indiquait le directeur général dans une note au conseil d’administration.
Notons que, la CDC est l’une des toutes premières entreprises camerounaises, le premier employeur du pays avec 22 000 employés et l’un des principaux exportateurs des produits Made in Cameroun. Cette entreprise fait dans la production de la banane, l’huile de palme, du caoutchouc naturel et quelques cultures plus marginales.
Selon un rapport du Gicam, à cause de l’insécurité, les pertes enregistrées par les produits de cette société se chiffre à un manque à gagner en chiffres d’affaires estimés à 11,4 milliards FCFA ; ainsi que d’autres pertes (équipements volés/ détruits, rançons, vols,) évalués à 1,031 milliard de F CFA ; soit au moins 12 milliards FCFA globalement.
Toujours selon le Gicam, 12 sites sur 29 sont en arrêt total de production. 10 sites ne sont plus que partiellement opérationnels en raison des interruptions sporadiques d’activités suite à des attaques de groupes armés, des interruptions de l’alimentation en énergie électrique ou à cause de l’inaccessibilité à certaines zones. 07 sites dont 02 usines (Tiko et Idenau) et 05 plantations) sont encore entièrement opérationnels.
En tirant la sonnette d’alarme sur la situation de la CDC, la Gicam a révélé que les plantations de cette entreprise ne sont plus entretenues ni traitées. Ce qui laisse libre cours à la propagation des parasites et autres maladies faute de traitements phytosanitaires. « La CDC risque la rupture de contrats d’achat conclus avec des partenaires internationaux au regard de son incapacité actuelle à honorer ses engagements ».
Danielle Ngono Efondo
La ministre des Relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella, face aux membres du corps diplomatique accrédité à Yaoundé lors d'une réunion organisée en collaboration avec le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, s’est à donner à un exercice d’explication du mode de gestion de la crise anglophone qui sévit depuis plus de deux ans.
Le ministre a informé les amis camerounais de la situation socio-politique du pays, en particulier de celle observée dans les deux régions anglophones et des incursions de Boko Haram dans la région de l'Extrême-Nord. Lejeune Mbella Mbella, a d'abord tenu à assurer que l'option militaire est à exclure. Mais qu’il s’agissait bien de dialoguer. Selon le ministre des Relations extérieures, ce dialogue est d'ailleurs en cours depuis le déclenchement du conflit en 2016.
Prenant la défense de l'armée, régulièrement montrée du doigt pour des violations des droits humains dans les deux régions, le ministre a tout d’abord félicité la grande muette pour le travail bien fait et a insisté sur le fait que les forces de défense et de sécurité sont mobilisées et déployées sur le terrain pour « la restauration de l'ordre, la préservation de l'intégrité territoriale et la protection des personnes et des biens », face à ce qu'il considère en revanche comme « les exactions des mouvements sécessionnistes et terroristes », porteurs d'un projet « pernicieux d'atteinte à l'intégrité territoriale du Cameroun et au renversement des institutions ». Et a par ailleurs déclaré que les groupes sécessionnistes commettent des actes criminels dans le but de déstabiliser le pays.
L’ancien ambassadeur du Cameroun en France a fait savoir que « la situation qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, bien que préoccupante, n'est pas de nature à menacer la paix et la sécurité internationale ».Une manière d'indiquer que face aux pressions internationales, Yaoundé n'entend pas se laisser dicter une conduite dans la résolution de ce conflit.
Il a affirmé que le gouvernement avait opté pour un dialogue autre qu'une solution militaire au problème, notant que le Premier ministre - chef du gouvernement était dans les régions pour discuter avec les acteurs impliqués. En outre, le président de la République a chargé le gouvernement d'accélérer le processus de décentralisation dans le cadre de la solution du problème.
Danielle Ngono Efondo
Tout part de l'accusation que Ndassi fait au président de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès. Selon lui, le président national de l'Undp maintient son soutien sans faille au président Paul Biya, en dépit des enlèvements qui ont cours dans la zone anglophone depuis 3 ans. Pour le président jeunesse du parti, les violences dans le Nord-ouest et le Sud-ouest affectent les militants du parti dans ces régions.
"Je suis surpris par votre long silence et par le fait que le parti n'a jamais condamné ouvertement avec force ces atrocités ; je suis mécontent du fait que nous ayons voté pour le président qui a jusqu'ici refusé d'appeler au dialogue afin de mettre fin à cette crise ; je suis inquiet pour l'avenir de notre pays, vu que l'Undp continue de soutenir le Président Paul Biya", aurait écrit Elvis Ndassi dans une lettre adressée à Bello Bouba Maïgari selon des sources crédibles.
Toujours dans cette correspondance, Elvis Ndassi fait mention des manœuvres qui plaident en faveur de la préservation de "l'intérêt égoïste de tous ceux qui bénéficient de l'alliance entre l'Undp et le Rdpc".
Il ajoute d'ailleurs, "en juillet 2018, après la convocation du corps électoral pour la présidentielle, vous avez réuni le comité central afin que nous décidions de notre position en tant que parti politique", le précise-t-il. Elvis Ndassi assure qu'il avait eu à expliquer en quoi la situation augurait non seulement un grand suicide politique pour l'Undp, mais également un risque pour la vie du parti. Tout ceci, du fait que le Rdpc avait été déclaré comme ennemi public dans les deux régions en crise.
Innocent D H
C’est en sa qualité de président national du Mouvement citoyen et de vice-président de l’Alliance patriotique, qu’il a accordé une interview à notre confrère Mutations édition du 27 mai 2019. Théophile Yimgaing Moyo croit dur comme fer que le contentieux franco-camerounais doit être pris en compte dans le dialogue inclusif qui doit être organisé. Parce que la crise aujourd’hui baptisée crise anglophone est l’une des conséquences du choix de la France, qui a été de donner l’indépendance avant qu’il y ait la réunification. Pour le président national du Mouvement citoyen, ce sont les conséquences du choix suscité que les camerounais vivent actuellement. « Aujourd’hui, il y a une partie de notre peuple qui demande son indépendance. Quelles sont les conséquences de ce choix de la France ? C’est la crise dite anglophone. Et l’évolution des choses a continué d’entraîner des conséquences », ajoute-t-il.
De ce fait, le vice-président de l’Alliance patriotique suggère donc la prise en compte du contentieux historique franco-camerounais. «Le Cameroun a un contentieux avec la France et personne ne peut le nier. Tous les accords secrets ont été signés entre la France…et la France. Parce que quand on signe ces accords-là en 1959, nous ne sommes pas indépendants. Donc aujourd’hui, la France ne peut pas dire qu’on a signé des accords avec elle. A ce niveau-là, il y a donc matière à recherche et même matière à débat. Parce qu’aujourd’hui, qu’est-ce qui est enseigné dans nos écoles ? Comment fonctionne notre économie ? Ce sont ces accords secrets-là, toujours en vigueur, qui ne nous permettent pas d’avoir certaines aptitudes par rapport à certains problèmes que nous vivons au quotidien», explique Théophile Yimgaing Moyo.
Au cours de cette interview Théophile Yimgaing Moyo qui s’est aussi exprimé sur le sacrifice des matyrs camerounais, à appeler le peuple à ne pas oublier ces derniers. Leur journée commémorative s’est célébrée le 25 mai 2019. Assassinés le 25 mai 1965, cela fait déjà 64 ans qui ne sont plus de ce monde. « Nous voulons dire au peuple camerounais de ne pas oublier ce qui s’est passé, parce que les conséquences et les crises que nous vivons actuellement, ont leur origine dans cette violence que la France nous a imposé », déclare-t-il.
Liliane N.