Le Secrétaire Général des Nations Unies répondant aux questions de Jeune Afrique au sujet du Cameroun s’est prononcé sur la crise sécuritaire qui mine les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
La position d’Antonio Guterres est claire. Il faut que les autorités camerounaises aillent plus loin dans la démarche de réconciliation engagée au travers du « Grand Dialogue National ». Mais avant de s’étendre sur ce que les Nations Unies comptent faire pour accompagner les actions du gouvernement camerounais, Antonio Guterres rappelle combien le Cameroun est un maillon important dans la stabilité et la paix dans la sous-région Afrique Centrale. Pour le Secrétaire Général des Nations Unies, « le Cameroun est un pilier important en Afrique centrale. Le pays est un hôte généreux pour des milliers de réfugiés et j’estime que la communauté internationale devrait s’impliquer davantage pour soutenir la réponse dans ce domaine. Le Cameroun joue aussi un rôle important dans la lutte pour éradiquer le terrorisme et l’extrémisme violent dans le bassin du Lac Tchad. L’ONU est également préoccupée par la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. »
Justement ! Or jusqu’à ce jour, les acteurs de la crise continuent d’attendre la mise en pratique des résolutions de ce grand dialogue national. L’ONU aussi attend voir ces mesures être appliquées sur le terrain. « Le dialogue national tenu à l’automne a conduit à l’adoption de mesures importantes, notamment en ce qui concerne le statut spécial attribué à ces deux régions. C’est un pas important mais il est aussi essentiel d’initier un dialogue avec les parties prenantes qui n’y ont pas pris part. L’ONU encourage les parties à s’engager et continuera son plaidoyer pour une résolution de la crise à travers un dialogue inclusif. Nous rappelons sans équivoque, à ce stade, que l’ONU insiste sur l’intégrité territoriale et la souveraineté du Cameroun. » Dixit Antonio Guterres.
Les Nations Unies militent pour la paix et le respect des droits de l’Homme au Cameroun.
« Les efforts de l’ONU se poursuivent également pour chercher des solutions sur les questions des droits humains ainsi qu’à la dégradation de la situation humanitaire, suite aux violences et attaques enregistrées dans le sud-ouest, le nord-ouest et le nord du pays. Des efforts accrus sont nécessaires pour protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants, ainsi que pour répondre aux besoins urgents des réfugiés et des personnes déplacées. Tout acte de violence doit être fermement condamné et des investigations transparentes doivent avoir lieu afin que justice soit rendue. » A fait savoir Antonio Guterres au cours de cette sortie de presse.
Stéphane NZESSEU
A travers son porte-parole, Stéphane Dujarric, Antonio Guterres a réagi à l’annonce de Paul Biya.
Le président de la République, Paul Biya, a annoncé la tenue d’un « grand dialogue national » sur la crise anglophone « avant la fin du mois en cours ». Ce dialogue tant attendu, « permettra, dans le cadre de notre Constitution, d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre Nation », a fait savoir le chef de l’Etat dans son message à la Nation le 10 septembre 2019.
Antonio Guterres, a indiqué son porte-parole, « se réjouit de l'annonce faite aujourd’hui par le Président Paul Biya sur le lancement d'un processus de dialogue national au Cameroun ». Le patron de l’ONU «encourage le gouvernement camerounais à veiller à ce que le processus soit inclusif et réponde aux défis auxquels le pays est confronté. Il appelle toutes les parties prenantes camerounaises, y compris la diaspora, à participer à cet effort ».
Paul Biya a promis dans son message que ces assises nationales réuniront «une palette diverse de personnalités : parlementaires, hommes politiques, leaders d’opinion, intellectuels, opérateurs économiques, autorités traditionnelles, autorités religieuses, membres de la diaspora, etc. Seront également invités des représentants des Forces de défense et de sécurité, des groupes armés et des victimes », a-t-il dit.
Présidé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, ce dialogue réunira une palette diverse de personnalités : parlementaires, hommes politiques, leaders d’opinion, intellectuels, opérateurs économiques, autorités traditionnelles, autorités religieuses, membres de la diaspora, etc. Seront également invités des représentants des Forces de Défense et de Sécurité, des groupes armés et des victimes.
« Tout le monde ne pourra, et c’est compréhensible, prendre effectivement part à ce dialogue, mais chacun aura l’occasion d’y contribuer », fait savoir Paul Biya.
En amont de la tenue effective du dialogue, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, mènera de larges consultations, afin de recueillir les avis les plus divers, qui serviront de sources d’inspiration pour la conduite des débats. Des Délégations seront également envoyées dans les prochains jours à la rencontre de la diaspora, afin de lui permettre d’apporter sa contribution à ces réflexions sur la résolution de la crise.
Otric N.
Pendant que des efforts sont conjugués à Genève pour résoudre la crise, des leaders séparatistes seraient en train de contester la légitimité des personnalités présentes aux négociations de Genève tandis que d’autres qualifient la rencontre de Saint-Luc d'un non-évènement.
Prenant en compte la liste des personnalités représentant les groupes qui ont pris les armes dans la partie anglophone, le tour de table du dialogue inclusif que le chef de l’Etat a annoncé, commence à se laisser découvrir. L'on se rappelle qu'entre le 25 et le 27 juin dernier, à Saint-Luc, localité qui se trouve dans le canton suisse du Valais, Ebenezer Akwanga, chef du So-cadef, Elvis Kometa du Scnc, Marc Njoh Chebs du mouvement séparatiste RoAn, ou encore Gorji Dinka,l'un des visages les plus connus de la sécession, représenté par son fils, ont fait le déplacement de la capitale helvétique afin de poser les jalons de ce que sera le dialogue inclusif avec le gouvernement, selon les souhaits des Etats-Unis, si l'on s'en tient à leur dernière résolution transmise à la commission des affaires étrangères du congrès.
Sous la conduite du centre pour le dialogue humanitaire, les groupes ont eu des échanges nourris et présenté leur offre de dialogue aux médiateurs suisses. Sauf qu’à peine ces négociations entamées au mois de mai rendues publiques, des voix tant au sein de la société que des mouvements séparatistes, s’élèvent déjà pour contester voire dénoncer la qualité des interlocuteurs et des personnalités invitées à la table des négociations.
Christian Tumi par exemple, père de la All Anglophone conference, ses proches pensent que la rencontre de Saint-Luc constitue à leurs yeux un « non-évènement ». L'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique en kiosque rapporte l'information qui trahit la déception de l’équipe du cardinal dans la conduite de la médiation qu’il a tant convoitée pour le retour à la paix en zones anglophones du Cameroun.
Même déception pour Ni John Fru Ndi présenté comme leader de l’opposition camerounaise et dont les kidnappings questionnent autant qu’ils étonnent de par leur mode opératoire. Le chairman n’avait hésité d'indiquer au Premier ministre lors de sa tournée dans le Nord-Ouest qu’il était l'homme le mieux indiqué pour servir de médiateur dans la résolution de la crise anglophone.
Pour ce qui est de Lucas Cho Ayaba, l’un des terroristes les plus recherchés dans le cadre de cette crise et qui est sur le coup d’un mandat d’arrêt international, il attend aussi de négocier directement avec les autorités gouvernementales.
Il ne faut surtout pas oublier que d'autres personnalités à l’instar de Sisiku Ayuk Tabe ont quant elles, avant même le début des débats de Genève, été exclues par leur base. Ce dernier, s’étant déclaré favorable au dialogue, a été sommé par le directoire de son organisation, de ne plus s’exprimer au nom de celle-ci.
Chief Victor Mukete, Chemuta Divine Banda de leur côté et bien d’autres personnalités voient une situation qui pourrait bientôt faire engager le troisième round des pourparlers avant le dialogue.
Innocent D H
C’est en sa qualité de président national du Mouvement citoyen et de vice-président de l’Alliance patriotique, qu’il a accordé une interview à notre confrère Mutations édition du 27 mai 2019. Théophile Yimgaing Moyo croit dur comme fer que le contentieux franco-camerounais doit être pris en compte dans le dialogue inclusif qui doit être organisé. Parce que la crise aujourd’hui baptisée crise anglophone est l’une des conséquences du choix de la France, qui a été de donner l’indépendance avant qu’il y ait la réunification. Pour le président national du Mouvement citoyen, ce sont les conséquences du choix suscité que les camerounais vivent actuellement. « Aujourd’hui, il y a une partie de notre peuple qui demande son indépendance. Quelles sont les conséquences de ce choix de la France ? C’est la crise dite anglophone. Et l’évolution des choses a continué d’entraîner des conséquences », ajoute-t-il.
De ce fait, le vice-président de l’Alliance patriotique suggère donc la prise en compte du contentieux historique franco-camerounais. «Le Cameroun a un contentieux avec la France et personne ne peut le nier. Tous les accords secrets ont été signés entre la France…et la France. Parce que quand on signe ces accords-là en 1959, nous ne sommes pas indépendants. Donc aujourd’hui, la France ne peut pas dire qu’on a signé des accords avec elle. A ce niveau-là, il y a donc matière à recherche et même matière à débat. Parce qu’aujourd’hui, qu’est-ce qui est enseigné dans nos écoles ? Comment fonctionne notre économie ? Ce sont ces accords secrets-là, toujours en vigueur, qui ne nous permettent pas d’avoir certaines aptitudes par rapport à certains problèmes que nous vivons au quotidien», explique Théophile Yimgaing Moyo.
Au cours de cette interview Théophile Yimgaing Moyo qui s’est aussi exprimé sur le sacrifice des matyrs camerounais, à appeler le peuple à ne pas oublier ces derniers. Leur journée commémorative s’est célébrée le 25 mai 2019. Assassinés le 25 mai 1965, cela fait déjà 64 ans qui ne sont plus de ce monde. « Nous voulons dire au peuple camerounais de ne pas oublier ce qui s’est passé, parce que les conséquences et les crises que nous vivons actuellement, ont leur origine dans cette violence que la France nous a imposé », déclare-t-il.
Liliane N.
Une tête humaine vient d’être découverte ce 21 mai 2019, devant la station Mobile dans la localité de Nkwen à Bamenda. Les criminels, qui se déplaçaient à moto, auraient déposé sa tête devant la station-service (Oilibya). Sur les réseaux sociaux, cet acte est attribué aux combattants séparatistes.
Cette nouvelle tombe quelques heures après celle de l'assassinat d'un bébé de 04 mois. Nouvelle qui a créé l'émoi depuis la soirée d'hier. Des événements qui surviennent alors que le Premier ministre vient d'achever un visite de travail dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec pour principal objectif d'appeler ces combattants à déposer les armes. La question d'un "débat inclusif" est d'ailleurs remontée dans les débats au cours de cette visite.
Au-delà des bonnes intentions et théories, le temps de l'action. Comment s'y prendre efficacement pour prévenir tout échec? Ci-dessous les facteurs de réussite en 10 points:
1. Définition de l’objectif du dialogue et des résultats escomptés à Court, Moyen et Long-terme
Action : Etat du Cameroun
Objet : Il appartient à l’Etat du Cameroun de définir le cadre normatif du Dialogue, d’énoncer clairement les objectifs visés ainsi que les résultats attendus. Doit-on tout y mettre : NOSO, Code électoral, Constitution, Fédéralisme, Loi sur Tribalisme ? Doit-on se limiter au NOSO ? Peut-on procéder par rounds pour couvrir des thématiques spécifiques?
2. Définition des thématiques non-négociables (Hors Négociation)
Action : Etat du Cameroun
Objet : Les points de négociation doivent être bien circonscrits en vue de préserver les acquis nationaux, la paix et d’éviter des malentendus lors des négociations
3. Identification des Principales Parties au Dialogue
Action : Etat Du Cameroun
Objet : L’objectif Du Dialogue, Les étapes ou Rounds, Les résultats escomptés permettent d’identifier les Principales Parties à la Table de Négociation. Un Dialogue inclusif dont le cadre de négociation est le NOSO, devrait tout d’abord mobilier les Représentants des Parties Anglophones et l’Etat du Cameroun, mais aussi d’autres forces vives – Société civile et autorités religieuses.
4. Définition du Processus, étapes, Lieu et durée du Dialogue
Action : Etat du Cameroon
Objet : Les Parties doivent être imprégnées au préalable des thématiques, du temps de prises de parole, des modes de débats et de facilitation, des expertises requises, des synthèses et transcrits, des décisions au terme de chaque thématique/Point de négociation ; Quant aux Etapes de négociation, elles peuvent s’articuler en plusieurs rounds en fonction des critères de démarrage et de sortie d’étapes. Le Lieu peut être neutre. Toutefois, il revient à l’Etat du Cameroun de choisir le lieu et la période.
5. Désignation par Chaque Partie des Hauts Représentants devant conduire le Dialogue
Action : Parties en Négociation
Objet : Ces Hauts Responsables doivent être des personnes intègres, consensuelles, bénéficiant du respect de toutes les Parties. La question de la Représentativité dans les Régions NOSO est fondamentale. Qui est qualifié à parler an nom de ces Régions? Les minorités non-violentes seront-elles représentées?
6. Désignation des Facilitateurs Majeurs : Médiateur National, Médiateur/Représentant Onusien, Représentants de la société civile et des autorités religieuses
Action : Etat Du Cameroun, ONU, Société Civile, Autorités Religieuses
Objet : L’Etat du Cameroun devrait désigner le Médiateur National (Intègre et consensuel), L’ONU devrait désigner son Représentant et La Société Civile et Autorités Religieuses devraient soumettre à l’Etat du Cameroun leurs Représentants afin de favoriser la neutralité.
7. Echange des énoncés de Points de négociations entre Principales Parties et Facilitateurs.
Action : Parties en Négociation
Objet : L’échange des énoncés des points en négociation est utile à l’effet de favoriser la transparence, permettre aux parties de préparer leurs prises de paroles, arguments ainsi que les compromis pour chaque point de négociation. Cet échange devrait faire partie des critères de démarrage d’un round.
8. Définition des conditions/critères de démarrage et de sortie d’étapes des Négociation par chaque partie
Action : Partie en Négociation
Objet : Ces critères doivent être définis d’accord partie afin d’éviter des échecs de négociation et à chaque étape de négociation, les Facilitateurs devraient s’assurer que ces critères sont réunis. Lorsque les critères de sortie d’étapes ne sont pas satisfaits, toute sortie ou arrêt de négociation est assimilé à un échec.
En l’occurrence, les critères de démarrage du Round 1 en vue des négociations sur la Crise Anglophone pourraient être : Echange des énoncés des points de négociation, le cessez-le-feu, libération des leaders, libération des otages, sortie de brousse et retour des populations dans les villages, libre circulation des populations dans le NOSO….
9. Signature des Actes de négociation assortis d’un échéancier de mise en œuvre avec engagement pour une stricte application des Décisions.
Action : Parties en Négociation, Facilitateurs
Objet : Le Secrétariat des Négociations devrait produire les Actes de négociations et Décisions auxquels les Parties sont parvenues. Ces Actes et Décisions sont lus, puis signés par les Hauts Représentants des Parties. Toute Décision est assortie d’un échéancier de mise en œuvre, à Court, Moyen ou Long Terme.
10. Désignation d’un Comité Bipartite de Mise en œuvre des Actes du Dialogue
Action : Parties en Négociation
Objet : La mise en exécution des Décisions des négociations nécessite un comité Ad-hoc ou permanent dont le rôle est d’impulser la dynamique des accords du Dialogue et de rendre compte des progrès réalisés ou entraves au Peuple Camerounais ainsi qu’aux institutions internationales.
Robert Essomba
« A part l'indivisibilité du Cameroun, le président de la République est prêt à organiser un dialogue formel pour résoudre la crise… Le président de la République m'a demandé de dire que hormis la séparation et la sécession, toute autre chose peut être discutée », a déclaré le Premier ministre, Joseph Dion Ngute à la Crtv. Cette déclaration du chef du gouvernement, a été faite ce jeudi 9 mai 2019 à Bamenda, à l'entame de sa visite de travail de quatre jours dans la région du Nord-Ouest, l’une des deux régions en proie depuis près de trois ans, à une crise sociopolitique. Cette sortie du Chef de gouvernement qui est en campagne de paix sur haute instruction du Président de la République, Paul Biya, intervient à un moment où le gouvernement s’était longtemps opposé à un dialogue national, proposé par les hommes de Dieu, la société civile, certains partis politiques et même la Communauté internationale.
Depuis sa nomination comme Premier ministre du Cameroun, c’est la première fois que Joseph Dion Ngute se rend dans ces régions en conflit. Après une escale à Bafoussam, chef-lieu de la Région de l’Ouest, le chef du gouvernement qui tenait dans la main droite un arbre de la paix a été accueilli à Bamenda par de femmes en pleure, qui brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : "Nous pleurons nos enfants" ou encore "les conflits sont inévitables mais la violence est un choix". Joseph Dion Ngute a également effectué au cours de cette première journée, avec le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, une série de concertation avec les autorités et les forces vives du Nord-Ouest. Après Bamenda, Joseph Dion Ngute est attendu dans le Sud-Ouest, sa région d’origine, pour la deuxième étape de sa tournée.
Dans un rapport publié le 02 mai dernier, l’ONG International Crisis Group (ICG) indique que la crise anglophone a fait en vingt mois, 1 850 morts, une majorité d’écoles fermées depuis deux ans, plus de 170 villages détruits, 530 000 déplacés internes et 35 000 réfugiés au Nigéria voisin. Un bilan qui risque de s’alourdir, avec l’intransigeance des belligérants qui ont pris ces deux zones camerounaises en otage.
Marie MGUE