Il est reconnu coupable d’avoir incité une caissière à piocher dans la caisse de son entreprise pour payer les séances de prière qu’il organisait à son profit. Tous les deux ont été condamnés à restituer le corps du délit, en plus d’être privés de liberté.
Cinq ans d’emprisonnement. C’est la peine infligée le 11 septembre 2018 à M. Souley Njoya devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi. Ce dernier est un imam et tradipraticien au quartier Ngousso à Yaoundé. Comme sa coaccusée, Sylvannie Nicaise Tchoua qui a écopé de la même peine, ils sont reconnus coupables des faits d’abus de confiance aggravée et complicité mis à leur charge par la société camerounaise de distribution de produite alimentaire (Condovia). Ils sont condamnés à verser la somme totale de 47,3 millions de francs représentant la réparation du préjudice subi (matériel et commercial) et les honoraires des avocats de l’entreprise.
En outre, ils devront solidairement supporter le paiement de la somme de 2,3 millions de francs de frais de justice (dépens) et une amende de 100 mille francs. Le non-paiement de l’amende et des dépens est assorti d’un emprisonnement supplémentaire de deux ans. Les deux condamnés sont écroués à la prison centrale de Kondengui depuis 2015. Accusée de complicité des faits au centre de la procédure, Florence Makoumé est déclarée non coupable «au bénéfice du doute».
En rappel, l’affaire qui vient de connaître son dénouement devant le TGI du Mfoundi trouve ses origines d’un trou de caisse décelé en novembre 2014 dans la comptabilité de Sylvannie Nicaise Tchoua. Cette dernière occupait au moment de faits les fonctions de caissière à la Condovia. Interpelée, elle va reconnaître le forfait. «Je reconnais avoir pris cet argent pour le remettre à Souley Njoya. Mais, c’est lui qui me demandait de prendre l’argent dans la caisse», déclare-t-elle.
Elle indique que l’argent était versé pour des séances d’exorcisme qu’organisait l’imam à son profit. Elle espérait que les prières allaient lui permettre de retrouver les trois hommes qui l’ont escroquée une partie des fonds litigieux, une somme de 11 millions de francs. Pour la réussite du traitement, elle affirme que l’imam Souley Njoya lui a exigé de verser 11 millions de francs, pendant trois mercredis, à la même heure.
Et, pendant les séances d’exorcisme, l’imam la mettait nue dans une couverture noire, lui faisait des lavages mélangés de parfum en plein carrefour la nuit, à 21 h pile. L’imam la traînait dans toute la ville en cassant des oeufs et en parlant une langue qu’elle ne comprenait pas. Le marabout lui a même exigé de lui apporter la terre du lieu où elle avait remis les 11 millions de francs à ses prétendus escrocs. Les sorties de fonds pour supporter les frais d’exorcisme n’ont fait qu’aggraver son trou de caisse de 11 millions de francs.
Restitution de 25 millions
En guise de défense, M. Souley Njoya a expliqué pendant les débats qu’il a fait la connaissance de Mme Tchoua via Florence Makoumé, une patiente qu’il a guérie d’un écoulement de sein quelques années plutôt. «Mme Tchoua voulait que je prie pour qu’elle rétablisse le contact avec trois personnes à qui elle a remis 11 millions de francs et qui ont cessé de faire signe de vie». Les prières sollicitées, a-til expliqué, ne consistaient qu’en des invocations sur le Coran et des lavages spirituels.
Pour l’opération, la patiente devait supporter le paiement du «matériel de travail», constitué «des beignets, du riz, du sucre et du carburant pour ma voiture.» M. Njoya indique que c’est Mme Tchoua qui a préféré tout convertir en argent, soit 350 mille francs. Pour la rétribution de son travail, il affirme n’avoir demandé que 1,5 million de francs. Rien d’autre. Mais Mme Tchoua a promis de lui donner 2,5 millions en cas de succès. Elle a tenu parole «lorsqu'elle a renoué le contact avec ses escrocs».
L’accusation, pour asseoir la culpabilité de l’imam, s’est pleinement appuyé sur le fait qu’après son arrestation, le guide religieux a souhaité un arrangement à l’amiable avec le plaignant, promoteur de Condovia. Il a, de ce fait, effectué deux virements d’un montant total de 25 millions de francs de son compte d’épargne domicilié à la banque Afriland au profit de l’entreprise Condovia.
Pour relativiser cet argument, M. Njoya a opposé que c’est sous l’effet de la contrainte qu’il a effectué l’opération après humiliation et torture qu’il dit avoir subi du fait des enquêteurs. Les avocats de l’imam ont déroulé une série de faits qui, selon eux, ont entaché la procédure de plusieurs irrégularités et violation des droits de la défense.
La défense de l’imam n’a pas convaincu le tribunal. Lequel l’a reconnu coupable et condamné au même titre que Sylvannie Nicaise Tchoua, qui l’a accablé. Florence Makoumé, qui les a mis en contact, est sortie de l’affaire au bénéfice du doute.