Ce mardi, les Etats-Unis ont émis l’appel en faveur d’un « vrai dialogue » et d’un « transfert de pouvoir » vers les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en crise au Cameroun. Ils estiment que la solution militaire privilégiée par le Gouvernement ne faisait que renforcer les séparatistes.
Voilà trois semaines qui se sont écoulées, après l’annonce selon laquelle le Cameroun ne sera plus « éligible » aux traitements commerciaux préférentiels américains. Ce mardi, Tibor Nagy, le haut responsable chargé de l’Afrique au département d’Etat américain, a estimé lors d’une audition parlementaire à Washington que les conseillers du président camerounais Paul Biya lui ont fait croire que la victoire militaire était envisageable pour résoudre la crise dans les régions anglophones du pays.
Selon le diplomate américain, « la vérité, c’est qu’il n’y aurait pas de victoire militaire » au conflit qui oppose les indépendantistes anglophones à l’armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.
Tibor Nagy déplore la situation, « chaque jour, davantage de Camerounais, qui étaient probablement au départ des Camerounais très loyalistes, commencent à se dire que la Sécession est peut-être la bonne solution », dit-il.
S’agissant du dossier sur le Grand dialogue national organisé au Palais des Congrès de Yaoundé du 30 septembre au 04 octobre 2019 pour tenter de résoudre la crise séparatiste anglophone, le haut responsable chargé de l’Afrique au département d’Etat américain a relativisé le succès.
Plus de 3.000 morts enregistrés
Tibor Nagy, a saisi l’opportunité pour formuler un plaidoyer en faveur de la résolution de la crise anglophone. « Il doit y avoir un vrai dialogue. Et il doit y avoir un transfert de pouvoir vers la région », a-t-il souhaité en insistant sur la nécessité d’annoncer « quelque chose qui ait suffisamment d’intérêt pour ceux qui sont encore dans le camp des modérés ».
La crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest camerounais, a entraîné la mort de plus de 3.000 personnes en deux ans. Et en l’état actuel des choses, plusieurs observateurs voient une menace sur les élections législatives et municipales annoncées pour le 09 février 2019.
Innocent D H
Les Etats-Unis trouvent que la libération des détenus anglophones est un bon point pour la résolution de la crise socio-politique, qui sévit au Nord-Ouest et au Sud-Ouest.
Les américains n’ont pas tardé à réagir après l’annonce de l’arrêt des poursuites contre 333 personnes détenues dans le cadre de la crise anglophone. Par la voix de Tibor Nagy, le Secrétaire d’Etat adjoint américain aux Affaires africaines, on sait qu’ils ont vu d’un bon œil, cette décision du Président de la République, qui procède ainsi au relâchement desdites personnes. « C’est un premier pas encourageant vers un dialogue pacifique dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun », a-t-il écrit dans un tweet.
Cette position de celui qu’on surnomme « Monsieur Afrique », devrait réjouir les autorités du Cameroun et présenter une autre lecture que les Etats-Unis font de la gestion de cette crise. Car faut-il le rappeler, une certaine presse locale a souvent pointé du doigt les américains en indiquant que ceux-ci ont un jeu trouble dans la gestion de la crise anglophone. D’ailleurs la semaine dernière l’Ambassade des Etats-Unis au Cameroun a réagi suite à de pareilles allégations avancées par certains journaux.
La représentation américaine basée au pays, a tenu à apporter des éclaircis sur le rôle qu’il joue dans le grand dialogue national qui a été convoqué par Paul Biya le Président de la République. Le communiqué rendu public et parvenu à notre rédaction, précisait que les américains ne sont que des observateurs neutres du processus. En parlant du grand dialogue national, l’Ambassade faisait savoir que le souhait des américains est que par ces assises, les parties impliquées dans la crise, entre autres renonce à la violence.
Pour revenir à Tibor Nagy, il faut rappeler que lors de sa dernière visite au Cameroun, en audience au Ministère des Relations extérieures, en plus de parler de la crise, il avait évoqué le cas de Maurice Kamto et des militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, qui étaient encore aux arrêts. Il avait alors demandé que le leader du Mrc soit libéré. En partant du pays, il avait été fait à titre exceptionnel dans l’ordre de la valeur, Dignité de grand officier par le Chef de l’Etat.
Liliane N.
Le diplomate américain a pris l'initiative de Twitter le jeudi 18 juillet pour encourager l'idée d'un colloque organisé par le Forum africain des anciens chefs d'Etat et de gouvernement pour aborder les défis plus larges auxquels le Cameroun est confronté. Il estime que le symposium complétera et soutiendra l'initiative suisse visant à résoudre la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
"Le symposium organisé par le Forum africain des anciens chefs d'État est une occasion unique d'aborder les défis plus larges auxquels le Cameroun est confronté et qui compléteront et soutiendront l'initiative suisse visant à résoudre la crise dans le Nord-Ouest et du Sud-Ouest", a déclaré l'ambassadeur Nagy.
D'anciens chefs d'Etat et de gouvernement africains et d'autres dirigeants africains doivent organiser un colloque sur "l'évolution mais troublante de la situation en République du Cameroun" et appeler à "un dialogue ouvert".
Joaquim Alberto Chissano, ancien Président de la République du Mozambique et Président du Forum, a déclaré qu'ils ont eu le privilège de faire part de certains de leurs points de vue et suggestions à Son Excellence le Président Paul Biya du Cameroun et "se réjouit à la perspective de poursuivre ses contacts avec le Président Biya sur cette question".
L'intervention du Forum est de soutenir les travaux de l'Union africaine (UA) pour guider notre continent dans la réalisation des objectifs détaillés dans l'Acte constitutif et de prendre sans délai des mesures pour contacter un large éventail de la population du Cameroun et les inviter à participer à ce que le Forum entend être un dialogue ouvert.
Ce colloque sur le Cameroun s'inscrit dans une série d'interventions visant à trouver des solutions durables à la crise humanitaire, politique et économique qui sévit au Cameroun.
Les organisateurs indiquent que la réunion se tiendra peut-être à Addis-Abeba, en Ethiopie ou dans tout autre pays africain qui sera d'accord avec le Forum pour fournir un lieu pour le Symposium.
Tibor Nagy s'était auparavant réjoui des efforts de facilitation de la Suisse, encourageant toutes les parties à participer à ce processus de négociation inclusif pour ramener la paix au Cameroun.
"Je suis ravi de savoir que les Suisses facilitent le dialogue. Nous encourageons toutes les parties à participer à ce processus de négociation inclusif pour apporter la paix au Cameroun", a tweeté Nagy.
La Suisse agit en tant que facilitateur dans la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun à la demande des parties concernées, a récemment confirmé son ambassadeur au Cameroun, Pietro Lazzeri.
Le mois dernier, le Département fédéral des affaires étrangères, en collaboration avec le Centre pour le dialogue humanitaire, s'est déclaré "déterminé à trouver une solution pacifique et durable à la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun".
Le Département fédéral des affaires étrangères s'est déclaré préoccupé par la persistance de la violence dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, qui fait payer un lourd tribut à la population civile.
"La Suisse s'est engagée depuis longtemps, tant au niveau bilatéral que multilatéral, à trouver une solution pacifique à la crise et à promouvoir le respect des droits de l'homme au Cameroun", a-t-il déclaré. "La Suisse s'est également engagée à apporter une aide humanitaire à la population locale touchée et a aidé le Cameroun à faire face au multilinguisme.
La facilitation est un instrument des bons offices traditionnels de la Suisse. La Suisse, politiquement neutre, détient déjà plusieurs mandats de puissance protectrice dans le monde, par exemple en tant que messager diplomatique entre l'Iran et les Etats-Unis, le Canada, l'Arabie saoudite et l'Egypte.
Otric N.
L'interdiction, selon un communiqué du Secrétaire d'Etat américain, Michael R. Pompeo, a publiquement désigné le meilleur officier de gendarmerie camerounais pour son implication présumée dans une "corruption importante", liée au trafic d'espèces sauvages.
Avant cette interdiction d'entrée aux Etats-Unis, le colonel Jean Claude Ango Ango a été nommé inspecteur général de la gendarmerie nationale par le décret n° 2019/111 du 5 mars 2019 signé par le chef de l'Etat camerounais, commandant en chef des forces armées, le président Paul Biya.
Tibor Nagy s'est rendu sur sa page Twitter pour applaudir son pays, pour cette mesure, prise en vue de mettre fin à la corruption dans le domaine de la faune sauvage. "La désignation publique de l'inspecteur général de la gendarmerie du Cameroun, le colonel Jean Claude Ango Ango, témoigne de notre engagement dans la lutte contre la corruption et le trafic transnational des espèces sauvages", peut-on lire sur son tweet.
Le sous-secrétaire d'État américain aux affaires africaines a exprimé à plusieurs reprises ses préoccupations face aux crises sociopolitiques au Cameroun, qui l'ont beaucoup attiré sur Twitter. Les séparatistes l'ont cependant condamné, lui et les Etats-Unis, pour s'intéresser au trafic d'animaux sauvages et pour avoir ignoré les meurtres continuels dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Tibor Nagy n'a réagi à aucune de ces accusations, mais il a à plusieurs reprises appelé à un cessez-le-feu dans les régions anglophones. « Le Cameroun reste l’un des trois pays qui me tiennent à cœur (les deux autres sont la Somalie et Soudan du sud). J’ai rencontré le président Biya il y a quelques mois au Cameroun et il m’a dit « oui, nous sommes intéressés par le dialogue », mais le gouvernement n’a rien fait pour montrer. Ils ont mis en place des institutions qui n’ont rien fait », a-t-il déclaré en mai dernier devant les membres de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis.
« Je comprends que le gouvernement camerounais a mis en place plusieurs commissions. La commission du bilinguisme est quelque chose qui, à première vue, sonne bien. Il y en a eu quelques-uns mais on ne leur a pas fourni le budget adéquat et ils n’ont vraiment rien fait. Parce que ce dont le pays a besoin plus que tout autre chose, c’est d’un dialogue authentique et ouvert, qui devrait inclure les diasporas camerounaises, car ils y manifestent un grand intérêt. “Parce que, Monsieur, il se passe que les deux côtés deviennent de plus en plus radicalisé. Malheureusement, la violence va empirer dans le nord-ouest et le sud-ouest » a-t-il ajouté.
Otric N.
Hier jeudi 16 mai, le sous-secrétaire d'État américain aux Affaires africaines était devant le parlement américain. S'adressant aux membres de la commission des affaires étrangères du Congrès américain, Tibor Nagy, qui a récemment rencontré le président de la République du Cameroun, a critiqué la gestion de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest.
« Le Cameroun n'a rien fait pour résoudre le conflit. Je me suis assis avec le président Biya il y a quelques mois et il m'a dit: vous savez que le dialogue nous intéresse, mais le gouvernement n'a rien fait qui soit à montrer. Ils ont mis en place des institutions qui n'ont rien fait. Les militaires continuent à incendier des villages et des villes, tandis que des civils sans bras sont obligés de fuir dans les buissons. » A déclaré le diplomate américain.
L'homme d’État américain qui avait marqué l'actualité camerounaise en mars dernier, a confirmé la position de son pays qui, ne serait pas contre une intervention de la communauté internationale pour mettre un terme à la crise qui secoue les régions anglophone du Cameroun depuis octobre 2016. « Les États-Unis doivent redoubler leurs efforts et engagements pour la fin de ce conflit », a martelé Tibor Nagy.
Dans le même esprit, « Monsieur Afrique » du président Donald Trump s'est dit satisfait de la réunion Aria Formula sur le Cameroun qui, tenue lundi au Conseil de sécurité des Nations Unies, a enjoint aux responsables camerounais de privilégier le dialogue élargie afin d'éviter le désordre.
Nagy n'a pas exclu la possibilité de sanctions si le gouvernement n'effectuait pas une procédure accélérée sans conditions préalables. « Le mieux que nous puissions faire en ce moment, est de faire en sorte que le gouvernement camerounais comprenne la nécessité d'un véritable dialogue…. Mais si cela ne se produit pas, nous avons d'autres outils. La possibilité de sanctions est toujours présente. » A-t-il révélé.
Il a par ailleurs recommandé au régime de ne pas poursuivre la solution militaire, faisant craindre une radicalisation accrue et l'exportation des hostilités dans la zone française. « Le gouvernement camerounais pense qu’il va résoudre ce problème militairement. Il n’y a aucun moyen pour eux de gagner militairement, car la loi œil pour œil rendra les choses difficiles. La violence peut même se propager à l’Ouest, au Littoral. En effet, le gouvernement camerounais risque de transformer cela en un autre type de Boko Haram.» A-t-il indiqué.
Notons que, selon le récent rapport de l’ONG International Crisis Group, la crise anglophone a déjà fait au moins 1850 morts et plus de 530 000 déplacés internes, sans compter les milliers de déplacés externes. Cette crise qui s’est muée en conflit armé entre les milices séparatistes et les forces gouvernementales depuis près de 20 mois, a aggravé les besoins humanitaires qui touchent désormais 8 régions sur 10 du pays selon les Nations Unies.
Danielle Ngono Efondo
C’est depuis les Etats-Unis que le sous-secrétaire aux affaires africaines fait cette déclaration fort de sens. Réagissant quelques heures après le renversement par le peuple soudanais du président Omar El Béchir, Tibor Nagy a annoncé que son prochain chantier c’est le Cameroun.
Pour le diplomate américain, le gouvernement de Yaoundé fait la sourde oreille et refuse manifestement de prendre en compte les doléances des populations des régions du Nord-Ouest et u Sud-Ouest. La situation sécuritaire dans ces régions du Cameroun est très préoccupante. La situation humanitaire se dégrade chaque jour un peu plus, les populations fuient les zones de conflits pour se réfugier au Nigéria voisin ou dans d’autres régions à l’intérieur du territoire.
Tibor Nagy est habituée à jouer sur la lame du rasoir. Déjà avant son arrivé au Cameroun en fin mars dernier, il s’était fendu en déclaration tendancieuse à l’endroit du pays de Paul Biya. Il annonçait déjà que la frustration politique généralisée et la crise anglophone serait ses champs de discussions avec le régime en place à Etoudi. Il disait travailler à ce que le gouvernement camerounais soit plus sérieux dans les actions de gestion de la crise anglophone, en précisant que les mesures adoptées jusqu’ici ne sont pas susceptibles de calmer la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Non satisfait de s’intéresser de si près aux affaires internes d’un autre pays, Tibor Nagy est allé, lors de son dernier passage au Cameroun, jusqu’à demander la libération de l’opposant Maurice Kamto. Après avoir rencontré Paul Biya, dans un tweet, le sous-secrétaire avait fait savoir qu’il a signifié au Président camerounais « ses inquiétudes au sujet de l’arrestation de Maurice Kamto et des autres ».
Monsieur Afrique de Donald Trump se présente désormais comme le tombeur et le faiseur de Rois en Afrique. Affirmer publiquement, dans une conférence de presse que le Cameroun est le prochain chantier après le Soudan, laisse croire que les Etats-Unis seraient de près ou de loin acteur de ce qui arrive en ce moment au Soudan. Si les propos de Tibor Nagy sont véritablement l’opinion du gouvernement américain sur la question, il y a craindre pour l’avenir du régime de Yaoundé. Les prochains jours s’annoncent important.
Stéphane Nzesseu
Tibor Nagy vient de rendre une visite au Cameroun. Or, à peine a-t-il tourné le dos qu’on parle déjà de sanctions en préparation contre certaines personnalités camerounaises. Comment comprendre cela ?
Beaucoup de Camerounais semblent oublier que lorsque le Cameroun combattait Boko Haram dans le nord du pays, les États-Unis étaient l'un de nos plus puissants alliés. Les États-Unis ont envoyé du matériel militaire à l'armée camerounaise et ont même envoyé environ 300 soldats américains au Cameroun pour aider l'armée à se battre contre Boko Haram. Cependant, la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a prouvé que le gouvernement du Cameroun, y compris l’armée et systèmes judiciaire, avaient violé les droits de l'homme et que le problème des anglophones était une crise politique pouvant être résolue par un dialogue avoir recours à l'armée. Position est partagée non seulement par la société civile camerounaise et de plusieurs organisations internationales, mais aussi celle de la diaspora camerounaise qui a beaucoup manifesté sa colère contre le régime Biya au niveau international. Dans ce genre de situation, les États-Unis qui se considéraient comme le leader du monde libre ne pouvaient rester indifférents à ce qui se passe au Cameroun.
Par conséquent, lorsque Tibor Nagy a déclaré après son audience à la présidence qu'il avait eu une "discussion franche, honnête et directes" avec Paul Biya, il y avait aucun doute que les violations récurrentes des droits de l’homme par le gouvernement était un aspect clé de ces échanges. Étant donné que le régime de Biya semble faire la sourde oreille aux avertissements des États-Unis, plusieurs organisations influentes des droits de l'homme dans le monde telles Amnesty International et Human Rights Watch qui ont aussi condamné fermement les arrestations de leaders politiques tels que Maurice Kamto, Christian Penda Ekoka, Albert Dzongang, Valsero et d'autres membres du MRC en tant que prisonniers politiques, soulignant que leur arrestation était illégale et arbitraire.
C’est dans ce contexte que les États-Unis, dans le respect de leur constitution et de la loi Leahy (Leahy Law) de 1997, interdisent essentiellement aux départements d’État et de la Défense de fournir une assistance militaire aux forces de sécurité étrangères accusées de violations crédibles des droits de l’homme. Par conséquent, Tibor Nagy espérait qu'en exprimant à Paul Biya la position des États-Unis, il serait suffisamment sage pour modifier ses méthodes et mettre un terme aux violations des droits humains, faute de quoi des sanctions plus sévères seraient infligées.
D’après nos sources, les Américains comptent cibler les hauts-gradés de l’armée et des ministres. Est-ce un choix hasardeux ?
Il est évident que les personnes susceptibles d'être sanctionnées sont des personnes directement impliquées dans la guerre dans les régions anglophones et qui ont une influence directe sur les soldats qui commettent ces violations des droits de l'homme. Permettez-moi tout d’abord de dire que les instruments de sanctions imposés par un État, un groupe d’États ou le Conseil de sécurité des Nations Unies s’efforce à persuader un pays ou certaines personnes ciblées de modifier son comportement, de l’empêcher de se livrer à des activités interdites, et/ou d'envoyer un signal fort concernant les violations des normes internationales.
Les sanctions peuvent être soit ciblées sur certaines personnes, soit des sanctions globales, c'est-à-dire qu'elles ont une portée large et ne font pas de distinction entre les responsables des activités interdites et la population générale d'un pays. En outre, les États-Unis, en tant que superpuissance, ont toujours utilisé les sanctions comme un outil essentiel de leur politique étrangère. En faisant référence à l'article de courrier confidentiel, les États-Unis sembleraient opter pour des sanctions ciblées car ils ne veulent pas punir la population, mais plutôt les dirigeants, les décideurs et leurs principaux partisans. Ce n’est pas surprenant, car si nous restons fidèles à la déclaration de Tibor Nagy où il exprime que les États-Unis souhaitent nouer des relations étroites avec les deux pays, notamment en créant des emplois pour la jeunesse camerounaise.
Qu’est-ce des sanctions américaines contre des personnalités camerounaises peuvent changer ?
Le but des sanctions est d'envoyer un message fort aux dirigeants et aux décideurs afin d'influencer leur comportement et leurs inciter à respecter le droit international et les conventions que le pays a ratifiées, ainsi qu'à rétablir la paix et la sécurité dans leurs pays. N'oublions pas que le Cameroun a ratifié la résolution 21/16 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en 2012 et la résolution 25/20 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en 2014. En tant qu'État souverain, le Cameroun est tenu de respecter ces conventions non par pour faire plaire à la communauté internationale, mais avant tout pour ses citoyens. Cela signifie que l’État a la responsabilité de protéger ses populations contre quatre crimes d’atrocité massive : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique et quand l’Etat est incapable à s’acquitter de ces responsabilités, la communauté internationale peut intervenir pour encourager et aider l’État à s’acquitter de ses responsabilités. Cette Responsabilité de protéger connu en anglais comme R2P a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2005. Par conséquent, des superpuissances telles que les États-Unis et d’autres organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales doivent veiller à ce que ces normes internationales ne soient pas violées par ceux qui ont ratifié les conventions internationales.
Si ces sanctions ciblées se confirmaient, cela mettrait le régime de Biya dans une position très difficile. Comme les États-Unis sont une superpuissance, leurs sanctions sont le plus souvent suivies de sanctions d'autres pays occidentaux et de l'ONU. À l'heure actuelle, des sanctions ciblées américaines ont été appliquées dans des pays comme la Libye, la République centrafricaine, le Burundi, la Somalie, le Soudan du Sud, le Zimbabwe et la République démocratique du Congo, où la semaine dernière, les États-Unis ont sanctionné trois responsables de la Commission électorale (CENI), y compris son président, pour avoir sapé les processus ou les institutions démocratiques.
Il convient de noter que le plus souvent des régimes dictatoriaux qui ne se soucie guère des besoins de leurs citoyens deviennent souvent radicaux et ne cèdent pas à ce type de sanctions comme ce fut le cas avec Robert Mugabe, Pierre Nkurunziza et d'autres dirigeants africains. Mais ceci pourrait simplement être un signe que le régime de Biya est progressivement isolé par la communauté internationale, ce qui pourrait être préjudiciable au développement socio-économique du Cameroun.
Propos transcrits par Félix Swaboka
Le diplomate américain Tibor Nagy, sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines est arrivé au Cameroun comme il était prévu lors de sa tournée et a rendu visite au chef de l’Etat Paul Biya. Il faut replacer les choses dans leur contexte. Il était en tournée, c'est-à-dire qu’il prenait la température dans chacun des pays où il s’est rendu. Ce n’est pas un envoyé spécial, où un voyage destiné au Cameroun pour le règlement d’une quelconque crise. Malheureusement, les commentateurs ont fait le lien entre les déclarations du dirigeant américain et sa visite comme étant celle où il venait tancer le Cameroun. C’est un jeu normal, entre les soutiens de Maurice Kamto qui incapables de pouvoir mobiliser leurs militants, reposent leurs espoirs sur des soutiens extérieurs.
Celui de Tibor Nagy n’étant qu’un des soutiens parmi tant d’autres, puisqu'ils ont fait aussi fait appel à l’avocat français Dupont-Moretti. L’incapacité d’analyse de ces hommes politiques à décrypter les situations politiques est effarante et prouve à suffisance la naïveté de ceux qui prétendent prendre le pouvoir au Cameroun. La rencontre entre Tibor Nagy et Paul Biya s’est bien passée. Un signe de cette rencontre, cette photo de Georges Bush père en compagnie de Paul Biya remise en cadeau à ce dernier. En relations internationales, ces échanges ne se font pas en période de crise. Même si des sujets qui fâchent ont été abordés, ce qui est certain, ils ne sont pas de nature à jeter de l’ombre dans les relations entre les deux pays. Les gens sous-estiment la position stratégique du Cameroun en Afrique Centrale. Même si les dirigeants nationaux sont des autocrates, la communauté internationale ne peut se comporter ici comme ailleurs.
L’embrasement du Cameroun peut mettre toute la sous-région dans une instabilité dont les conséquences sont incalculables. Les intérêts économiques des pays occidentaux sont tels qu’ils préfèrent un dictateur qui embastille son peuple mais sauvegarde leurs biens. Les messages de cette rencontre sont bien évidemment nombreux. La résolution de la crise dans la partie occidentale du Cameroun, le chômage des jeunes, l’arrivée d’investisseurs américains, toutes choses urgentes pour le Cameroun mais qui ne changeront en rien l’attitude du Président Biya qui a fait de l’immobilisme sa ligne politique. Étant plus proche de la sortie que de l’entrée, il n’y a aucune raison que celle-ci change malgré ses deux déclarations annuelles au cours desquelles il raconte des fariboles que les camerounais n’écoutent même plus tellement elles ont été réchauffées.
La pierre d’achoppement est la crise dite anglophone. N’eurent été les dizaines de morts hebdomadaires et les milliers de déplacés, les camerounais attendraient tranquillement la fin de ce régime. Mais, là aussi, le Président est intransigeant. Il veut, avec ses faucons, maintenir la ligne dure, la reddition sans condition des sécessionnistes. Ce qui aujourd'hui est impossible sans que les parties en discutent autour d’une table. Sans être catégorique sur l’avenir, le fait que Tibor Nagy ait échangé avec les officiels camerounais sur le cas Kamto, n’impacte en rien qu'aujourd'hui, Maurice Kamto et ses comparses sont des prisonniers de droit commun et c’est comme tels qu’ils ont été arrêtés. Si l’on s’en tient uniquement au plan judiciaire, ils pourraient être condamnés à de lourdes peines de prison et dans ce cas, même si Kamto est élargi par le pouvoir, il serait politiquement mort car ne pouvant plus se présenter à une élection. Il serait automatiquement privé de ses droits. Si cette analyse se confirme, on atteindrait alors le somment du machiavélisme de Paul Biya, qui ne dit rien mais tisse sa toile.
Une fois de plus, Maurice Kamto aurait foncé tête baissée dans le mur comme le taureau dans la muléta. Comme nous sommes toujours dans le domaine machiavélique, la symbolique de la photo pourrait aussi bien se lire pour Tibor Nagy de la façon suivante : Monsieur le Président Biya, le Président Bush père vous a reçu à la maison blanche en 1991, il y a 28 ans. Aujourd'hui, il est décédé mais vous, vous êtes toujours au pouvoir. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de partir ?
Après la rencontre diplomatique entre le Président camerounais et le diplomate américain Tibor Nagy, il est difficile d’affirmer tout de go que le président Biya va infléchir sur ses positions pour au moins deux raisons. D'abord, il faut admettre d’un point de vue historique et empirique, que le président Biya ne fonctionne pas beaucoup avec la pression extérieure. Elle peut avoir des effets mais pas toujours dans le timing souhaité ou sollicité par ses interlocuteurs. D'un autre côté, le Président du Cameroun est tout à fait conscient du fait que s’il faut que des mesures dissuasives ou coercitives soient engagées à son endroit, cela prendrait un peu de temps pour enclencher un certain nombre de mécanismes et de leviers au plan international.
Ce qui lui donnerait par conséquent assez de temps pour manœuvrer également au plan interne. Bien entendu, il faut reconnaître qu’après une rencontre de haut niveau comme celle-là, on n’a pas toujours tous les éléments pour avoir une grille d’analyse complète. Par conséquent, on est donc réservé sur la suite que le président Paul Biya accordera au souhait exprimé par le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, à savoir l’organisation d’un dialogue inclusif et d’un forum international en vue du règlement de la crise anglophone afin de créer les conditions d’une désescalade dans les régions anglophones du Cameroun. En ce qui concerne le cas du Professeur Maurice Kamto que Tibor Nagy assure avoir évoqué avec les autorités camerounaises, il y a lieu d’espérer que la partie camerounaise soit réceptive à la volonté américaine de voir cet homme politique en liberté. Il faut quand même dire que Maurice Kamto est devenu un acteur majeur avec lequel il faut compter dans le jeu politique aujourd’hui. Son arrestation et son inculpation dans des conditions problématiques posent un réel problème dans notre processus de démocratisation de notre société aujourd'hui.
L’Etat camerounais pouvait se passer de l’arrestation de Maurice Kamto qui lui fait plutôt fait une mauvaise publicité au niveau international. S’agissant de la volonté américaine de voir un Cameroun stable, cela est tout à fait compréhensible car, il faut bien comprendre que le retour de l’Amérique en Afrique en ce moment obéit plus à un souci de contrer la Chine qui a fait une percée extraordinaire et qui inquiète les américains. Les américains sont conscients de l’avance prise par la Chine dans un pays comme le Cameroun qui occupe une position géostratégique importante dans le golfe de Guinée avec le corollaire de toutes les richesses naturelles qui font que certains géologues le qualifient de scandale géologique. Le Cameroun devient donc un enjeu très important dans le redéploiement de l’Amérique en Afrique subsaharienne qui ne souhaite pas qu’il bascule dans un cycle de violences qui compromettrait ses investissements.
En revenant sur la symbolique de la photo remise par le diplomate américain comme cadeau à Paul Biya, l’interprétation peut se faire en fonction des bords idéologiques. Néanmoins, on peut conjecturer sur deux hypothèses au moins. Premièrement, on peut imaginer qu’il s’agit là d’un présent imagé qui rappelle le soutien apporté par le Cameroun au travers du Président Biya à l’Amérique lors de ce qui est qualifié comme étant historiquement la première guerre du golfe. Souvenir important qui a alors marqué le peuple américain qui a voulu exhumer cette photo en signe de nostalgie et de bons rapports entre leur pays et le Cameroun. D’un autre côté, et surtout si on reste en droite ligne avec la tonalité de l’émissaire américain employé depuis Paris où il demandait aux autorités camerounaises à faire preuve de sagesse en libérant Maurice Kamto, on peut alors imaginer qu’il s’agit d’une image intrigante qui invite le président Camerounais à méditer sur une éventuelle retraite comme le lui rappelait l’ambassadeur américain au Cameroun Peter Henry Barlerin qui invitait alors le président Biya à songer à rentrer dans l’histoire comme ce fut le cas de Nelson Mandela et de Georges Washington.
« Les lignes vont bouger »
Les Etats-Unis d'Amérique du Nord demeurent la première puissance mondiale et leur capacité à imposer un agenda à un Etat n'est plus à démontrer. Avant le tête-à-tête avec Biya, le diplomate Américain a invité ce dernier et sa team à être sages en tablant sur le dialogue en zone anglophone et en libérant Maurice Kamto et les siens. Après le tête a-tête, Tibor Nagy déclare que Biya est un homme sage. Par parallélisme de forme, cela veut dire que Biya a consenti à ses prescriptions initiales devant prouver sa sagesse et son tact. Dans les semaines ou les mois à venir, les lignes vont bouger; mais par orgueil, le régime de Yaoundé ne va rien entreprendre dans l'immédiat.
C’est un régime qui subit et plie l'échine tout le temps face aux influences et pressions externes mais qui n'aime pas que ça se sache du commun des mortels. S'agissant de l'affaire Maurice Kamto et Cie qui a tout l'air d'un procès politique appuyé par un code de procédure politique, l'exécutif Camerounais, principal et unique commanditaire n'aura pas de mal à trouver l'échappatoire. La justice qu'elle, soit civile ou militaire, est sous ses ordres et un simple coup de fil fera arrêter toutes les procédures. Notons-le, cette affaire, juxtaposée à la crise anglophone, menace la survie du régime de Biya et s'il y a un domaine où ce dernier brille de mille feux, c'est bien sa capacité à détecter même dans un œuf, les menaces à sa survie.
Quand le diplomate américain aborde les problématiques d'emploi et d'investissement américain, c'est pour signifier ou rappeler à l'ordre gouvernant camerounais le manque à gagner créé par cette crise qui commence à s'éterniser. Ne pas le dire, c'est commettre un déni de vérité: la relation bilatérale entre le Cameroun et les USA est essentiellement et avant tout une affaire d'intérêts économiques et il est de notoriété internationale que quand les intérêts américains sont menacés dans une sous-région ou un pays, le pays de Trump n'hésite sur l'usage d'aucun moyen de pression fût il militaire. Voilà ce qui est rappelé en filigrane au régime de Yaoundé. A la sortie du tête-à-tête, le diplomate américain a reçu des mains de Biya un objet d'art en or massif.
L'Américain lui, a trouvé judicieux de remettre en échange une photo de Biya en compagnie de George Herbert Bush qui date de 1991. On est bien là au cœur du symbolisme et de la subtilité des actes diplomatiques. Philosophiquement, la simple présence de Biya sur une photo avec un hyper Président de regrettée mémoire rappelle à Biya la vanité et le caractère éphémère de la vie et surtout du pouvoir. En outre, cette photo de Biya avec un Président qui a déjà eu au moins 4 successeurs lui rappelle qu'il n'a que trop duré au pouvoir, d'où la nécessité de passer le témoin. Tibor Nagy est d'ailleurs accompagné dans cet acte d'intelligence suprême par l'Ambassadeur Peter Henry Barlerin qui ne file pas le parfait amour avec le régime de Biya.
Propos transcrits par Félix Swaboka