Le calendrier de l'organisation de cette nouvelle élection prévue au cours de cette année ne fait pas l’unanimité au sein des formations politiques représentées à l’Assemblée Nationale. La pomme de discorde, la question de la légitimité du corps électoral pour les régionales. Les partis de l’opposition estiment qu'au regard de la couleur des conseils municipaux et du parlement actuel, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) fera une razzia dans tous les conseils régionaux sur l’ensemble du territoire.
Les états-majors des partis politiques de l'opposition ont perdu le sommeil depuis l’annonce d’une probable tenue des régionales avant les législatives et municipales. Exaspérés à l'idée que les tous premiers conseillers régionaux de l’histoire politique du Cameroun puissent être élus par un collège électoral dont le mandat est formellement terminé depuis 2018.
Thierry BIASSI est membre du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Pour lui, élire les conseillers régionaux par un corps électoral sans aucune légitimité est inacceptable.
"Le mandat actuel est caduc. Le président de la république avait reporté leur mandat d'un an, ils ont perdu leur légitimité. Donc il est important d'organiser d'abord les élections municipales pour que les magistrats municipaux et les chefs traditionnels choisissent les futurs conseillers régionaux. "
Pour Gérard Zambo, membre du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti proche du pouvoir, la prorogation du mandat des députés et conseillers municipaux expire au mois d'octobre et il n’y a aucune loi qui exige la tenue des législatives avant les régionales. On ne peut donc pas parler d'illégitimité en pareil occurrence.
"Nous ne pouvons pas encore dire que les conseillers municipaux ou les députés ne sont pas légitimes quand ils sont couverts par le décret du président de la république, prorogeant la durée de leur mandat. Aujourd'hui si le président estime qu'après la présidentielle de 2018, il faut mettre en place le processus de la décentralisation, il y'a aucune loi qui l'interdit."
Quoiqu'une telle initiative soit un véritable croque en jambe pour les jeunes partis émergent, il n'en demeure pas moins que la question de la légitimité va se poser avec acuité.
Toutefois, le MRC estime qu'il y'a des problèmes urgents à résoudre d'abord au pays avant de parler de la tenue des régionales. Explique Thierry BIASSI.
"Nous avons plus de 450 000 camerounais déplacés à l'intérieur du pays par rapport à la guerre. Parmi eux, les chefs traditionnels et les magistrats municipaux qui doivent élire les conseillers régionaux et qui ont fui la localité."
Dans son discours de fin d'année, Paul Biya avait promis la tenue des élections régionales en 2019, tout en la présentant comme solution aux revendications des populations du nord-ouest et sud-ouest. Depuis lors, les violences n'ont pas connues d'accalmie sur le terrain. Ce qui suscite des interrogations sur les conditions d'organisation d'une élection dans cette partie du pays.
Stéphane Szesseu
A travers cette tribune, nous avons présenté la Décentralisation telle énoncée par la Constitution du 18 Janvier 1996 (Loi n°96/06 du 18 janvier 1996). En son Article premier Alinéa(2), il est écrit : « La République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. ». Le Titre 10 et les Articles 55,56, 57, 58, 59, 60, 61 et 62 définissent les Collectivités Territoriales Décentralisées(CTD), présentent les missions et le rôle de l’Etat dans l’accompagnement. Dans les dispositions finales, il est rappelé que la mise en place de ces différentes instances de gouvernance sera progressive (Article 67(1). Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place).
Depuis 2004, plusieurs outils de gouvernance locale sont élaborés afin de faciliter la mise en œuvre effective de la décentralisation au Cameroun à l’instar de la loi d’Orientation de la Décentralisation (Loi N°2004/017 du 22 juillet 2004), la loi fixant les règles applicables aux Communes (Loi N°2004/018 du 22 juillet 2004), la loi fixant les règles applicables aux Régions (Loi N°2004/018 du 22 juillet 2004), la loi portant régime financier des CTD de 2009 ( Loi N°2009/011 du 10 Juillet 2009)…etc. A côté de ces différents textes qui encadrent la Décentralisation, nous avons des instances de gouvernance comme le CONSEIL NATIONAL DE LA DECENTRALISATION créé par la Loi N°2004/017 du 22 juillet 2004 et organisé par le Décret N°2008/013 du 17 janvier 2008 dont le rôle est de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de la Décentralisation au Cameroun. Il est présidé par le Premier Ministre. Depuis 2018, nous avons le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local, le Décret N°2018/449 du 1er Aout 2018, organise ce Ministère et définit ses missions.
Cette brève présentation rafraîchit notre mémoire et nous permet d’apprécier le chemin parcouru depuis 1996. La mise sur pied des CONSEILS REGIONAUX vise ainsi à parachever ce processus de Décentralisation. Parlant du Projet de loi, actuellement au Parlement, il vient à point nommé, au moment où tous les Camerounais attendent une décentralisation effective. Des questions circulent depuis quelques temps, relatives à la composition de ce Conseil Régional et du nombre par Région. Nous voudrions rappeler que contrairement à la composition sociologique, le législateur a été précis (Article 57 Al2). Les conseillers régionaux dont le mandat est de cinq (5) ans sont : les Délégués des départements élus au suffrage universel indirect et les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. Il est resté muet sur le nombre de Conseillers Régionaux, la proportion…etc donnant ainsi la possibilité au Chef de l’Etat de définir le nombre de conseillers par Région en fonction du contexte (Article 57 Al2)…Le mode d’élection, le nombre, la proportion par catégorie, le régime des inéligibilités, des incompatibilités et des indemnités des conseillers régionaux sont fixés par la loi.). De ce qui précède, nous convenons, que le projet de loi en cours actuellement au parlement est juste une application de la Constitution du Cameroun en son Article 57.
Cette disposition qui donne la possibilité au Chef de l’Etat de déterminer le nombre des conseillers par Département est inscrite dans la constitution, elle viserait à corriger certaines insuffisances. Il s’agit ici d’une disposition qui prône l’équité. Elle permet de ne pas donner la même chose à tout le monde, mais de distribuer proportionnellement. Par exemple le Département du Mfoundi dans la Région du Centre ne saurait avoir le même nombre de Conseillers Régionaux que la Mefou-Akono, tout comme dans la Région de l’Ouest, le Département des Bamboutos et celui du Nkoung-Nkhi. Le Code électoral de 2012 revient encore sur cette disposition (ARTICLE 247.- (1) Chaque département constitue une circonscription électorale pour l’élection des conseillers régionaux. (2) Toutefois, en raison de leur situation particulière, certaines circonscriptions peuvent faire l’objet d’un regroupement ou d’un découpage spécial par décret du Président de la République.).
Une décentralisation efficace s’appuierait autant sur le principe d’égalité que d’équité. L’autre polémique actuellement au Cameroun serait l’ordre de passage des différents scrutins (Législatif, Municipal, Régional, Sénatorial…etc). Le législateur est aussi resté muet sur l’ordre de passage des différents scrutins. Il n’est écrit nulle part qu’on devrait faire telle élection avant telle autre élection. Donnant ainsi la possibilité au Chef de l’Etat de convoquer chaque corps électoral suivant un ordre établi par lui-même, mais tout en respectant la qualité du collège électoral et le délai. Annoncer la « mort » des Délégués du Gouvernement à l’avènement des Conseils Régionaux serait mettre la charrue avec les bœufs parce que la Constitution donne la possibilité d’en créer d’autres CTD comme les Communautés Urbaines, même avec l’avènement des conseils Régionaux (Art 55(1).
Les collectivités territoriales décentralisées de la République sont les régions et les Communes. Tout autre type de collectivité territoriale décentralisée est créé par la loi.). Cependant, il est déjà prévisible que le pouvoir que détiendraient les Délégués du Gouvernement sera nettement réduit. Et s’il n’y a pas une proactivité de la part de l’Etat, on devrait s’attendre dans les prochains jours à des conflits entre ces deux instances dus au chevauchement de compétences. Les populations attendent impatiemment l’adoption de cette loi par le Parlement surtout la Promulgation par le Chef de l’Etat.
La mise sur pied des Conseils Régionaux viendrait ainsi parachever le processus de Décentralisation au Cameroun en cours depuis 1996. Cependant, nous devrions être assez prudents, la mise en œuvre est une chose et l’opérationnalité en est une autre. Le suivi de cette instance de gouvernance locale devrait être spécial au risque de se retrouver avec une instance qui n’est pas différente de l’Etat central actuel ou une instance dont l’existence n’est pas différente de son absence. Il serait aussi impératif que le profil des futurs Conseillers régionaux soit bien défini. Il faudrait des hommes et femmes qui comprennent bien la décentralisation et capables d’apporter un plus pour la mise en place de cette instance au risque de se retrouver avec des conseils régionaux constitués de personnes à la quête d’une reconnaissance. D’autre part, afin de renforcer ces conseils régionaux, les communes devraient être redéfinies. Avec la définition actuelle (commune= Arrondissement) on risquerait de passer à côté de la Décentralisation. Pour plus d’efficacité, il serait très important de prendre aussi en considération, la taille de la population et donner la possibilité à certains arrondissements d’avoir plusieurs Communes.
Propos transcrits par Félix Swaboka
« Biya a une fois de plus le désir de biaiser le jeu »
Le projet de loi no 104/PJL/AN est truffé d'incongruités et les élus du peuple, s'ils le sont toujours, doivent pour une fois et en marge de leur chapelle politique, opposer une fin de non-recevoir à ce projet de loi. En effet, le problème ici n'est pas foncièrement le nombre de Conseillers fixé à 90; le problème c'est celui de la non-prise en compte des disparités géographiques et démographiques.
Sur le plan géographique, il est aberrant qu'une région comme celle de l'Est qui a une superficie de 109.000 km2 avec des enjeux et doléances à la mesure de sa superficie ait le même nombre de Conseillers Régionaux qu'une région comme celle du Sud qui a certes des gros défis de développement mais qui n'a que 43000 km2. En marge de la configuration géographique il aurait été intéressant pour ce projet de loi de prendre en ligne de compte l'élément démographique. En effet, les régions du Cameroun présentent des fortes disparités démographiques: Si la Région du Centre a une population de plus de 03 millions d'âmes, la Région du Sud elle n'a qu'environ 600.000 habitants.
Allant du postulat selon lequel les Conseillers Régionaux comme tous les élus locaux représentent les intérêts de leurs communautés respectives, il est injuste de placer les deux régions sus-citées sur la même balance, en leur fixant le même nombre de Conseillers Régionaux. En dépit de quelques combines, la formule utilisée pour le nombre de Conseillers Municipaux par Commune semble respecter ce postulat lié à la démographie. A l'aspect géographique et démographique, on peut ajouter l'aspect administratif.
Il est dit que les Conseillers Régionaux représenteront les départements. Si la Région du Nord n'a que 04 départements, celle de l'Ouest en a 08. Une simple analyse arithmétique nous fait comprendre que les départements de la Région du Nord auront deux fois plus de Conseillers Régionaux que ceux de la Région de l'Ouest, ce qui est une injustice naïve. Le projet de loi déposé sur la table du Parlement précise en outre qu'un décret fixera par département ou le cas échéant par circonscription issue d'un regroupement ou d'un découpage spécial, le nombre de Conseillers. On note encore là une tentative de manipulation politique à l'effet de se tailler la "part du lion"; sinon pourquoi prévoir encore en back office un découpage spécial alors qu'on a la latitude de déposer toutes les alternatives sur la table du Parlement habileté à légiférer sur des questions de législation électorale ? Biya a une fois de plus le désir de biaiser le jeu. Il est évident au regard de la configuration du budget 2019 et de l'actualité parlementaire que les élections régionales auront lieu cette année.
Il ne fait l'ombre d'aucun doute que Paul Biya, le maître du calendrier, compte faire passer crapuleusement les Régionales avant les municipales. Ceci est une grosse supercherie qui doit être contrée par tous les acteurs de l'opposition et de la société civile. Il est anticonstitutionnel et immoral de faire voter les Conseillers Régionaux par un corps électoral illégitime. Ces "grands électeurs" censés voter les Conseillers Régionaux ont été élus par le peuple en 2013 pour un mandat de 5 ans.
Ceci dit, leur mandat s'expirait en 2018. A cet effet, s'ils tirent encore leur légalité dans le décret de prorogation très calculateur de Biya, il faut noter que leur légitimité, elle s'est émoussée et a pris fin en 2018. Quand on est aux affaires, c'est de bonne guerre de trouver des voies et moyens pour contrôler l'entièreté du pouvoir, mais il est aussi judicieux de le faire en toute élégance républicaine. Vous nous poser la question de savoir si l'avènement des Conseillers Régionaux ne va pas ranger les Délégués du Gouvernement dans les vestiaires. Nous pensons qu'il n'y aura pas d'impact. Ces derniers continueront à jouer les "Supers Maires" et à fouler aux pieds de par leur mépris à l'égard des élus locaux, le très sacré principe républicain de légitimité légale rationnelle. Rien ne changera, car la simple présence des Maires dans les villes suffisait déjà pour supprimer ce poste superflu de Délégué de Gouvernement.
Au demeurant, il faut noter que ce projet de loi passera comme une lettre à la poste dans les deux Chambres du Parlement grâce à la majorité obèse du parti au pouvoir qui n'a jamais eu l'élégance et le cran de contrer un projet de loi de l'exécutif. Cette fois au moins, nous pouvons compter sur un sursaut d'orgueil de ces parlementaires pour au moins appeler à l'ajustement de contenu. Quant à l'impact de ce projet de loi et de sa mise en application, nous pensons que malgré la mauvaise foi qui se lit entre les lignes, les jalons d'une décentralisation de deuxième génération sont entrain d'être jetés.
Propos transcrits par Félix Swaboka
Un projet de loi a été récemment déposé au parlement. Ledit projet de loi n°1047/PJL/AN fixe le nombre, la proportion par catégorie et le régime de rémunération des indemnités des conseillers régionaux. Cyrille Ngoua, coach consultant en management réagit :
« L’avènement des conseils régionaux au Cameroun ne vient nullement signer l’arrêt de mort des communautés urbaines »
La Région est, par définition, une collectivité publique décentralisée. Elle est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Elle gère les affaires locales sous la tutelle de l’Etat en vue du développement économique, social et culturel de ses populations. La Décentralisation confère aux régions, la responsabilité de l’élaboration et l’exécution des plans régionaux de développement. Et la loi sur l’orientation de la Décentralisation de 2004 dispose que la région peut également engager des actions à côté de celles de l’Etat, proposer aux communes de son ressort, toutes mesures tendant à favoriser la coordination des actions de développement et des investissements locaux.
Au regard de ces grandes missions qui incombent à la région et dont la liste évoquée plus haut est loin d’être exhaustive, nous pensons que ce nombre de conseillers régionaux est d’ailleurs faible. Il devrait même, selon-nous, correspondre au nombre de conseillers municipaux existant par région pour plus d’efficacité sur le terrain. Qu’un décret présidentiel vienne déterminer le nombre de conseillers de chaque catégorie par regroupement ou par découpage spécial n’est que normal dans la mesure où toutes les régions du Cameroun n’ont pas la même taille ni sur le plan géographique, ni sur le plan démographique. La répartition du nombre de conseillers régionaux par circonscription requiert une certaine équité. Mais là où le piège est réellement tendu, c’est au niveau du mode d’élection du conseil régional. En effet, celui-ci est constitué des délégués des départements et des représentants du commandement traditionnel qui sont tous élus pour 5 ans.
Les premiers par suffrage universel indirect et les seconds par leurs pairs. Des modes d’élection qui sont souvent très bien contrôlés par le pouvoir en place et son parti et qui ne laissent aucune marge de manœuvre aux partis de l’opposition. Ce qui a souvent été le cas lors des élections des sénateurs dans notre pays où des conseillers municipaux appartenant tous au Rdpc plébiscitent aisément leurs candidats. Les méthodes du Pouvoir en place ne devraient plus nous surprendre. Il lance souvent et organise les élections dans un contexte qui lui est favorable. Nous prendrons pour exemple le calendrier électoral qui n’est jamais ni arrêté ni connu de tous. C’est ce qui peut permettre au Gouvernement d’organiser des élections dans n’importe quel ordre.
On se rappelle que pendant deux mandats successifs, les sénateurs ont été élus par des conseillers municipaux et qu’à chaque fois, on avait pensé que le conseil régional qui constitue leur véritable électorat serait mis en place avant. On peut également déplorer le fait que les élections Législatives et Municipales soient couplées. L’avènement des conseils régionaux ne vient nullement signer l’arrêt de mort des communautés urbaines et par conséquent celui des Délégués du Gouvernement dans la mesure où, contrairement à la communauté urbaine, le conseil régional est une collectivité de la taille d’une région et ses démembrements sont départementaux. Le conseil régional assure la tutelle de l’Etat sur la Région, c’est une sorte de courroie de transmission entre l’Etat et les communes.
Il est important de noter qu’il n’y a pas de pouvoir hiérarchique entre la commune et la région, la région n’assure pas la tutelle des communes. La mise en place effective des régions est un niveau supplémentaire dans le processus de Décentralisation. Elle exprime une volonté de laisser aux régions la possibilité de définir la personnalité de leur localité. Les richesses spécifiques de la région pourront ainsi mise en évidence. Et nous conclurons avec cette réflexion d’Alain-Didier tirée de ‘’l’article 67 de la Constitution’’ qui précise que : « le gel momentané de l’organisation des Régions pose un problème politique sérieux qui obligera, sans doute, les pouvoirs publics à se montrer entreprenants. Compte tenu du fait que l’institution des régions, au-delà du souci d’une bonne administration du territoire, répond à une demande d’autonomie locale, elle-même étant basée sur des revendications irrédentistes à peine voilées, il y aurait quelques risques à retarder longuement la mise en place des Régions ».
Propos transcrits par Félix Swaboka
Le président de la République du Cameroun a annoncé la tenue des premières élections régionales lors du conseil ministériel le 16 janvier dernier au palais de l’Unité. La nouvelle plutôt bien accueillie par la classe politique fait depuis quelques jours l’objet de contestations par l’opposition. En effet, ceux-ci sont contre l’organisation des élections régionales avant les municipales. René Bonono Bakota, membre du Peuple uni pour la rénovation sociale (Purs) donne son avis dans cet entretien.
90 conseillers régionaux par région, n’est-ce pas trop ? A Quoi peut correspondre ce nombre ?
Il est difficile d’adosser une logique à la définition du chiffre 90 qui renvoie au nombre de conseillers régionaux pour chaque région du Cameroun en référence à la loi actuellement sur la table du Parlement. Il peut s’agir à la fois d’une paresse intellectuelle et d’une continuité de la malice à laquelle le régime de monsieur Biya ne peut plus s’en passer. La paresse dans ce sens que ceux qui ont eu la responsabilité de réfléchir sur ce projet, n’ont pas pu trouver une base logique à partir de laquelle la péréquation du nombre de conseiller devait être définit par région. Etant en contexte de décentralisation, on aurait pu s’inspirer du cas de la distribution dans les communes dont le critère de base est la fixation d’un nombre minimal (25) et la suite en fonction de la population.
Les communes qui ont par exemple 41 et 61 (qui se trouve être le plafond) conseillers municipaux, doivent justifier d’une population importante. Le Conseil Régional est la représentation de la population autant dans sa composition sociologique que dans sa densité. La malice parce que le régime de Monsieur Biya a tellement de réservistes qui attendent un strapontin. Ce nombre serait donc fonction des personnes à caser afin d’apaiser leur attente. Même quand l’on voudrait ramener la compréhension de cette répartition au nombre d’arrondissement, le Cameroun dispose de 360 alors que le nombre de conseiller régionaux sera de 900. Par ailleurs, la Région qui a le plus d’arrondissements est le Centre avec 71. Il s’agit là d’une obésité de conseiller par région surtout quand l’on s’intéresse à la distribution à l’intérieur de chaque région. On assistera encore à une grève des budgets surtout qu’on annonce pour 7 milliards la dotation pour la mise en place et le fonctionnement de ces conseils régionaux pour cette année 2019.
Cette disposition ne renferme-t-elle pas le piège d’une volonté pour l’exécutif de toujours avoir la mainmise sur le découpage et partant sur la décentralisation ?
Oui évidemment que l’exécutif n’a jamais caché sa volonté permanente de contrôler la ventilation des élus dans les circonscriptions administratives et électorales. Il suffit de se référer à la répartition du nombre de sièges à l’Assemblée Nationale pour s’en convaincre. Il y a forcément une volonté de garder la mainmise sur la répartition des conseillers régionaux représentants les départements par régions. Pour autant que les représentants des départements seront investis par les partis politiques.
Est-ce que cela aurait un sens d’organiser les élections régionales avant les législatives et les municipales ?
Si les élections régionales sont organisée avant celles des municipales notamment comme cela se précisent, la grande majorité de ces conseillers seront illégitimes. En réalité, 700 conseillers régionaux doivent être élus par les conseillers municipaux actuels. Si l’on peut soutenir la légalité de ces conseillers municipaux, il est impossible d’établir leur légitimité. En réalité, la légitimité de ces conseillers est arrivée à échéance depuis 2018 et personne ne peut plus garantir qu’ils représentent vraiment les populations. Le bon sens voudrait que les conseils régionaux soient mis en place après l’élection des conseillers municipaux. Mais comme il a été relevé plus haut, le RDPC voudrait décongestionner et atténuer les batailles fratricides qui s’annoncent dans ses rangs lors des modes de désignation de ses candidats pour les législatives et les municipales. Ils seront nombreux les militants du RDPC qui nourrissaient des ambitions pour les municipales et les législatives qui compétiront pour les régionales. Une situation qui le rendra moins assommé lors des élections législatives et municipales à venir. Ce braquage se situe au continuum de la malice sus indiquée.
La mort des délégués du gouvernement ?
Difficile d’affirmer que les délégués du gouvernement vont disparaître. Pour la simple raison que les lois du 24 juillet 2004 sur la décentralisation précisent bien la présence des communautés urbaines malgré la mise en place des conseils régionaux. Ces institutions ont une mission davantage de malice politique que de volonté de performance. Il est évident qu’elles ont été créées pour fragiliser les communes des centres villes où l’opposition contrôle les exécutifs municipaux. Monsieur Biya et son régime ne sont pas prêts à abandonner les services d’un instrument qui continue à bien jouer son rôle.
Entrée en scène d’une véritable décentralisation ?
La mise en place des conseils régionaux n’apportera rien de nouveaux à la mise en place de décentralisation à l’état actuel de la situation. La région ne peut bien marcher en contexte de décentralisation que si la commune est vitale. Or actuellement, sur les 63 compétences transférées aux communes de nombreux goulots d’étranglement persistent et c’est n’est pas l’arrivée de la région qui viendra résoudre ces pesanteurs. L’on peut citer la question de la ressource humaine au sein des communes dont le PURS appelle au développement d’une fonction publique locale dans son projet de société ; le financement de la décentralisation ; la mainmise des préfets sur la gestion des communes ; le profil des élus en contexte de décentralisation ; l’absence d’implication des populations ; la mal gouvernance ; etc. comme d’habitude, ces conseils régionaux sont voués à l’échec dans le contexte ambiant actuel.
Bossis Ebo'o
Les élections régionales au Cameroun sont tout aussi attendues par les partis politiques comme les élections législatives et municipales. Avec le dépôt du projet de loi N°1046 déposé au Parlement portant modification du Code électoral, on a compris que lesdites élections sont une certitude. Cependant on note déjà des sons discordants autour de celles-ci. Car à peine le projet de loi déposé, que les partis politiques de l’opposition montent déjà au créneau pour faire des dénonciations. C’est le cas du Social democratic front (Sdf).
« Organiser les élections régionales alors que le mandat des conseillers municipaux tire déjà à expiration est anti républicain », fait savoir Jean Robert Waffo le ministre chargé de l’information et des médias au sein du Shadow Cabinet du Sdf. « Au regard de la composition du collège électoral actuel, le Rdpc aura 100% de conseillers régionaux sur l’étendue du territoire, ce qui est anormal car, les partis politiques qui disposent des conseillers municipaux dans les Mairies ne seront pas représentées », ajoute Jean Robert Waffo.
Au Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) du Pr Maurice Kamto, on déclare déjà ne pas pouvoir prendre part à ces élections en l’état des choses. «Le Mrc ne compte pas participer à cette élection puisque le jeu est faussé d’avance. Tous les chefs traditionnels sont dans le Rdpc. Les ¾ des conseillers sont du Rdpc. Nous attendons les législatives et les municipales. Pourquoi sauter ces élections pour organiser les régionales», affirme Christopher Ndong le secrétaire général du Mrc dans les colonnes du journal Le Jour N°2898.
Jean Robert Waffo en revenant à la charge pense qu’il faut qu’on intègre dans le projet de loi, une disposition qui modifie le scrutin actuel. «Passer du système majoritaire et proportionnel à un système proportionnel intégral. Si le mode de scrutin est maintenu, le Rdpc raflera tous les sièges et cela pourrait accentuer la crise dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Adamaoua», ajoute-t-il.
A titre informatif, il faut savoir la région est le second échelon de la décentralisation, institué par la Constitution du 18 janvier 1996 en son article 55, alinéas 1 et 2 qui disposent notamment que «les collectivités territoriales de la République sont les régions et les communes… Les collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Elles s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi».
Liliane N.