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Expert en gouvernance et homme politique appartenant au RDPC, il estime qu' : « Annoncer la « mort » des Délégués du Gouvernement serait mettre la charrue avant les bœufs »

 

A travers cette tribune, nous avons présenté la Décentralisation telle énoncée par la Constitution du 18 Janvier 1996 (Loi n°96/06 du 18 janvier 1996). En son Article premier Alinéa(2), il est écrit : « La République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. ». Le Titre 10 et les Articles 55,56, 57, 58, 59, 60, 61 et 62 définissent les Collectivités Territoriales Décentralisées(CTD), présentent les missions et le rôle de l’Etat dans l’accompagnement. Dans les dispositions finales, il est rappelé que la mise en place de ces différentes instances de gouvernance sera progressive (Article 67(1). Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place).

 

Depuis 2004, plusieurs outils de gouvernance locale sont élaborés afin de faciliter la mise en œuvre effective de la décentralisation au Cameroun à l’instar de la loi d’Orientation de la Décentralisation (Loi N°2004/017 du 22 juillet 2004), la loi fixant les règles applicables aux Communes (Loi N°2004/018 du 22 juillet 2004), la loi fixant les règles applicables aux Régions (Loi N°2004/018 du 22 juillet 2004), la loi portant régime financier des CTD de 2009 ( Loi N°2009/011 du 10 Juillet 2009)…etc. A côté de ces différents textes qui encadrent la Décentralisation, nous avons des instances de gouvernance comme le CONSEIL NATIONAL DE LA DECENTRALISATION créé par la Loi N°2004/017 du 22 juillet 2004 et organisé par le Décret N°2008/013 du 17 janvier 2008 dont le rôle est de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de la Décentralisation au Cameroun. Il est présidé par le Premier Ministre. Depuis 2018, nous avons le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local, le Décret N°2018/449 du 1er Aout 2018, organise ce Ministère et définit ses missions.

 

Cette brève présentation rafraîchit notre mémoire et nous permet d’apprécier le chemin parcouru depuis 1996. La mise sur pied des CONSEILS REGIONAUX vise ainsi à parachever ce processus de Décentralisation. Parlant du Projet de loi, actuellement au Parlement, il vient à point nommé, au moment où tous les Camerounais attendent une décentralisation effective. Des questions circulent depuis quelques temps, relatives à la composition de ce Conseil Régional et du nombre par Région. Nous voudrions rappeler que contrairement à la composition sociologique, le législateur a été précis (Article 57 Al2). Les conseillers régionaux dont le mandat est de cinq (5) ans sont : les Délégués des départements élus au suffrage universel indirect et les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. Il est resté muet sur le nombre de Conseillers Régionaux, la proportion…etc donnant ainsi la possibilité au Chef de l’Etat de définir le nombre de conseillers par Région en fonction du contexte (Article 57 Al2)…Le mode d’élection, le nombre, la proportion par catégorie, le régime des inéligibilités, des incompatibilités et des indemnités des conseillers régionaux sont fixés par la loi.). De ce qui précède, nous convenons, que le projet de loi en cours actuellement au parlement est juste une application de la Constitution du Cameroun en son Article 57.

 

Cette disposition qui donne la possibilité au Chef de l’Etat de déterminer le nombre des conseillers par Département est inscrite dans la constitution, elle viserait à corriger certaines insuffisances. Il s’agit ici d’une disposition qui prône l’équité. Elle permet de ne pas donner la même chose à tout le monde, mais de distribuer proportionnellement. Par exemple le Département du Mfoundi dans la Région du Centre ne saurait avoir le même nombre de Conseillers Régionaux que la Mefou-Akono, tout comme dans la Région de l’Ouest, le Département des Bamboutos et celui du Nkoung-Nkhi. Le Code électoral de 2012 revient encore sur cette disposition (ARTICLE 247.- (1) Chaque département constitue une circonscription électorale pour l’élection des conseillers régionaux. (2) Toutefois, en raison de leur situation particulière, certaines circonscriptions peuvent faire l’objet d’un regroupement ou d’un découpage spécial par décret du Président de la République.).

 

Une décentralisation efficace s’appuierait autant sur le principe d’égalité que d’équité. L’autre polémique actuellement au Cameroun serait l’ordre de passage des différents scrutins (Législatif, Municipal, Régional, Sénatorial…etc). Le législateur est aussi resté muet sur l’ordre de passage des différents scrutins. Il n’est écrit nulle part qu’on devrait faire telle élection avant telle autre élection. Donnant ainsi la possibilité au Chef de l’Etat de convoquer chaque corps électoral suivant un ordre établi par lui-même, mais tout en respectant la qualité du collège électoral et le délai. Annoncer la « mort » des Délégués du Gouvernement à l’avènement des Conseils Régionaux serait mettre la charrue avec les bœufs parce que la Constitution donne la possibilité d’en créer d’autres CTD comme les Communautés Urbaines, même avec l’avènement des conseils Régionaux (Art 55(1).

 

Les collectivités territoriales décentralisées de la République sont les régions et les Communes. Tout autre type de collectivité territoriale décentralisée est créé par la loi.). Cependant, il est déjà prévisible que le pouvoir que détiendraient les Délégués du Gouvernement sera nettement réduit. Et s’il n’y a pas une proactivité de la part de l’Etat, on devrait s’attendre dans les prochains jours à des conflits entre ces deux instances dus au chevauchement de compétences. Les populations attendent impatiemment l’adoption de cette loi par le Parlement surtout la Promulgation par le Chef de l’Etat.

 

La mise sur pied des Conseils Régionaux viendrait ainsi parachever le processus de Décentralisation au Cameroun en cours depuis 1996. Cependant, nous devrions être assez prudents, la mise en œuvre est une chose et l’opérationnalité en est une autre. Le suivi de cette instance de gouvernance locale devrait être spécial au risque de se retrouver avec une instance qui n’est pas différente de l’Etat central actuel ou une instance dont l’existence n’est pas différente de son absence. Il serait aussi impératif que le profil des futurs Conseillers régionaux soit bien défini. Il faudrait des hommes et femmes qui comprennent bien la décentralisation et capables d’apporter un plus pour la mise en place de cette instance au risque de se retrouver avec des conseils régionaux constitués de personnes à la quête d’une reconnaissance. D’autre part, afin de renforcer ces conseils régionaux, les communes devraient être redéfinies. Avec la définition actuelle (commune= Arrondissement) on risquerait de passer à côté de la Décentralisation. Pour plus d’efficacité, il serait très important de prendre aussi en considération, la taille de la population et donner la possibilité à certains arrondissements d’avoir plusieurs Communes.

 

Propos transcrits par Félix Swaboka

 

Published in Tribune Libre






Sunday, 05 June 2022 11:01