Accusé pendant longtemps de faire preuve de « dérives autoritaires », le Président Patrice Talon annonce la tenue dès Jeudi prochain, d’une assise nationale au cours de laquelle ne sont pas conviés les principaux partis d’opposition et les membres de la Société Civile
Depuis les législatives du mois d’Avril dernier, Le petit qui jusqu’à pas longtemps était considéré comme un modèle de démocratie, traverse une période difficile. Les manifestations populaires qui ont suivi et leur violente répression, ont fait beaucoup morts.
Mais la main tendue du pouvoir, qui avait promis dès le mois de mai de rassembler les différents courants politiques après des semaines de tensions, est vue par beaucoup comme un « non-évènement ».
Même si on ne connait pas avec certitude le contenu des assises qui iront jusqu’à samedi, Alain Orounla, le ministre de la Communication s’est voulu clair : il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle Conférence nationale comme celle de 1990, qui avait mis fin au régime communiste de Mathieu Kérékou et insuflé un vent démocratique dans le reste de l’Afrique francophone. C’est un dialogue politique pour résoudre des problèmes spécifiques et purement politiques. Ce dialogue ne postule pas qu’on débatte de ces questions devant la nation et que tout le monde s’y invite. La politique et les réajustements politiques ne sont pas l’affaire de la société civile ni du clergé ».
En dehors des formations politiques officiellement reconnues, notamment ceux de la majorité présidentielle, ni l’Union Sociale Libérale (USL) de l’homme d’affaire Sébastien Ajavon, aujourd’hui exilé en France, ni Restaurer l’espoir, de l’ancien ministre de la Défense Candide Azannaï, n’ont rempli les conditions légales posées par le gouvernement
Une décision qui soulève un vent de contestation : « On ne peut rien attendre de ce dialogue (…) L’initiative du chef de l’Etat est une initiative d’exclusion. De nombreux grands partis n’ont pas été convoqués », a dénoncé le secrétaire général de Restaurer l’espoir, Guy Mitopkè, assurant que son parti remplit pourtant toutes les conditions en tant que formation politique.
« Pour un dialogue, il faut un médiateur impartial et que les camps antagoniques aient l’arbitrage nécessaire, ce qui n’est pas le cas. Il faut aussi que les décisions qui seront prises soient exécutoires, ce qui n’est pas le cas », a-t-il déclaré à l’AFP
Autre poids lourd de l’opposition, le parti de l’ex-président Thomas Boni Yayi – qui avait quitté Cotonou fin juin après le siège de son domicile par les forces de l’ordre durant les violences post-électorales, a accepté le principe du dialogue, mais a posé des conditions : « Nous voulons participer au dialogue politique, mais nous demandons au chef de l’Etat de revoir certaines choses parce que nous avons des gens à l’extérieur fuyant le régime (…) des gens qui sont en prison… Nous lui demandons de libérer les prisonniers et de laisser rentrer les exilés », explique à l’AFP Paul Hounkpè, secrétaire exécutif de Forces Cauris pour un Bénin immergent (FCBE).
La majorité de ses opposants ont fait face à de grave ennuis judiciaires, à commencer par ses principaux rivaux à la dernière présidentielle, en exil, qui ont écopé de lourdes peines.
N.R.M
D’après Jeune Afrique, les différents belligérants sont rarement unanimes sur les méthodes à adopter lorsqu’il s’agit des grandes questions politiques. Cette fois-ci pourtant, après une semaine d’intenses débats, un consensus a été trouvé entre les représentants des partis de la majorité présidentielle et ceux de l’opposition invités au dialogue initié par le chef de l’État, Roch Marc Christian Kaboré : Élections couplées de 2020, crises sécuritaire et inter communautaire, réconciliation et relance économique… la quasi-totalité des points ont fait l’objet d’un consensus.
« Sur le plan politique, c’est extrêmement important que les acteurs politiques se parlent. Très souvent, l’absence de dialogue et les malentendus font le lit des crises. On constate qu’un consensus a été trouvé sur la quasi-totalité des points. Cela remet désormais les pendules à l’heure et conforte la légitimité du chef de l’État », interprète Louis Armand Ouali, diplomate et homme politique.
Sur la question des élections, les participants au dialogue se sont accordés sur le maintien du calendrier électoral qui prévoit la tenue des élections couplées – législatives et présidentielle en 2020, conformément aux dispositions constitutionnelles. En revanche, le code électoral, lui, va subir de légères modifications, avant d’être relu en profondeur une fois la nouvelle Constitution en vigueur.
Un référendum avant 2020 ?
L’opposition politique a toutefois réfuté le couplage du référendum pour l’adoption de ce texte fondamental à toute autre élection : « Nous avons demandé au Chef de l’État de prendre garde et, de tout faire pour que ce ne soit pas couplé à une autre élection. L’opposition a bien fait comprendre qu’elle ne souhaitait pas qu’il y ait un triplage. Donc cela montre bien qu’il faut qu’on laisse le sujet en débat pour que nous puissions ensuite trouver une autre date », explique Zéphirin Diabré, patron de l’opposition burkinabè.
De fait, les acteurs politiques confient au président Roch Marc Christian Kaboré la responsabilité de déterminer la période de la tenue de ce référendum. Probablement avant les échéances de l’an prochain : « Techniquement, ce sera difficile. Mais politiquement, si le Chef de l’État parvient à organiser le référendum avant les échéances de 2020, ça sera un point en plus pour son mandat », précise un cadre de la majorité, qui rappelle que la nouvelle Constitution est une promesse électorale.
Alors que le vote des burkinabè de l’extérieur rencontre l’assentiment des acteurs, un désaccord est apparu concernant la carte consulaire biométrique, en cours, notamment en Côte d’Ivoire qui accueille plus de trois millions de personnes, utilisé comme document de votation. « L’opposition l’a rejetée pour des raisons politiques. Il fallait bien qu’elle reparte avec un point d’opposition », explique notre source issue de la majorité.
Vers une formation d’union nationale ?
D’autres restent plus mesurés sur la portée réelle de ce consensus. « Ce consensus général me paraît assez étonnant de prime abord dans la situation de clivages actuels [sécuritaire, fronde sociale, etc.]. La formulation des conclusions reste vague. Sur le quota en fonction du genre, par exemple, les recommandations du dialogue annoncent un positionnement alterné sur les listes de candidature et le maintien du quota de 30%, mais en même temps la suppression de la sanction en cas de non-respect de cette mesure. C’est un recul », fustige l’analyste politique burkinabè Siaka Coulibaly.
D’après nos informations, ce dialogue initié par le chef de l’État viserait à préparer le terrain pour mettre en place une formation d’union nationale. « J’ai entendu cette rumeur, mais je ne peux pas la confirmer », glisse l’entourage du président burkinabè. Interrogé par Jeune Afrique sur la question, Siaka Coulibaly évoque cette éventualité comme raison principale de ce dialogue: « C’est possible, d’autant plus que la classe politique n’a pas voulu exprimer publiquement les vraies raisons de ce dialogue qui pourraient porter sur la formation d’un gouvernement d’union nationale ou même les stratégies électorales de 2020 », conclut Siaka Coulibaly.
La société civile qui, elle, n’était pas conviée à cette rencontre attend le second dialogue politique ouvert à toutes les forces vives de la nation comme le suggèrent les conclusions: « Cette rencontre était un calcul politique. Ils l’ont voulu dans ce format et nous le respectons. Nous ne sommes pas contre le fait que certains acteurs discutent entre eux, avant un dialogue ouvert à tous », estime pour sa part Serge Bambara, encore surnommé Smockey, un des fondateurs du Balai citoyen. « Mais si cette rencontre a lieu comme promis, nous saisirons l’occasion pour donner notre avis et faire nos propositions », ajoute-t-il.
N.R.M