Dans cet entretien, l’homme qui arbore parmi de multiples casquettes, celle d’Anthropologue revient sur le sentiment qui l’habite quatre ans après l’accident du train 152, d’abord en tant que victime mais aussi en tant que Fils du Nyong-et-kelle qui regrette le fait que jusqu’à date, les promesses faites par le Gouvernement soient restées lettres mortes.
- Merci Professeur Charly Gabriel Mbock d’avoir accepté de répondre à nos questions. Quel est le sentiment qui est le vôtre alors qu’on se remémore de ce jour tristement célèbre ?
Sentiment de Révolte et de honte. Révolte parce que nous avions un contrat avec une compagnie qui n’a pas honoré son contrat ; révolte parce que j’ai été témoin d’une horreur insoutenable.
J’ai vu des enfants, des jeunes, des femmes mourir ; J’ai vu des hommes crevés littéralement et se faire couper les bras parce qu’eux-mêmes demandaient qu’on les arrache à la carcasse, à la ferraille. j’ai vu transporter des dames dans des brouettes,
Ils répétaient, ivres de douleur « Coupez, Coupez moi le bras pour qu’on me sorte d’ici ».
A l’hôpital d’Eseka, j’ai été témoin de plusieurs navettes de pickups où les cadavres étaient entassés comme autant de sacs de patates ou de cacao.
Voilà la révolte et, je trouve que d’avoir échappé à cette catastrophe, ne peut pas être pour moi, un sujet de satisfaction parce que j’ai presque honte d’avoir survécu.
Le privilège, qu’on peut avoir de sortir de ce genre d’enfer ne peut pas se transformer en joie ; parce que j’y ai perdu en plus de mes compatriotes qui ne demandaient qu’à arriver là où ils voulaient aller, une nièce et c’est une perte dont jusqu’ici, la famille ne s’est pas relevée.
- La construction d’une stèle et la transformation de l’hôpital d’Eseka en Centre hospitalier de référence sont entre autres les promesses qui vous ont été faites, à vous comme aux populations de ce Département. Promesses vaines, pas tenues Professeur
Vous savez, la honte et la révolte que j’ai mentionné plus haut se greffent à un sentiment de choc, parce que le scandale dure. Eseka est une ville historique pour le Cameroun mais c’est malheureusement une cité oubliée pour notre Afrique en miniature.
Ceux qui ont longtemps combattu les pères de l’Indépendance sont aux affaires alors que nos héros qui ont donné leur vie s’en sont allés sans jamais pu jouir des fruits de leurs sacrifices.
Une ville comme Eseka qui ressemble pratiquement à un cimetière et qui en sus, est humiliée par des promesses, que personne ne tient, je suis profondément révolté.
J’entends en appeler à la Communauté Basa’a Mpôo Bâtie pour qu’elle se rende compte que dans son Cameroun, elle reste marginalisée, au point que même lorsque la ville est sinistrée comme elle l’a été il y’a quatre ans, même lorsque les membres du Gouvernement font les promesses, ils ricanent après.
Vous savez, Eseka est une ville qui a été marquée négativement, alors que le travail des Fils d’Eseka, des enfants du Nyong et Kelle a été fait pour l’honneur de tout le Cameroun.
C’est un peu comme si on disait « Si le Cameroun est indépendant, c’est de la faute des Basa’a Mpôo Bâtie» ; Or aujourd’hui, ceux qui combattaient l’Indépendance, s’enivrent de champagne, il faudrait savoir.
- Quel est votre message aujourd’hui, à l’endroit des victimes de cette catastrophe qui attendent encore que les promesses qui leur ont été faites soient tenues ?
Je voudrais dire aux familles sinistrées que c’est une catastrophe qui va nous traumatiser pendant longtemps puisque des familles entières ont été mutilées. Courage et force pour ceux qui croient en Dieu, quelque soit l’appellation qu’on lui donne, parce que la Foi peut sauver de la dépression.
Aux populations d’Eseka en particulier et du Nyong et Kelle en général, je dis salut et chapeau parce que j’ai vu ces personnes se mobiliser autour des carcasses pour sauver des vies qui pouvaient encore l’être.
Ils ont travaillé avec rien, c’est à leur honneur. Et c’est à l’honneur des autorités de l’époque, le maire Jean René Libock ; Enfin, je souhaite que les populations du Nyong et Kelle et plus globalement, que les Basa’a Mpôo Bâti se rendent compte que si elles ne font rien elle-même, rien ne sera fait pour elle.
D’où l’importance des associations comme les Mbog Liâa, d’où l’importance de la bataille que les élites Basa’a Mpôo Bâtie ont engagé en réclamation de la création de la grande Région de la Sanaga Maritime parce qu’on nous a divisé pour nous fragiliser ;
Aujourd’hui, l’intelligence, puisque nous en avons demande qu’on fédère les énergies pour que les Basa’a Mpôo Bâtie se retrouvent dans la grande Famille de la Sanaga Maritime.
Entretien mené par Nicole Ricci Minyem
Invité d'équinoxe TV ce dimanche, le Pr Charly Gabriel Mbock retraçait les entraves qui ont jalonné la rédaction du livre dont Paul Biya était l'auteur "Pour le libéralisme communautaire". A ce sujet, le Professeur fait savoir que le colloque devant déclencher la mise en œuvre de ce livre a été bloqué entre autre du fait des désaccords des autres intellectuels du parti unique quant à la communication qu'il avait préparée sur la question du "Multipartisme politique".
Ce dimanche sur le plateau de l'émission "La vérité en face", le Pr Charly Gabriel Mbock donne des détails sur les coulisses de la rédaction du livre programme qui a pensé le Cameroun moderne. Un ouvrage pertinent qui n'a malheureusement jamais été mis en application. D'ailleurs répondant à une question du journaliste sur l'évaluation qu'il fait de cet ouvrage aujourd'hui, le Pr Charly Gabriel Mbock dira que la mise en œuvre du programme indiqué dans ce livre est de 0%. Il est nul.
L'upeciste Charly Gabriel Mbock fait l'annonce de ce que l'un des blocages du colloque devant déclencher la mise en œuvre des pensées édictées dans le livre "Pour le libéralisme communautaire", était les désaccords sur sa communication à propos du pluralisme communautaire. Et c'est l'occasion pour lui de préciser la distinction fondamentale entre les deux concepts politiques.
Le multiculturalisme, c'est juste la multiplication numérique de formation politique. Ici on décompte plusieurs partis politiques, mais tous chantent la même chanson. Tous sont conduits par la même idéologie et la même pensée politique. Or lorsque l'on parle de pluralisme politique, il est question d'avoir certes plusieurs partis politiques, mais des partis qui ont une véritable différence de point de vue. De sorte que le parti "A" dit des choses contraires à ce que pense le parti "B". Et les deux partis s'écoutent en acceptant leurs différences. Et c'est dans un tel contexte qu'on peut valablement parler de démocratie. Par ailleurs, le Pr Charly Gabriel Mbock précise que c'est le pluralisme politique qui est le vrai socle d'une réelle alternance politique.
A cette époque, ils étaient nombreux qui ne voulaient pas qu'il y ait des discours différents à celui tenu par le chef de l'État. Et c'est ce qu'on a observé par la suite. Lorsque le multipartisme est proclamé, on observe la création de plusieurs partis politiques qui pour la plupart chantent une seule chanson. Celle du pouvoir en place. Avec la conséquence d'une paralysie de l'alternance politique au Cameroun.
Stéphane NZESSEU
Dans sa lettre de démission, le responsable de la stratégie du parti nationaliste explique qu’il lui est devenu moralement et politiquement insoutenable de militer davantage au sein de l’Union des populations du Cameroun sous l’actuelle direction.
L’Union des populations du Cameroun (UPC) vient de perdre une grosse pointure à la quelques mois du double scrutin législatif et municipal de février 2019. En effet, Charly Gabriel Mbock vient de rendre le tablier. Dans sa lettre de démission, celui qui a milité 27 ans durant au sein de l’UPC explique :
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que malgré la fraternelle estime que nous nous témoignons, et pour diverses raisons que la pudeur et mon respect pour l’UPC m’empêchent d’exposer, il m’est devenu moralement et politiquement insoutenable de militer davantage au sein de l’Union des populations du Cameroun sous l’actuelle direction. En conséquence je vous présente ma démission avec effet immédiat ».
La lettre est adressé à Pierre Baleguel Nkot, secrétaire général de l’UPC. Charly Gabriel Mbock occupait le poste de chargé de la stratégie de l’Upc depuis le congrès unitaire de 2017. En attendant d’y voir plus clair, il n’est pas pour le moment établi que Charly Gabriel Mbock veuille rejoindre un autre parti.
Né au Cameroun, Charly Gabriel Mbock est Professeur à l’université de Yaoundé 1. Écrivain, anthropologue, directeur de recherche et homme politique, il a publié, entre autres, Quand saigne le palmier, 1978 (roman) ; Le monde s'effondre” de Chinua Achebe, 1978 (essai critique) ; Le soupçon, 1980 (nouvelle) ; La croix du cœur, 1984 (roman) ; Cameroun, l'intention démocratique, 1985 (essai politique) ; Cameroun : le défi libéral, 1990 (essai politique) ; Comprendre “Ville cruelle” d’Eza Boto, 1992 (essai critique).
Avant d’être membre de l’Upc, Charly Gabriel Mbock a milité au Social democratic front. Ce sont les deux partis qu’il a connus dans sa carrière politique.