Dans une correspondance adressée à tous les chefs de secteur, le Directeur général des douanes, Fongo Edwin Nuvaga demande à ses unités de procéder au dédouanement effectif de tous les téléphones qui entrent sur le sol camerounais. Un renforcement de contrôle sur l’importation des téléphones envisagé juste quelques jours après le flop enregistré par la procédure de prélèvement électronique des taxes de douane sur les téléphones auprès des consommateurs.
La direction générale des douanes décidée à renforcer le contrôle sur l’importation des téléphones afin d’optimiser la collecte des ressources budgétaires de l’Etat. Elle vient d’instruire aux chefs de secteur du triangle national, « de prendre toutes les dispositions pour renforcer le dispositif de surveillance, de prise en charge et de dédouanement des téléphones et terminaux importés, sans préjudice des acquis de la facilitation ».
Le directeur général, Fongo Edwin Nuvaga précise dans sa correspondance du 20 octobre 2020, « Vous veillerez à ce que tous les terminaux importés soient dédouanés en tout point du territoire national, sur la base exclusive des valeurs minimales ». Ainsi, les douaniers devront également tenir chaque semaine, « un fichier électronique séparé reprenant tous les éléments d’identification exhaustive des téléphones et terminaux introduits au Cameroun », ajoute le DG des douanes. De sources crédibles, les téléphones sont dédouanés selon la gamme de 3000 à 200 000 francs CFA.
L’instruction de la Direction générale des douanes intervient juste quelques jours après le flop enregistré par la procédure de prélèvement électronique des taxes douanières sur les téléphones auprès des consommateurs.
En effet, le Président Paul Biya a annulé le 19 octobre dernier cette collecte qui était entrée en vigueur le 15 octobre 2020 conformément à la loi des finances de l’exercice 2020. Dans une correspondance signée par le Secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh adressée au Secrétaire général des Services du Premier ministre, l’on a appris que le processus de collecte numérique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés est purement et simplement arrêté, et devra être revu.
« En exécution des hautes instructions du Chef de l’Etat, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il demande au Premier ministre, Chef du Gouvernement : de faire surseoir à la mise en œuvre de la collecte par voie électronique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés, soumettre à sa haute juridiction, un mécanisme plus approprié de recouvrement desdits droits de douane et autres taxes », a prescrit la correspondance administrative du SG de la Présidence de la République.
Innocent D H
C’est connu, la décision du Gouvernement camerounais de faire collecter les droits de douane sur les téléphones portables et les tablettes par voie numérique à travers la société dénommée Arintech entre en vigueur dès le 15 octobre 2020. Sur la toile notamment sur Twitter, plusieurs hashtags ont été créés par les internautes pour dénoncer cette mesure.
Parmi les hashtags créés il y a : #EndPhoneTax, #EndPhoneTax, # EndPoneTaxBrutally, #MobileTax237, #NotePhoneTax. Pour ce qui est précisément de l’hashtag #EndPhoneTax, plus de 13 000 tweets ont été postés en quelques heures seulement dans la journée du samedi, 10 octobre 2020, apprend-on. L’un des chefs de file est l’entrepreneuse technologique, fondatrice et PDG d’AppsTech, Rebecca Enonchong. Celle-ci critique : « Les opérateurs télécoms vont envoyer un fichier avec des dizaines de millions de données à une société inconnue avec un mode de sécurité inconnu. Cette société va traiter les données et voir si ce téléphone a déjà été déclaré comme étant dédouané. Pour les téléphones sans IMEI (numéro d’identification d’un portable), la société parle de faire une triangulation utilisant d’autres éléments de compte. Cette méthode n’est pas techniquement fiable. Cela voudra dire que nombreux téléphones dédouanés normalement se verront absents de cette liste et seront facturés ».
Non loin, un autre internaute s’interroge : « Il se pose un problème. Si moi je vais acheter un nouveau téléphone, ne sachant pas que ce dernier n’a pas été dédouané, pourquoi c’est à moi l’acheteur de payer les taxes à la place d’un importateur ? ».
Face à cette montée de polémique sur la toile, la Ministre camerounaise des Postes et Télécommunications (Minpostel), Minette Libom Li Likeng ne pouvait rester indifférente. Elle a fait une sortie ce dimanche 11 octobre dans l’optique de rassurer l’opinion publique. Selon la ministre, la question de la protection des données est prise très au sérieux par le Gouvernement camerounais. C’est dans ce contexte que plusieurs mesures ont été prises. Elle cite entre autres, le lancement de la campagne nationale contre la cybercriminalité et l’utilisation responsable des réseaux sociaux.
Minette Libom Li Likeng précise que le Cameroun n’est pas une exception dans la collecte numérique de la taxe douanière. « C’est une modalité dématérialisée de recouvrement des droits et taxes. L’environnement technologique facilite juste la collecte et fait un peu mal aux utilisateurs qui échappaient jusque-là », écrit pour sa part, Patrice Amba Salla.
Innocent D H
Selon un classement établi par le ministère du Commerce, les importations de téléphones portables ont englouti la somme de 228 milliards de FCFA sur la période 2015-2017, faisant des téléphones le 8ème produit le plus importé.
A en croire les statistiques du ministère du Commerce, rapportées par le magazine Investir au Cameroun, le pic a été atteint au cours de l’année 2016, avec 146,2 milliards de FCFA d'importations, contre respectivement 81,3 et 60,4 milliards en 2015 et 2017. Cette augmentation peut s’expliquer par la progression fulgurante du taux de pénétration des terminaux mobiles au sein de la population, depuis l’avènement de la téléphonie mobile au Cameroun en l’an 2000.
En effet, selon les données du ministère des Postes et Télécommunications, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est passé d’environ 12% seulement en 2005, à près de 83% en 2016. Cette progression a été encore plus vigoureuse à partir de 2015, avec le déploiement des réseaux 3G et des variantes de la 4G par les opérateurs de mobile du pays, mutation ayant imposé l’utilisation des terminaux adaptés pour accéder à l’internet mobile.
Ce dernier détail peut d’ailleurs expliquer l’explosion des importations de téléphones observée en 2016, année au cours de laquelle la valeur (146,2 milliards FCFA) de ces importations a plus que doublé celle de 2017 (60,4 milliards).
L’Agence de régulation des télécommunications (Art) du Cameroun s’est engagée dans le contrôle des terminaux télécoms présents sur le marché camerounais, en particulier les téléphones portables. Selon, Mengang Bekono, le directeur technique de l’Art, « des étapes de contrôles sont prévues, notamment avec les services de la douane au niveau des entrées et même des importateurs grossistes ».
A travers ce renforcement des contrôles, « il est question de lutter contre la présence sur le marché intérieur des téléphones non homologués et de maîtriser le volume de ces équipements en circulation sur le territoire national. Il s’agit aussi de protéger les opérateurs économiques locaux contre la concurrence déloyale des importateurs illégaux et d’endiguer l’importation des téléphones contrefaits et des risques qu’ils représentent pour l’utilisateur. Il est aussi question de lutter contre les terminaux contrefaits », ajoute Mengang Bekono.
D’après lui, chaque téléphone a un code unique. Il s’agit du code Imei utilisé en cas de recherche de perte, de vol ou identification d’un téléphone par le réseau de l’opérateur. Cependant, il se trouve que sur le marché, il y a des centaines de téléphones qui ont le même Imei. Du coup, en cas de problème, il s’avère très difficile de procéder à toutes ces vérifications. Autant de méfaits qui justifient la vaste opération nationale de contrôle que l’Art entend lancer prochainement.
Otric N.