Nous assistons à un feuilleton judiciaire qui n'a pas encore fini de nous livrer toutes ses curiosités. Même à la Cour Pénale Internationale (CPI) censée traiter des cas liés à la criminalité de haut niveau, les audiences sont publiques. La doctrine l'exige et tous les mécanismes des droits humains et instruments juridiques consacrent ce très élémentaire principe du procès public. Le Cameroun a toujours jusqu'ici, respecté ce principe basique de droit. Que se passe-t-il pour le cas de Kamto et Cie? Je vous disais la semaine dernière que le document qui régit l'action de la justice dans ce dossier c'est un code de procédure politique.
Ce qui est des plus curieux c'est que la Cour d'Appel n'a pas la mission dans le cas d'espèce de prononcer ou d'invalider une sentence punitive, elle est juste saisie conformément au principe de double degré de juridiction à l'effet de confirmer ou d'infirmer la décision des juges de l'habeas corpus (juge des libertés) qui ont débouté Maurice Kamto et Cie ou de les libérer conformément à leur requête. Si la Cour d'Appel s'obstine à procéder à des audiences à huis clos c'est parce qu’elle ne veut pas davantage montrer la face hideuse et lugubre de la justice Camerounaise. Ces magistrats ont peut-être déjà une décision qui vient des hauts-lieux. Leur phobie du procès public vient donc du fait qu'ils seront obligés d'avancer en public des motifs loufoques pour justifier cet autre rejet.
Les autorités judiciaires de la Cour d'Appel connaissent le cran et la compétence des avocats engagés dans ce dossier, il est donc question d'éviter le ridicule en public. S'il y a une autre exclusivité dans ce procès, c'est bien le fait qu'on veuille juger séparément des personnes et personnalités qui sont gardées au même endroit et pour les mêmes motifs. Quand nous juxtaposons à cette autre mesure le fait que les autorités judiciaires veulent faire du huis-clos, on peut très bien se dire qu'il y a une certaine volonté de d'émousser la stratégie de la partie demanderesse. Ce procès étant davantage politique, il n'est pas exclu qu'il y ait en outre une volonté de déstabiliser la solidarité qui fait jusqu'ici la force des personnalités incarcérées dans le cadre de cette affaire.
Il est à noter que suite à la fin de non-recevoir opposée par les requérants pour le huis clos, les juges ont tenu des audiences en absence des avocats de la défense et des principaux concernés et ont mis l'affaire en délibéré pour le 09 Avril. Ceci est une insulte au principe du contradictoire, principe qui seul, garantit le caractère équitable d'un procès. Les autorités judiciaires ont peut-être eu du grain à moudre face à la décision des requérants de ne pas assister au huis-clos. Si cette thèse se vérifie le 09 Avril par le rejet de l'appel interjeté par Maurice Kamto et Cie, le chemin sera certainement comme prédit par le collège des avocats, celui de la Suisse, le "temple des Droits Humains".
Propos transcrits par Félix Swaboka
Le moins que l'on puisse dire, c’est que l'opinion publique camerounaise est plutôt divisée sur la manière dans laquelle, le leader du Mrc a failli être auditionné. Il y'a plusieurs sons de cloche. Les partisans de ce parti politique n'approuvent point que leur Président, soit auditionné à huis clos, selon eux, ceci est non conforme au code de procédure pénale camerounais. De ce fait, l’approche et les moyens utilisés par les autorités judiciaires pour le traitement du mis en cause, eu égard de son statut est critiqué.
De prime abord, cela est bien compréhensible en de pareilles circonstances, qu'il n'est pas possible de faire l'unanimité sur une question aussi sensible et délicate, que la procédure judiciaire.
Ainsi, selon ces critiques, le mis en cause, en sa qualité de leader d'un supposé premier parti de l'opposition à l'heure actuelle, mériterait plus de considération, de respect et d'égards. En somme, la justice devrait lui réserver un traitement différent de celui des autres justiciables ordinaires, dans l'esprit du cadre de procédure pénale camerounais.
N'étant pas un spécialiste du Droit, encore moins autorité judiciaire, nous allons nous en tenir à notre petite capacité de lecteur, sous forme d'autodidacte du droit, et de nos petites connaissances empiriques, pour essayer de donner notre modeste position, par rapport à cette problématique. À cet effet, examinant le code de procédure pénale camerounais, en son article 302, il est stipulé en son alinéa 1, que" les audiences sont publiques. Toutefois, lorsqu'une publicité est dangereuse pour l'ordre public ou les bonnes mœurs, la juridiction peut à tout moment prendre, d’office ou à la demande de l'une des parties et après réquisition du Ministère public, ordonner par jugement avant dire droit, que les débats aient lieu en tout ou partie ,à huis clos ou leur publicité soit restreinte. Mention en est bien faite dans le jugement ".
Par ailleurs, dans son alinéa 2, il est bien précisé" Dans tous les cas, le jugement est prononcé en audience publique ".
S'en tenant donc principalement à l'appui desdits textes et n'ayant pas une connaissance profonde des tenants et aboutissements dudit dossier, une chose est certaine et observable, la justice est indépendante, donc les autorités judiciaires sont indépendantes. Seules donc celles ci, maîtrisent et savent pourquoi elles ont choisi de faire l'audience à huis clos. Ce qui fait dire à certains, qu’il ne s'agirait ni plus, ni moins que d'une politisation du procès, pour déstabiliser le Mrc, en décapitant leur supposée figure emblématique, alors qu'il s'agit bel bien des délits de droit commun.
Selon la même tendance critique, la gestion et l'inculpation du président du Mrc est jugée inhumaine et irrespectueuse du code de procédure pénale camerounais, d'où l'impression d'une certaine frilosité des pouvoirs publics.
À notre humble avis, les pouvoirs publics n'ont peur de rien, car pour eux, l’accusation et l'instruction sont conduits selon les règles de la procédure judiciaire, dans l'esprit de la présomption d'innocence. Peut-être, voudrait on que le leader du Mrc, mérite plus d'égards et qu'il ne soit pas traité comme un vulgaire bandit ou un criminel dangereux.
À cet égard, nous pensons que prévenir vaut mieux que guérir, d’ou le fait peut être de cette audience à huis clos et le déploiement assez important à certains moments des forces de maintien de l'ordre.
D'ailleurs, nous supposons également que le battage médiatique considérable de l'incarcération de ce leader, fait en sorte que les autorités judiciaires prennent des mesures préventives. Mais en tout état de cause, comme nous l'avons dit plus haut, seules les autorités judiciaires dans leur conscience peuvent de façon exacte et claire dire pourquoi cette audience à huis clos.
Gloser sur les intentions de la justice à vouloir séparer les codétenus lors des audiences, c'est vouloir s'immiscer dans l'exercice de leurs fonctions, sinon, c’est aussi vouloir banaliser la justice camerounaise. Ce que nous savons est que la justice leur reproche des actes délictueux. Nous n'avons donc point raison de vouloir politiser cette affaire. Les options prises par les autorités judiciaires sont peut-être stratégiques, car prises en leur âme et conscience.
En effet, disjoindre en plusieurs groupes la procédure globale des justiciables est un acte souverain de l'autorité judiciaire.
Détenus depuis près de 03 mois, le leader du Mrc et ses comparses seront jugés, selon les canons juridiques de notre pays. Leur séparation n'a pas pour objet de créer de la zizanie au sein de leur parti politique. Il s'agirait plutôt, nous l’espérons, que chaque inculpé devra répondre personnellement des faits qui lui sont reprochés, étant donné que tous les mis en cause sont entrain d'être identifiés au fur et à mesure. Bien qu'il se pourrait que toutes les affaires sont liées les unes aux autres, c’est à dire en coaction, le niveau de responsabilité est différent, chacun doit donc être face à son propre destin.
L'intention des autorités judiciaires n'est pas d'instaurer un climat de méfiance entre les coaccusés, mais de leur apprendre que "le désordre est souvent collectif, mais la sanction individuelle".
« Il me semble que la phase à laquelle nous assistons concerne encore l'instruction. Parallèlement, le Professeur et certains de ses sympathisants ont engagé des procédures de demande de liberté provisoire afin de pouvoir jouir de leur liberté dans l'attente du jugement de fond.
Ceux qui ont eu à faire face de façon tout à fait injustifiée et arbitraire aux instances de nos tribunaux comme moi savent généralement que les phases liées à l'instruction, la saisine du juge de l'habeas corpus ou même de la chambre de contrôle de l'instruction de la cour d'appel se passent à huis-clos. Ça c'est strictement du point de vue empirique. Maintenant, je suis incapable de dire si la loi prévoit si oui ou non les phases citées plus haut peuvent se déployer dans un cadre public ou pas. Je crois que l'on est visiblement en présence d'un procès politique au vu des conditions dans lesquelles les différentes personnes inculpées ont été interpellées.
La justice a donc tout intérêt si elle veut défendre sa neutralité dans ce dossier très sensible à rendre les différents procès publics. Il y a plusieurs choses à redire dans le dossier concernant l'inculpation de Maurice Kamto et ses partisans. De leurs interpellations en passant par leurs inculpations, requalification des motifs de leurs inculpations jusqu'à la manière dont sont menés leurs procès. Il y a un ensemble de questionnements qui nous amènent à nous interroger sur les véritables dessous et desseins que vise cette affaire. Dans ce registre, séparer les principaux leaders dans la phase d'enquête pourrait laisser croire qu'il s'agit de confondre ces derniers afin de semer la suspicion et le doute dans l'esprit de solidarité qui les anime jusqu'ici.
J'insiste sur le fait que le pouvoir a tout intérêt à potabiliser la méthodologie mobilisée dans le cadre de l'affaire Kamto pour établir des responsabilités. Si cette méthodologie à cette phase est douteuse, il me semble qu'on pourrait alors se dire que le pouvoir est à la quête d'autres desseins qui sont aux antipodes de la quête de la vérité en vue d'établir les responsabilités des uns et des autres. »
Propos transcrits par Félix Swaboka