Cinq journalistes d’AfricaNews ont été interpellés par la police vendredi 19 octobre en République démocratique du Congo (RDC) à la suite d’une enquête portant sur des faits de corruption présumés au sein d’une école de formation de la police. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une vague d’arrestations arbitraires et demande la remise en liberté immédiate de ces reporters.
Les journalistes Octave Mukendi, Bruce Landu, Roddy Bosakwa, Dan Luyila et Laurent Omba se trouvent depuis vendredi matin à la direction des renseignements de la police nationale congolaise à Kinshasa. D’après les informations obtenues par RSF, et publiées sur son site internet, ils ont été arrêtés entre 5h et 6h du matin à la rédaction d’AfricaNews. Ce tri-hebdomadaire très populaire de la capitale avait publié un article le 12 octobre dernier sur l’ouverture d’une enquête par les services de l’Inspection générale de la police concernant le détournement présumé de nourriture dans une école de formation de la police.
«Il est invraisemblable et consternant que des services de la police procèdent à l’arrestation de journalistes qui ont révélé l’ouverture d’une enquête policière pour des détournements présumés, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ces journalistes n’ont fait que leur travail en portant à la connaissance du public une enquête en cours. Ils n’ont rien à faire derrière les barreaux et doivent être libérés sans délai».
Joint par RSF, Achille Kadima, le directeur de publication d’AfricaNews raconte que plusieurs policiers s’étaient déjà rendus dans les locaux de sa rédaction depuis la publication de l’article. «Je suis en cavale comme la dizaine de journalistes et de personnels qui n’était pas présente au journal ce matin». Une lettre avait également été envoyée par le directeur de publication à l’Inspection générale de la police pour demander l’ouverture d’une enquête afin d’identifier les auteurs de cette «politique d’intimidation d’une autre époque».
RSF a alerté par téléphone le général Raus Chalwe, inspecteur général de la police nationale. Le général Kanyama, directeur des écoles de la police congolaise et cité comme personne interrogée dans le cadre de l’enquête révélée par AfricaNews, a affirmé ne pas être au courant de ces arrestations qui ne «relèvent pas de ses attributions».
Toujours en RDC, cela fait une semaine que Sylvanie Kiaku, journaliste pour l’hebdomadaire La Percée est détenue à la prison centrale de Kinshasa. Selon l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), la journaliste a été interpellée par la police judiciaire du Parquet de Kinshasa le 10 octobre, puis inculpée pour diffamation à l’encontre des responsables de la Banque Commerciale du Congo. Faute de pouvoir payer sa caution fixée à 1000 dollars, elle se trouve aujourd’hui en détention provisoire.
Deux articles portant sur le licenciement de 958 employés de la Banque Commerciale du Congo après une restructuration entre 1999 et 2001 ont valu à la journaliste d’être poursuivie. Documents à l’appui, elle avait révélé dans l’édition du 13 septembre de La Percée que 270 d’entres-eux étaient aujourd’hui décédés sans avoir reçu de compensation.
«Aucun journaliste ne devrait se retrouver en prison pour des faits de diffamation, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique. Les autorités doivent immédiatement relâcher Sylvanie Kiaku en attendant que l’affaire soit jugée sur le fond et réformer sans tarder le cadre légal relatif à la liberté de la presse pour garantir le droit des journalistes à rapporter librement des faits ou à dénoncer des abus sans crainte de représailles», écrit RSF.
La République démocratique du Congo occupe la 154e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.
Otric N.