« Je ne suis candidat à rien en 2020. C'est un devoir de ramener la paix en Côte d'Ivoire. Voilà la campagne que je veux engager, a t- il assuré à nos confrères de l’AFP à qui i a accordé un entretien.
L’homme de 47 ans a le droit de s'exprimer publiquement mais il a interdiction d'évoquer son dossier en cours. Il ne porte pas de bracelet électronique et a le droit de recevoir des visiteurs. Il est surveillé et protégé par deux policiers en civil, très discrets dans un hôtel de la Haye.
« La prison a été un professeur pour moi et je veux partager cette expérience pour dire qu'il faut prévenir les conflits. Je veux jouer ce rôle dans mon pays ».
Durant ses cinq ans de prison à la Haye, il assure avoir reçu en cadeau un demi-million de livres et 200 DVD, et avoir fréquemment joué au football avec l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, acquitté après 10 ans de détention. Il aussi amélioré ses talents culinaires, en préparant souvent la sauce graine au riz, un plat très prisé en Côte d'Ivoire : « Je veux rentrer en Côte d'Ivoire pour participer à la paix et à la reconstruction de mon pays. A la réconciliation », affirme-t-il.
Surnommé le général des rues pour sa capacité à mobiliser les partisans de l'ex-président ivoirien, Charles Blé Goudé est un des membres les plus controversés du clan Gbagbo.
Les Jeunes patriotes, mouvement pro-Gbagbo extrêmement violent, critiquait souvent l'actuel président ivoirien Alassane Ouattara, la France et l'ONU.
Ses détracteurs et les ONG internationales le considèrent comme un de ceux qui ont contribué à la montée de la tension en Côte d'Ivoire depuis l'arrivée au pouvoir de Gbagbo et l'émergence de la rébellion des Forces nouvelles qui occupe le nord.
Un climat anti-français et anti-médias est de plus en plus développé par le pouvoir et les Jeunes patriotes. Le correspondant de RFI Jean Hélène est tué par un policier en 2003, un autre journaliste, Guy-André Kieffer, est toujours porté disparu.
En novembre 2004, Blé Goudé lance ses partisans à l'assaut des blancs vivant à Abidjan, provoquant la fuite de milliers d'entre eux, évacués dans la précipitation par la France.
Ensuite, plus de 3.000 personnes sont tuées pendant la crise post-électorale entre décembre 2010 et avril 2011. On lui attribue souvent le slogan « A chacun son blanc », qui appelait à la chasse des étrangers blancs de peau, notamment les Français.
Dans le même entretien, il affirme que : « J'ai été victime de propagande. J'ai demandé qu'on me produise un seul son qui n'ait jamais venu étayer cette propagande ».
Au sujet de ses rapports avec Laurent Gbagbo dont le parti, le FPI est divisé en deux camps: « il faut que le président Gbagbo retourne en Côte d'Ivoire. Son retour pourrait être salvateur pour la paix sociale en Côte d'Ivoire. C'est un rassembleur, je pense qu'il a encore un rôle à jouer en Côte d'Ivoire ».
L'ex chef des Patriotes est pessimiste quant à la présidentielle de 2020 : « On va droit dans le mur. Les facteurs qui ont conduit à la crise postélectorale en 2010 sont deux fois plus réunis. Le bloc qui est arrivé au pouvoir est aujourd’hui divisé en trois. L'aile militaire avec Guillaume Soro et l'aile politique avec Bédié. Ouattara est isolé ».
« De l'autre côté l'opposition qui n'est pas homogène. Ce sont ces mêmes problèmes (la fixation sur un fauteuil présidentiel) qui ont conduit à la crise post électorale de 2010 », estime-t-il.
Il propose que tous les "protagonistes au complet initient une campagne de paix auprès des Ivoiriens.
Blé Goudé se dit prêt au dialogue avec le régime qui l'a envoyé en prison. "Je me veux un homme d'Etat (...). Je suis prêt à parler avec tout le monde, et je demande à mes partisans de le comprendre ainsi. Et au delà de mes partisans, je demande aux Ivoiriens de le comprendre", affirme-t-il.
Démagogie ?
« Comment peut-on tenir un discours démagogique, quand on a fait deux ans d’exil, 14 mois d’enfermement dans une cellule à la DST (en Côte d'Ivoire) seul, sans visite pour finalement atterrir à la CPI pendant cinq ans. Quand on sort de ces épreuves, on ne peut pas tenir un discours démagogique », jure-t-il.
Même s'il assure n'être candidat à rien, il avoue préparer le congrès prévu pour août en Côte d'Ivoire en vue de transformer son mouvement, le Cojep en parti politique, capable de participer aux futurs scrutin, hormis la présidentielle de 2020.
Nicole Ricci Minyem