Pour l’avocat, Me Christian Ntimbane Mbomo, le gouvernement se sert de la fin des élections régionales pour justifier, la levée d’assignation à résidence surveillée de Maurice Kamto. L’homme de droit estime que la fin des régionales n’est qu’un prétexte.
A en croire les écrits du Me Christian Ntimbane sur sa page Facebook, Maurice Kamto a été libéré parce que le gouvernement n’avait plus de choix, ayant été menacé par la France à travers son Président Emmanuel Macron et son ministre des Affaires étrangères Jean Yves Ledrian. « C’est vraiment la France qui commande ce régime. À la suite de la menace de Macron et de son ministre Ledrian, la séquestration de Maurice Kamto est levée, et en de mots à peine voilés, René Emmanuel SADI, le Ministre de la communication du régime, annonce les libérations prochaines des autres prisonniers politiques. La fin des régionales est un faux prétexte, pour éviter l’humiliation » a-t-il publié.
Le 25 novembre dernier, le ministre français des Affaires étrangères avait déclaré devant la Commission des Affaires étrangères de son pays, « Nous avons des positions très claires sur la nécessité de faire en sorte que la démocratie fonctionne au Cameroun. J’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que je ne serais pas allé au Cameroun, si monsieur Maurice Kamto n’avait pas été libéré (en octobre 2019, NDLR). J’ai attendu qu’il soit libéré pour me rendre au Cameroun. A l’époque où je suis allé, nous étions dans une phase d’accalmie, des libérations étaient intervenues, dont celles de Maurice Kamto. Mais la situation s’est de nouveau tendue, vous avez raison de le dire, depuis le mois de septembre. Nous souhaitons que les autorités camerounaises prennent des initiatives, des gestes d’ouverture, pour rétablir la confiance sur la scène politique intérieure et qu’elles libèrent les personnes arrêtées dans le cadre des manifestations à caractère politique. Le président de la République (Emmanuel Macron, NDLR) l’a rappelé dans son interview il y a quelques jours à Jeune Afrique. Ces messages sont très fermes à l’égard des autorités camerounaises ».
Récemment, le Président français Emmanuel Macron avait également dans un entretien accordé à notre confrère Jeune Afrique, donné sa position sur la situation socio-politique tendue au Cameroun.
Innocent D H
« En regardant l'image de ce journaliste camerounais menotté, conduit comme un condamné à mort qui va vers son lieu d'exécution, on peut bien se poser la question de savoir si le Cameroun n'a pas décidé de renoncer totalement au droit. Un délit de presse est-il devenu un crime au Cameroun ?
Nous ne cesserons de rappeler qu'il existe une loi au Cameroun qui encadre les délits de presse c'est à dire les infractions commises par les journalistes dans l'exercice de leurs fonctions. C'est la loi 90/052 du 19 décembre 1990 sur la communication sociale. Cette loi fixe la procédure à respecter en matière de délits de presse, entendu les diffamations et autres propagation de fausses nouvelles commises par les journalistes ou des personnes intervenant dans des médias et presses. Cette loi n'a jamais été abrogée. Cette loi dit que si un journaliste fait l'objet d'une plainte d'avoir porté atteinte à l'honneur et à la considération d'autrui, il a cinq jours pour rapporter les preuves devant un juge. SI le journaliste rapporte ces preuves, il n'aura commis aucune infraction, car c'est travail de relater les faits de société.
En réalité, tant que le journaliste n'a pas été soumis à l'obligation de produire des preuves devant un juge, on ne saurait dire qu'il a tenu des propos diffamants. Arrêter un journaliste et le mettre sous mandat de détention provisoire par un acte du parquet, alors qu'il n'a pas encore eu la possibilité de produire ses preuves, qu'il ne peut d'ailleurs produire que devant un Juge du siège, seul habileté à statuer pour dire si une preuve est fondée ou pas, relève de la tropicalisation du droit au Cameroun.
C'est le règne de la terreur contre la liberté d'expression.
Jamais, au grand jamais, on ne peut mettre une personne en détention provisoire pour des faits supposés de diffamation ou autres délits de presse, car ces infractions ne peuvent être en aucun cas suspectées. Elles ne peuvent exister ou être constituées uniquement que quand le journaliste n'a pas pu rapporter la preuve du caractère avéré des faits qu'il a relatés devant le juge du siège. La loi ne prévoit pas que le procureur puisse demander ou examiner les preuves produites par un journaliste ou toutes autre personne poursuivie pénalement dans le cadre des délits de presse. Ce n'est pas de la compétence des procureurs d'examiner le caractère fondé ou non des preuves en droit pénal.
Or l'infraction de diffamation ou celles autres de délits de presses ne seront retenues que si le journaliste est dans l'incapacité de produire les preuves devant un juge. C'est pourquoi on ne peut parler par exemple de tentative de diffamation. Cette infraction ne se suspecte pas. Ainsi, elle ne saurait donner lieu à une détention provisoire. S'il est du droit de toute personne ayant été victime de diffamation de déposer une plainte, il est néanmoins du devoir des magistrats d'appliquer la loi et non de vouloir préserver leurs carrières en violant allègrement les lois qu'ils sont censés protéger, au point de se demander à quoi aura servi leurs fastes cérémonies de prestation de serment comme magistrat. Triste.
Où va le Cameroun avec cette magistrature à plat ventre devant les hauts fonctionnaires de l'exécutif ? »
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Par Me Christian Ntimbane
Par Me Christian Ntimbane
Face aux différences dénonciations faites pour l'arrestation et la garde à vue du cyber activiste Paul Chouta dont par ailleurs l'état de santé se dégrade et dont nous vous avons fait part, des informations concordantes nous font état de ce que le motif légal de son arrestation a été changé du fait de l'impertinence légale de la procédure suivie dans le cadre de la diffamation. En effet la plainte pour diffamation par Madame Calixthe Beyala est mal orientée.
Elle devait faire une citation directe et non une plainte. Or en procédant par une citation directe, Paul Chouta ne devait pas faire l'objet d'une arrestation et d'une garde à vue
Pour cela, pour contourner l'irrecevabilité de la plainte à parquet de Madame Beyala, la nouvelle trouvaille c'est l'infraction de propagation de fausses nouvelles par voie cybernétique.
Or une fois de plus cette infraction ne peut pas tenir dans le cadre de la plainte de Madame Beyala ou de toute autre personne qui prétendrait avoir été diffamé par Paul Chouta. Car la diffamation n'est pas la propagation de fausses nouvelles.
De nombreux magistrats au Cameroun confondent l'infraction de diffamation à l'infraction de propagation de fausses nouvelles. .
Il faut déjà noter la confusion qui est entretenue devant les juridictions camerounaises entre les infractions de diffamation et d'injures et les infractions de propagation de fausses nouvelles est lourde de conséquences sur le plan des libertés individuelles depuis des années.
A cause de cette confusion, des officiers de police judiciaires et des procureurs traitent des plaintes de diffamation en matière de droit de presse comme s'il s'agissait des plaintes contre des particuliers pour propagation de fausses nouvelles.
L'infraction de propagation de fausses nouvelles n'est pas celle de diffamation.
La propagation de fausses nouvelles n'impute pas un fait à un individu.
La diffamation quant à elle impute ou allègue un fait contre un individu.
La propagation de fausses nouvelles c'est par exemple dire qu'il y a un génocide au Cameroun alors que de tels faits n'existent pas.
Mais quand on dit qu'une personne a volé, sans pouvoir rapporter la preuve de sa véracité, on parlera de diffamation.
Un exemple: dire publiquement que Christian Ntimbane n'est pas Avocat, Il usurpe ce titre alors qu'il 'est bel bien Avocat, porte atteinte à son honneur et sa considération. C'est une diffamation et non pas une propagation de fausses nouvelles.
Revenons au cas d'actualité, celui de la célèbre écrivaine Calixthe Beyala qui accuserait un activiste camerounais de lui avoir imputé faussement des faits.
Ces faits ne sauraient être qualifiés de propagation de fausses nouvelles, mais plutôt de diffamation. Car s'agissant là de supposées imputations ou allégations de faits.
Même si de tels propos seraient tenus sur le net l'article 78 de la loi de 2016 sur la cybercriminalité ne saurait s’appliquer. Car cet article punit la propagation des fausses nouvelles et non la diffamation :
« Est puni d'un emprisonnement de 06 mois à 02 ans celui qui publie ou propage par voie de communication électroniques ou d'un système d'information, une nouvelle sans en rapporter la preuve de sa véracité ou justifier qu'il avait de bonnes raisons de croire à la vérité de ladite nouvelle »
La différence entre les deux infractions se situe donc au niveau de l'imputation des faits.
En des termes très simples, si on accuse une personne comme on dit prosaïquement, d'avoir posé un acte de déshonneur alors qu'on n'a pas la preuve de son exactitude, on est dans la diffamation. Car on lui impute ce qu'elle n'a pas fait.
La fausse nouvelle se distingue dès lors de la diffamation sur un point essentiel : la première exige que le fait divulgué porte atteinte non pas à l’honneur de la personne intéressée mais à la paix publique. Elle est fait application lorsque le fait publié ne concerne pas sur une personne mais par exemple une politique ou pratique fausse qui serait pratiquée par l’autorité publique ou un groupe privé. A titre d’illustration, est caractéristique d’une propagation de fausse nouvelle le fait infondé d’affirmer qu’un groupe ethnique est en train de tuer des membres d’une autre communauté tel jour dans tel endroit. Ce fait porte effectivement atteinte à la paix publique et constitue une fausse nouvelle d’autant qu’il ne vise aucune personne, physique ou morale, nommément.
Cette distinction est aussi très importante à faire dans la mesure où la propagation de fausses nouvelles peut condamner à des peines de prison de 01 à 05 ans alors que la diffamation est de 06 mois maximum et aussi du fait que les procédures relatives à ces infractions ont des régimes juridiques différents.
Ainsi, en matière de diffamation, les personnes employées à diffuser des informations pour le public ne sauraient faire l'objet e plaintes à parquet ou devant les officiers de police judiciaire parce qu'elles auraient commis des faits de diffamation.
La désolante conséquence de cette méprise est que de nombreuses personnes diffusant des informations pour le public se trouvent souvent irrégulièrement arrêtées et détenues préventivement à cause de cette criarde confusion.
Or en matière de diffamation notamment lorsqu'il s'agit d'une communication destinée au public par une personne sur un site d'informations internet par exemple un mur officiel Facebook, la loi camerounaise sur la communication sociale de 1990 à l'article 2 s'applique.
Selon l article 5al1 de cette loi, l'expression organe de presse désigne : " Tout journal, écrit périodique, magazine, feuille d'informations destinée à la communication de la pensée, des idées, des opinions, des faits d'actualité ou de société, paraissant à intervalle régulier ".
Un site Web ou facebook qui publie régulièrement des informations est considéré comme un organe de presse, l'éditeur étant Facebook qui a obtenu les autorisations administratives de diffusion dans des pays.
La loi sur la communication prévoit que les poursuites contre ces organes de presse et les auteurs d'articles pour diffamation et injure se font par actes de poursuites des victimes qu'on appelle en droit pénal: citation directe.
Article 78: « La poursuite des infractions visées à l'article 77 ci-dessus à lieu d'office et à la requête du ministère public.
TOUTEFOIS, , en ce qui concerne l'injure et la diffamation , LA POURSUITE a lieu : Sur plainte de la personne injuriée ou diffamée »
il devient donc clair qu'en cas d'injure ou de diffamation par voie de presse, l'acte de poursuite est l'œuvre de la victime et non du parquet.
Le procureur n'a donc pas l'initiative ou l'opportunité des poursuites en matière de diffamation dans l'affaire Chouta.
Il n'a donc pas à connaître la plainte de Beyala parce que les faits sont ceux de diffamation et d'injures en matière de presse.
L'acte de poursuite est l'œuvre de la prétendue victime. C'est d'ailleurs pourquoi la loi autorisé la victime à arrêter les poursuites, car c'est son affaire. Beyala doit donc introduire un acte de poursuite appelé : citation directe. Sa plainte déposée à la PJ est donc nulle et de nul effet.
Ainsi tout procureur de la république ou officier de police judiciaire qui reçoit des plaintes des particuliers pour injures ou diffamation dans le cadre de la communication sociale ou délit de presse, viole la loi qu'il est censé protéger.
En outre, L''article 81 de la loi sur la communication sus évoqué dispose que :
"Le prévenu à 05 jours après LA CITATION, pour signifier au plaignant à son domicile élu, selon les cas, les faits qualifiés dans la CITATION dont il entend prouver la vérité. '
Arrêter ou détenir préventivement une personne protégée par la loi sur la communication sociale est une incongruité juridique liberticide de la presse.
Sur quelle base un procureur qui arrête un chroniqueur pour des faits de diffamation peut-il suspecter que ses faits sont inexacts alors même que les délais pour produire la preuve courent à compter de la citation?
Même si par extrapolation on considère qu'il s'agit d'une citation à parquet, elle n'intervient que pour renvoyer une partie devant le juge et non au cours des enquêtes
A quel moment donc le procureur peut-il faire courir des délais de 05 jours pour produire les preuves ?
La loi est claire.
Ce n'est qu'après un jugement au cours duquel les preuves sont confrontées qu'on peut parler d'infraction de diffamation en matière de droit de presse.
Conclusion : La garde à vue du chroniqueur Web Paul Chouta qui est en cours à la police judiciaire de Yaoundé est une atteinte flagrante à sa liberté, c'est un abus.