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« En regardant l'image de ce journaliste camerounais menotté, conduit comme un condamné à mort qui va vers son lieu d'exécution, on peut bien se poser la question de savoir si le Cameroun n'a pas décidé de renoncer totalement au droit. Un délit de presse est-il devenu un crime au Cameroun ?

 

Nous ne cesserons de rappeler qu'il existe une loi au Cameroun qui encadre les délits de presse c'est à dire les infractions commises par les journalistes dans l'exercice de leurs fonctions. C'est la loi 90/052 du 19 décembre 1990 sur la communication sociale. Cette loi fixe la procédure à respecter en matière de délits de presse, entendu les diffamations et autres propagation de fausses nouvelles commises par les journalistes ou des personnes intervenant dans des médias et presses. Cette loi n'a jamais été abrogée. Cette loi dit que si un journaliste fait l'objet d'une plainte d'avoir porté atteinte à l'honneur et à la considération d'autrui, il a cinq jours pour rapporter les preuves devant un juge. SI le journaliste rapporte ces preuves, il n'aura commis aucune infraction, car c'est travail de relater les faits de société.

En réalité, tant que le journaliste n'a pas été soumis à l'obligation de produire des preuves devant un juge, on ne saurait dire qu'il a tenu des propos diffamants. Arrêter un journaliste et le mettre sous mandat de détention provisoire par un acte du parquet, alors qu'il n'a pas encore eu la possibilité de produire ses preuves, qu'il ne peut d'ailleurs produire que devant un Juge du siège, seul habileté à statuer pour dire si une preuve est fondée ou pas, relève de la tropicalisation du droit au Cameroun.

C'est le règne de la terreur contre la liberté d'expression.

Jamais, au grand jamais, on ne peut mettre une personne en détention provisoire pour des faits supposés de diffamation ou autres délits de presse, car ces infractions ne peuvent être en aucun cas suspectées. Elles ne peuvent exister ou être constituées uniquement que quand le journaliste n'a pas pu rapporter la preuve du caractère avéré des faits qu'il a relatés devant le juge du siège. La loi ne prévoit pas que le procureur puisse demander ou examiner les preuves produites par un journaliste ou toutes autre personne poursuivie pénalement dans le cadre des délits de presse. Ce n'est pas de la compétence des procureurs d'examiner le caractère fondé ou non des preuves en droit pénal.

Or l'infraction de diffamation ou celles autres de délits de presses ne seront retenues que si le journaliste est dans l'incapacité de produire les preuves devant un juge. C'est pourquoi on ne peut parler par exemple de tentative de diffamation. Cette infraction ne se suspecte pas. Ainsi, elle ne saurait donner lieu à une détention provisoire. S'il est du droit de toute personne ayant été victime de diffamation de déposer une plainte, il est néanmoins du devoir des magistrats d'appliquer la loi et non de vouloir préserver leurs carrières en violant allègrement les lois qu'ils sont censés protéger, au point de se demander à quoi aura servi leurs fastes cérémonies de prestation de serment comme magistrat. Triste.

Où va le Cameroun avec cette magistrature à plat ventre devant les hauts fonctionnaires de l'exécutif ? »

Lire aussi : Affaire Martinez Zogo : Le SYNAJIC accuse l’animateur et le jette à la vindicte de Mvondo Ayolo

 

Par Me Christian Ntimbane

 

Published in Tribune Libre






Sunday, 05 June 2022 11:01