Pour le Chef d’Etat camerounais, le départ brusque de son homologue est une perte considérable pour le Tchad, pour l’Afrique Centrale et le Continent africain.
Le Président de la République du Cameroun vient de perdre un ami, presqu’un frère. Idriss Deby était une épaule solide sur laquelle le Président camerounais savait pouvoir toujours compter. Le maître des bords du Lac Tchad en aucune manière ne pouvait se constituer comme une base arrière des rebellions ou de forces qui en voulaient à l’intégrité du territoire camerounais. Un véritable allié stratégique pour Paul BIYA.
On peut sentir dans le message de condoléances du président camerounais l’émotion et la douleur de cette perte. « J’apprends avec une grande tristesse, le décès du Maréchal Idriss Deby ITNO, Président de la République du Tchad, survenu à N’djamena.
Je salue la mémoire de cet éminent Chef d’Etat et frère.
La disparition du Maréchal du Tchad, son Excellence Idriss Deby ITNO, est une immense perte pour votre pays, l’Afrique Centrale et notre continent, qu’il aura servi sans relâche, et durant de longues années.
Je tiens en cette tragique circonstance à vous adresser, ainsi qu’à Madame Hinda Deby ITNO, au Gouvernement et à la Nation Tchadienne endeuillés, Mes condoléances les plus sincères. J’y associe le sentiment de solidarité fraternelle du Peuple Camerounais et la compassion émue de mon Epouse.
Veuillez agréer, Monsieur, les assurances de ma haute considération. »
Les deux hommes communiquaient régulièrement. Ils se sont téléphonés en mars 2020 pour discuter des mesures barrières autour de la lutte contre la Covid 19. Ils ont travaillé main dans la main sur plusieurs fronts. Le dernier était celui de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram. Idriss Deby a mobilisé toute son armée pour sécuriser les frontières tchadiennes et camerounaises.
Les audiences au Palais de l’Unité de Yaoundé, les rencontres en aparté lors des sommets sur le continent africain et même à l’international. Le Président Idriss Deby était un partenaire privilégié pour le Cameroun. N’ayant pas de sortie sur le Mer, c’est par le Cameroun que le Tchad achemine ses produits commerciaux. L’une des grandes réussites de cette collaboration entre Paul BIYA et Idriss Deby, restera le pipeline Tchad – Cameroun. Un corridor pétrolier qui a permis l’exploitation de la ressource pétrolière du Tchad. L’allié sécuritaire et stratégique de Paul BIYA s’en est allé. Vivement que les successeurs d’Idriss Deby réussissent à construire la même relation avec les dirigeants camerounais.
Stéphane NZESSEU
Avec le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal Idriss Deby ITNO, c’est plus de trois décennies d’histoire du TCHAD qui se tournent. Trois décennies durant lesquelles Idriss Deby aura représenté la rébellion, la prospérité de son pays, puis le militaire protecteur de ses frontières et de celles de la sous-région Afrique Centrale.
La carrière politique de cet homme hors norme commence pourrait-on dire avec son retour au pays en 1979. Durant quelques années, il va collaborer avec le principal opposant d’alors, Hissen Habré. Hissen Habré était Premier Ministre du Tchad depuis le 29 août 1978. Etant à ce poste, il orchestre un coup d’Etat contre son président, le Général Félix Malloum le 12 février 1979. Coup d’Etat qu’il va perdre. Il fuit dans le Nord et met sur pied une autre rébellion que va rejoindre le jeune Idriss Deby a alors à peine 27 ans.
Les deux hommes, accompagnés par d’autres militaires au sein de ce qui était appelé les Forces armées du Nord (FAN), ils renversent le 07 juin 1982 le président qui venait lui aussi d’accéder au pouvoir par la force, Goukouni Oueddei. Mais très vite Hissen Habré se met à éliminer ceux avec qui il a remporté la guerre de peur d’avoir un concurrent politique dans ses rangs. C’est pourquoi, Idriss Deby va fuir et organiser à son tour une autre rébellion pour renverser à son tour son ami d’hier.
En mars 1990, depuis le Soudan où il est en exil, il créé, avec l’aide du Guide Libyen Mouammar Kadhafi, le mouvement rebelle du Mouvement Patriotique du Salut (MPS). Il a le soutien de la Lybie parce que ce dernier souhaite qu’il libère les soldats libyens faits prisonniers par Hissen Habré. C’est le 1er décembre 1990 que la rébellion d’Idriss Deby mène l’assaut final sur N’djamena. Il prend le pouvoir et inaugure un règne militaire qui va durer 30 ans 04 mois et 16 jours.
Idriss Deby, c’est 30 ans de mutations politiques en république tchadienne. Les constitutions plusieurs fois modifiées, les élections dites pluralistes qu’il remportait toujours avec des scores impressionnants. Dans ses dernières années, il va initier « l’opération cobra », une opération de lutte contre la corruption et d’assainissement de l’administration publique. Idriss Deby va également se présenter aux yeux de certains comme un panafricaniste en s’opposant au Franc CFA et à une certaine France-Afrique. Même si on peut toujours questionner la sincérité de ces prises de position.
Idriss Deby au cours de ses cinq mandats à la tête de son pays, en plus des années de présidence par intérim, va être celui qui dans un premier temps va amorcer une véritable croissance économique pour son pays. En 1996, il organise les premières élections pluralistes au Tchad depuis l’indépendance du pays en 1960. En 2000, il ouvre le chantier de l’oléoduc (Pipeline) Tchad – Cameroun (entre Komé au Tchad et Kribi au Cameroun). Idriss Deby c’est l’homme qui facilite l’arrivée au pouvoir de « BOZIZE » en République Centrafricaine. Tout simplement parce que la Centrafrique représentait pour lui un important gisement de pétrole à exploiter. Idriss Deby va essuyer deux tentatives de coup d’Etat en 2005 et 2008. Et à chaque fois, c’est l’armée française qui devra prendre les armes pour le libérer et lui permettre de continuer l’exercice de son pouvoir.
Idriss Deby, c’est le Chef Militaire qui va prendre les devants pour éloigner de ses frontières et de celles du Cameroun, a secte Islamiste Boko Haram venu du Nigéria. Idriss Deby sera d’un grand soutien militaire pour plusieurs pays de la sous-région engagés dans des combats contre les terroristes. Le Chef de guerre est tombé au front. Aux côtés de son armée, alors qu’il combattait une autre rébellion venue du Nord du pays.
Stéphane NZESSEU
À l’occasion de la 10ème journée CEMAC, célébrée le 16 mars 2019, le président de la république tchadienne, Idriss Déby s’est exprimé sur la crise qui sévit dans les deux régions anglophones du Cameroun.
La 10eme journée CEMAC tenue le 16 mars dernier était placée sous le thème « Libre circulation intégrale dans l’espace CEMAC, pour la Promotion des Échanges intracommunautaires ». À cette occasion, le Chef d’État tchadien, a prononcé un discours, dans lequel, il a appelé les Camerounais, à résorber la crise dans les deux régions dites anglophones du Cameroun.
De ce fait, le président Idriss Déby a exhorté les camerounais a surpasser leurs divergences et à cultiver la paix. « J’invite mes frères camerounais à la sagesse et au dépassement en vue de ramener la quiétude dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du sud-ouest en proie à des violences sur des bases de revendication sectaire et identitaire » a-t-il déclaré.
Par la suite, il a poursuivit en ces mots : « Nous ne pouvons tirer le meilleur parti de la libre circulation intégrale sans la paix dans nos pays et la sécurité à nos frontières. Il est évident que la mise en œuvre optimale de nos multiples projets et programmes de développement ne peut s’opérer dans un espace miné par l’insécurité, les atrocités, les destructions et les conflits. La restauration de la paix et de la sécurité sur l’ensemble de notre espace dit-elle, être pour nous, un impératif de premier ordre. Nous devons davantage mutualiser nos forces, dans un fort élan de solidarité, en vue d’éradiquer les terroristes de Boko Haram qui nous causent tant de préjudices. »
Pour le président tchadien, la restauration de la paix et de la sécurité sur l’ensemble de l’espace doit être pour chacun de nous un impératif catégorique de premier ordre. Ainsi donc, nous devons unir nos forces, être solidaire en vue d'éradiquer les terroristes de Boko Haram qui causent tant de préjudices. Par ailleurs, pour concrétiser davantage la libre circulation, Idriss Déby a invité toutes les parties à privilégier l'intérêt supérieur du pays qui doit être au-dessus de toute autre considération.
Rappelons que la crise qui sévit dans les régions anglophones du Cameroun depuis plus de deux ans et qui voit des violences récurrentes entre les sécessionnistes armés et les forces de défenses ne faiblit pas. Elle a déjà fait plusieurs centaines de victimes et environ 500 000 déplacés.