L'attentat en 1994 contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, affaire dans laquelle les juges d'instruction français ont prononcé un non-lieu, est considéré comme l'élément déclencheur du génocide.
Le soir du 6 avril 1994, un Falcon 50 transportant le président Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est abattu en phase d'atterrissage à Kigali par au moins un missile. Habyarimana, un Hutu, revenait d'un sommet en Tanzanie consacré aux crises rwandaise et burundaise et au processus de négociations engagé avec la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi) menée par Paul Kagame, l'actuel président du pays.
Le représentant du Rwanda à l'ONU déclare que les deux présidents «ont été assassinés par les ennemis de la paix». Le ministère rwandais de la Défense affirme que l'avion a été «abattu par des éléments non identifiés». Le lendemain de l'attentat, le Premier ministre hutu modéré, Agathe Uwilingiyimana, dix Casques bleus belges de la Minuar chargés de sa protection et plusieurs ministres de l'opposition sont tués.
Commencent alors des massacres à grande échelle. Les milices hutu Interahamwe et les Forces armées rwandaises (FAR) massacrent méthodiquement les Tutsi, de même que les opposants hutu au parti d'Habyarimana. Dans tout le pays, hommes, femmes et enfants tutsi sont exterminés à coups de machettes. La population, encouragée par les autorités et des médias, dont la tristement célèbre Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), prend largement part aux massacres, viols et pillages.
Entre avril et juillet 1994, le génocide fait environ 800.000 morts, selon l'ONU. Le 27 mars 1998, une enquête judiciaire est ouverte en France, après une plainte de la famille d'un pilote français tué dans l'attentat. En novembre 2006, le juge Jean-Louis Bruguière, en charge de l'enquête, recommande des poursuites contre le président Kagame devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour sa "participation présumée" à l'attentat et signe des mandats d'arrêt visant ses proches.
Dans la foulée, Kigali coupe les ponts avec Paris, et se lance dans une contre-enquête qui accuse des extrémistes des FAR de l'attentat et met en cause la France pour son soutien au «régime génocidaire» d'Habyarimana. Les relations diplomatiques reprennent trois ans plus tard. Entre-temps, le juge Bruguière a été remplacé par le juge Marc Trévidic.
Le 10 janvier 2012, un rapport d'expertise français sur l'attentat conclut que l'avion a été abattu par des missiles tirés depuis le camp militaire de Kanombe, alors aux mains de la garde présidentielle de Habyarimana. Le 20 décembre 2017, à Paris, les juges antiterroristes Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux, qui ont repris le dossier, signifient la fin de l'enquête sur l'attentat.
Dans son réquisitoire du 10 octobre 2018, le parquet de Paris demande l'abandon des poursuites contre les sept protagonistes mis en examen, issus du clan de Paul Kagame, faute de charges suffisantes. Ils ont ainsi suivi les réquisitions du parquet de Paris, réclamant en octobre l'abandon des poursuites contre des proches de l'actuel président rwandais Paul Kagame, qui risquaient d'être renvoyés devant une cour d'assises.
Dans cette ordonnance rendue le 21 décembre, les magistrats expliquent prendre cette décision «en l'absence de charges suffisantes», a précisé la source judiciaire. L'information judiciaire avait initialement été ouverte pour «assassinat et complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste», ainsi que pour «association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme».
«Il faut interpréter cette décision des juges français comme une forme de résignation face à un contexte politique contre lequel le ministère public n'a pas su lutter. Les autorités rwandaises n'ont jamais cherché à apporter leur concours à la manifestation de la vérité», a réagi auprès de l'AFP Me Philippe Meilhac, avocat de la veuve de l'ex-président, Agathe Habyarimana.
Otric N.