Marthe - Cecile MICCA est une professionnelle de la santé exerçant en Suisse. C'est avec consternation qu'elle a regardé les images choquantes du corps médical qui filme le décès du jeune Bello, du nom de ce jeune lycéen tué au Lycée de Deido à Douala.
Dans cette lettre ouverte au ministre Manaouda Malachie, Marthe - Cécile MICCA pointe du doigt les manquements graves commis par les médecins et infirmières de l'hôpital de Deido. Elle s'étonne de ce qu'un massage cardiaque se fasse sur un lit en ressort, hors la règle veut que cela se fasse sur une surface dure. De plus, l'écart entre les séries de massage n'est pas du tout respecté. Et pourtant ces connaissances devraient être élémentaires pour des urgentistes d'expérience. Comble d'amateurisme, qu'est ce qui peut bien expliqué que toute une équipe de santé se retrouve avec des téléphones dans un service d'urgence ? Des signes et tant d'autres qui montrent l'irresponsabilité du personnel de santé de l'hôpital de Deido. Que dire du respect de la dignité humaine ?
Voici l'intégralité de la lettre ouverte adressée au ministre de la santé par Marthe - Cécile MICCA.
Excellence Monsieur le Ministre de la Santé Publique,
En tant que professionnelle de la santé je n'ai pas pu me taire à la vue d'une vidéo choquante qui dévoile le personnel soignant de l'équipe médicale de l'hôpital de Deido à Douala autour d'un jeune patient nommé Bello en agonie. Bello est fils unique. Cette vidéo m'a fortement interpellé, et c'est à ce sujet que je me permets de vous adresser ces quelques lignes.
Excellence Nous sommes à l'ère de la mondialisation ou les informations circulent dans un cyber espace où nous sommes observés en mondovision, et je puis vous dire que cette vidéo dévalorise l'image du Cameroun et explique pourquoi nos professionnels de la santé ne sont pas considérés au delà de nos frontières.
Excellence Monsieur le Ministre, c'est avec un grand intérêt que je suis vos activités depuis votre nomination à ce poste qui est d'une grande sensibilité dans un pays en voie de développement comme le nôtre. J'ai été touchée par vos qualités humaines qui se déploient à travers les grandes décisions que vous prenez depuis que vous êtes à ce poste.
Motivée par cet espoir que je place en votre clairvoyance et votre perspicacité je n'ai pas hésité un seul instant à vous écrire. Je me demande et je nous interroge soignants que nous sommes où est passée la pratique réflexive dans l'administration des soins que nous prodiguons à nos patients ? Quand dans une vidéo nous voyons un professionnel faire un massage cardiaque sur un lit instable, le nombre de massages et l'intervalle à accorder avant de les relancer, n'étant pas respecté, pour moi c'est du jamais vu dans la pratique médicale.
Au Cameroun les soignants ont ils perdu le sens de la responsabilité qui incombe à notre profession ? Où est passée l'éthique dans la profession infirmière et médicale ? Le principe de justice qui exige que les patients soient traités avec équité et humanité dans le respect des règles de l'art. Un massage cardiaque ne se fait t- il pas sur un plan dur? Cela est-il vrai dans un contexte et pas dans un autre ? Où est passé le principe de la non malfaisance? Qu'est ce qui peut justifier les attitudes voyeuristes qui amènent toute une équipe médiale à se mettre à filmer un patient agonisant plutôt que de se déployer dans la prise en charge de celui ci ,surtout face à un cas d'une urgence vitale? En Afrique les patients n'ont ils pas droit au respect de leur dignité? Qui de nous souhaiterait que sa fragilité soit étalée aux yeux du monde qui plus est par une équipe de professionnels qualifiés. Ne sont ils pas entrés en conflit avec la dignité et la vulnérabilité de ce jeune patient ? La sécurité des patients dans un service hospitalier devrait être essentielle dans le cadre de la qualité des soins. Prend on en compte ici de la démarche consistant à intégrer la gestion des risques ?
Le patient a t'il été suffisamment protégé? Et la survenance de facteurs indésirables parasitant les soins n'a pas été contrecarrée dans cette vidéo où l'on peut Clairement identifier des risques suivants: hygiène aléatoire, mauvais réflexes professionnels. Dans le détail, on décèle des risques liés aux activités dites de soutien c'est a dire les moyens mis en œuvre pour effectuer les soins ( logistique, équipements.. exemple le jeune patient se fait masser sur un lit ressort...) Et enfin des risques en lien avec l'environnement hospitalier .
Je vous invite Excellence, si vous le pouvez à consacrer quelques minutes pour regarder cette vidéo. Je me demande où est passé le sens de la responsabilité en tant que professionnelle. C'est assez grave, la démarche de gestion des risques est pluriprofessionnelle et je n'explique pas que toutes les personnes qui étaient dans cette pièce soient davantage préoccupées à filmer que de s'occuper du patient.C'est une honte, une telle équipe devrait être interpellée afin que cela serve de leçon à tous nos professionnels de la santé. La prise en charge de ce patient n'a pas été faite de manière optimale, c'est une honte, des soignants qui se retrouvent dans un service avec leurs téléphones dans les poches je trouve tout ça dévalorisant pour notre profession. Aucun processus de réflexion relevant de l'éthique soignante, qu'avons nous fait du principe de la bienfaisance en tant que soignant je suis choquée à la vue d'une telle vidéo. Pourquoi ne pouvons nous pas mêler nos valeurs personnelles aux valeurs de notre profession et à la morale, la loi, la déontologie dans un contexte de soins aussi délicat. Est ce que notre personnel soignant mesure l'impact de son défaut de professionnalisme? Quand nous savons que la diffusion exacerbée de cette vidéo sur l'espace cybernétique amplifie le choc émotionnelle de la famille. Nous ne pouvons pas nous taire face à ce genre d'incongruité. Aucun sens de la responsabilité institutionnelle, de la responsabilité morale et même de la responsabilité dans le soin.
La dignité humaine de nos patients n'est pas respectée si rien n'est fait, de pareils actes vont continuer et cela ne fera que desservir l'image de notre pays et remettre en question non seulement le niveau de formation de nos professionnels mais aussi la compétence et l'expertise de nos diplômés. Comment devrais je me positionner en tant que professionnelle face à un telle vidéo qui heurte ma sensibilité ? Si je ne dénonce pas alors je me rends complice de tels actes. Je ne me ferai pas complice d'une telle incurie!
Très respectueusement !