4250 ampoules de Tramadol injectable ont été saisies par les services de la douane camerounaise le samedi 13 juillet à Douala, plus précisément vers le lieu-dit « Deux-Eglises », dans le 1er arrondissement. Selon des informations relayées par Cameroon Tribune, la prise a eu lieu à 4h du matin. La cargaison, contenue dans deux cartons, venait du Nigeria voisin et était entrée au Cameroun par voie terrestre.
Le même jour, apprend-on, aux alentours de 10h, une autre saisie a été opérée au lieu-dit Ancien Collège des Travailleurs, non loin du marché Mboppi (toujours dans le 1er arrondissement). Bilan de ce coup de filet : cinq cartons contenant chacun 12 bouteilles de whisky Johnny Walker, « Black Label ». Produits provenait dans ce cas-ci de la Guinée équatoriale, et entrés au Cameroun d’abord par voie maritime, avant que la cargaison n’emprunte la voie terrestre.
Les deux saisies, il faut le rappeler, se déroulaient dans le cadre de l’opération dite Halcomi, entendu comme « Halte au commerce illicite », mise sur pied par les autorités camerounaises. D’après d’autres informations fournies par la douane, des prises ont également été effectuées, ce week-end toujours, à Kye-Ossi et à Kribi, dans la région du Sud. Du Tramadol et des centaines de produits cosmétiques de contrebande ont fini dans les filets de la douane.
La vente et la consommation du tramadol au Cameroun sont particulièrement actives et évolutives depuis quelques années. Les dégâts de ce médicament, devenu une drogue pour nombre de Camerounais, dont des travailleurs et des jeunes, se sont multipliés de manière inquiétante. Devant les cas de violences et autres abus perpétrés par des mordus du tramadol dans les rues et les établissements scolaires, le gouvernement camerounais a pris des mesures fermes pour y mettre fin. Depuis lors, la commercialisation du tramadol dans les rues est proscrite et hautement inspectée.
Selon un rapport mondial sur les drogues de l'office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié en 2016, les saisies annuelles de tramadol en Afrique subsaharienne sont passées de 300 kg à plus de 3 tonnes depuis 2013. L'Afrique est ainsi devenue une plaque tournante du trafic de cette drogue.
En 2018, le comité national de lutte contre la drogue au Cameroun a rendu publiques des statistiques sur la consommation des produits illicites. Selon ces données, 21% de la population camerounaise a déjà expérimenté une drogue dure, 10% sont des usagers réguliers, dont 60% de jeunes âgés de 20 à 25 ans.
Otric N.
« Les conclusions du Rapport mondial sur les drogues de cette année complètent et complexifient davantage le tableau mondial des problèmes liés à la drogue, soulignant la nécessité d'une coopération internationale plus large pour promouvoir des réponses équilibrées et intégrées à l'offre et à la demande en matière de santé et de justice pénale », a déclaré Yury Fedotov, Directeur exécutif de l'ONUDC.
Le rapport estime à 53 millions le nombre d'usagers d'opioïdes, soit 56 % de plus que les estimations précédentes. Les opioïdes sont responsables des deux tiers des 585.000 décès dus à l'usage de drogue en 2017. Au niveau mondial, 11 millions de personnes se sont injectées des drogues en 2017, dont 1,4 million vivent avec le VIH et 5,6 millions avec l'hépatite C.
Les estimations plus élevées pour 2017 sont le résultat d'une meilleure connaissance de l'ampleur de la consommation de drogues grâce aux nouvelles enquêtes menées en Inde et au Nigéria, deux des dix pays les plus peuplés du monde. Souligne le site officiel de l’ONU. L’ONUDC estime qu’en 2017, environ 271 millions de personnes, soit 5,5 % de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans, ont consommé des drogues au cours de l'année précédente. Bien que cette estimation soit semblable à celle de 2016, une perspective à plus long terme révèle que le nombre de personnes qui utilisent des drogues est maintenant 30% plus élevé qu'il ne l'était en 2009.
Bien que cette augmentation soit due en partie à une croissance de 10% de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans, les données montrent maintenant une prévalence plus élevée de l'usage d'opioïdes en Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique du Nord et de l'usage du cannabis en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Asie qu'en 2009. Selon les estimations, la fabrication illicite mondiale de cocaïne a atteint un niveau record de 1.976 tonnes en 2017, soit 25% de plus que l'année précédente. Dans le même temps, la quantité mondiale de cocaïne saisie en 2017 a augmenté de 13% pour atteindre 1.275 tonnes, soit la quantité la plus importante jamais enregistrée.
Parlant de la prévention et du traitement des personnes souffrant de troubles liés à l'usage de drogues, l’ONUDC révèle que, La prévention et le traitement continuent d'être insuffisants dans de nombreuses régions du monde, avec seulement une personne sur sept souffrant de troubles liés à l'usage de drogues qui reçoit un traitement chaque année.
Le rapport montre que les interventions thérapeutiques efficaces fondées sur des preuves scientifiques et conformes aux obligations internationales en matière de droits de l'homme ne sont pas aussi disponibles ou accessibles qu'elles devraient l'être, et que les gouvernements nationaux et la communauté internationale doivent intensifier leurs interventions afin de combler cette lacune.
Danielle Ngono Efondo
Agence Cameroun presse a recueilli le témoignage d’un jeune élève âgé de 22 ans. Il revient sur les circonstances de son entrée dans ce milieu de drogues et de dépravations. Il nous parle des conséquences sur sa vie et celle de ses amis. Le jeune homme lance un cri de détresse à la société et à la communauté éducative.
Le jeune homme ayant conditionné son témoignage à son anonymat, nous choisissons de l’appeler Armand T. Il élève en classe de première A4 Espagnole dans un Lycée de la place, situé dans l’arrondissement de Yaoundé 1er.
comment vous retrouvez vous à prendre la drogue ?
Bonjour monsieur, je vais vous raconter comment je suis devenu aussi un consommateur de Tramol. Je vous avoue que j’en entendais seulement parlé. Je n’avais jamais vu ça avant. Un jour un de mes camarades m’invite à une sortie entre camarades. On devait passer le samedi après-midi chez un de nos camarades en apéro. J’étais en seconde. Ça va faire 3 ans aujourd’hui. A l’époque j’avais 19 ans. C’était un mois de février.
Au cours de la petite fête, les gars consommaient l’alcool, et ils avaient ce comprimé qu’ils se passaient. C’est quand je demande à savoir ce que c’est qu’un de mes pots va me dire que « ce sont les choses des grands ». Ce qui a suscité ma curiosité. J’ai demandé à gouter. Ils ont fractionné le comprimé en quatre. Ils me l’ont mis dans un verre. Tous ce qu’ils m’ont dit c’est que je devais me sentir « un genre » après avoir pris cette chose.
Quand j’ai bu ce petit comprimé, je ne peux pas vous décrire ce que j’ai ressenti. J’ai failli devenir fou. On aurait dit que ça circulait dans mon cerveau. J’avais juste envie de m’arracher la tête. Mais quelque temps après, tu planes. On est un peu comme étourdi. Ce n’était pas facile. Je me souviens juste que je me suis réveillé dans une chambre, tout le monde était déjà parti. La petite fête était finie depuis longtemps.
Nous sommes très nombreux ici au lycée qui prenons souvent le tramol. Mais personne ne va venir le dire. On se reconnait. Le mal est très profond. On se retrouve dans certains endroits, et moi comme ça fait trois ans que je suis dedans, je peux te regarder et savoir si oui ou non tu prends aussi l’affaire-là.
Dans un précédent article, le jeune élève de 22 ans nous a décrit les circonstances dans lesquels il s’est retrouvé à consommer pour la première fois une fraction de comprimé de tramadol. Par pure curiosité.
Pourquoi avoir continué de prendre le tramol ?
Comment vous expliquer ça ? Il faut d’abord dire que la sensation que tu as quand tu prends ça la première fois est très étrange. C’est une nouvelle sensation. Une fois qu’on l’a ressenti, on a encore envie de l’éprouver une fois de plus. Je crois que c’est ça l’effet de la drogue. Pour vous dire vrai, on se sent vraiment bien.
Il y a aussi que j’étais avec des amis et je me suis rendu compte que le fait de prendre ces choses, boire les whysky, coucher avec les filles, me faisait être considéré comme un homme respectable. Des fois quand on se retrouvait, on faisait des concours. Et c’est celui qui se soulait le plus la gueule qui gagnait plus en respect et en notoriété. Et pour boire plus, il faut consommer un peu de comprimé. Ça donne le courage. Et quand tu le fais tu es comme le chef du groupe, de la bande. Les récompenses c’est les plus belles filles qui sont à toi, mais aussi que ce que tu dis est plus écouté et respecté. Dans d’autres groupes, on m’a dit que les gars allaient souvent jusqu’à l’homosexualité. Mais je n’ai jamais fait l’autre là. Ce sont des choses diaboliques.
Quels ont été pour toi les conséquences de cette vie ?
La première conséquence c’est que quand tu consommes le tramol, tu as l’impression que tu peux tout faire. Tu ne vas plus en cours normalement, ou alors tu manques de respect aux professeurs. Tu passes plus de temps avec les amis. Ce qui te préoccupe plus c’est comment trouver de l’argent pour avoir un peu plus d’alcool et de drogues, sans oublier de quoi s’entretenir et entretenir les filles.
C’est ce qui m’a emmené un jour à monter un plan avec mes pots pour avoir plus d’argents. On a fait une transaction avec un monsieur qui nous a doublé. Et j’ai fait trois jours dans une cellule du commissariat du 1er à cause de cette affaire d’escroquerie. C’est à partir de ce moment que je me suis dit que c’est dangereux cette vie ci. C’est quand je suis allé en cellule que mes parents ont été au courant de mes fréquentations et de cette vie que je leur cachais autant que je pouvais.
Stéphane Nzesseu