Originaire de Zelevet à Mayo Moskota, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, Wala Matari, est mariée à Kalazavi Wandala et a six enfants. Ancienne otage de Boko Haram, elle est une survivante en voie de reconstruction. Elle a raconté à ONU Info, ses pires moments avec les extrémistes violents.
La pire expérience de sa vie
« C'était un mercredi soir de septembre 2014, j'ai entendu des coups de feu et vu des gens courir. Mon mari et moi avons réalisé que c’était Boko Haram. Mon mari s'est échappé et j'ai rapidement habillé mes quatre garçons en filles, car leur objectif était de tuer ou d’enlever tous les hommes. Quand ils sont arrivés et se sont rendu compte que j’ai déguisé mes garçons en filles, ils m'ont battu tellement fort que j'ai fait une fausse couche à quatre mois de grossesse. Ils nous ont emmenés dans un village avec mes six enfants, où j'ai vécu les moments les plus terribles de ma vie. Nous avons prétendu être musulmans et avons commencé à prier Allah. Devant nous, ils ont décapité ceux qui résistaient et qui tentaient de s'échapper. Toujours devant moi, ils ont décapité mon frère aîné et ses sept fils, sous les yeux de son épouse, qui, traumatisée, est décédée quelques mois plus tard. Nous avons vécu en plein air, exposés au soleil et à la pluie pendant deux ans. Nous avons moulu du maïs sur des pierres que nous avons ensuite cuisinées. »
« Une nuit fatidique, des soldats camerounais ont attaqué notre zone. J'ai rapidement rassemblé mes enfants et, avec l'aide des soldats, nous nous sommes enfuis à Muskuta, dans le comté de Musogo, où j'ai appris par la suite que mon mari vivait, en tant que déplacé. Nous avons ensuite été amenés ici, où d'anciens otages et des déplacés sont installés », avait raconté Wala Matari après sa libération.
« Si je rencontre un combattant de Boko Haram et que j'ai de la force et un couteau dans la main, je lui trancherai la gorge et le sang coulera ! Parce que cela me rend malade chaque fois que je me souviens de la souffrance que j'ai subie », a-t-elle exprimé à ONU Info.
Sur la voie de la reconstruction
En pleine reconstruction de sa vie dans l'extrême nord du Cameroun, Wala se rend chaque dimanche accompagné de ses enfants à l’église pour noyer son chagrin. « Je vais à l'église pour noyer mon chagrin, pour oublier les mauvais souvenirs. Nous dormons mieux après avoir entendu la parole de Dieu. Après l'église, je suis heureuse d'être en vie », a-t-elle déclaré à ONU Info.
Wala Matari a reçu un soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), notamment des cours d'alphabétisation et une formation en élevage. Elle a également participé à un programme « argent contre travail » qui lui a permis de financer une petite entreprise, en plein essor, qui brasse actuellement du bili-bili, une bière locale à base de graines de sorgho rouge. Elle est en train de reconstruire sa vie et gagne de l'argent pour subvenir aux besoins de sa famille. « Je fabrique de la bière de mil pour pouvoir nourrir et habiller mes enfants, acheter du savon et prendre soin de mon mari qui souffre de maladie mentale. Avant, mes enfants et moi vivions dans une pauvreté extrême. Avec ma bière de mil, je me bats pour ma famille », a-t-elle déclaré.
Notons que, comme Wala Matari, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et des milliers d’autres ont été tuées dans la région au cours des dix dernières années, à la suite d'une insurrection qui se poursuit encore aujourd'hui.
Danielle Ngono Efondo