Depuis 2014, plus de 2 000 civils et militaires ont été tués et plus d’un millier de personnes ont été enlevées dans la région de l’Extrême-Nord. Entre 1 500 et 2 100 combattants de Boko Haram auraient également été tués dans les combats contre les forces de défenses camerounaises et les comités de vigilance.
Durant toutes ces années, les populations ont démontré une grande capacité d’adaptation et de résilience qui offre au gouvernement camerounais et aux partenaires internationaux la possibilité de mettre en place des politiques de développement intégrant la diversité et la fluidité des traditions économiques de cette région frontalière entre le Nigéria et le Tchad.
Le Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise, a pris position près du pont de 500 mètres de long qui relie Fotokol à la ville nigériane de Gamboru, de l’autre côté de la rivière Al-Beid. Gamboru est aux mains de Boko Haram, et plus personne ne circule sur le pont depuis longtemps.
La rivière fait office de frontière, aisément franchissable actuellement et en dehors des périodes de crue. Les soldats camerounais sont là pour tenter d’empêcher toute incursion des
islamistes, qui ont multiplié ces deux semaines les raids meurtriers en territoire camerounais. En ville, les éléments du BIR patrouillent à pied, toujours armés. « Nous voyons de plus en plus de troupes arriver à Fotokol. Le nombre augmente tous les jours », raconte Mahamat, un habitant. « La présence des forces camerounaise dans la ville nous rassure et nous donne l’espoir de vivre » explique-t-il. Pour le moment, Fotokol se meurt à petit feu. « Ici rien ne marche, puisque nos activités dépendent du Nigeria, et depuis bientôt quatre ans (période de l’invasion de Boko Haram), rien n’arrive » de là-bas, explique saliou Abba .
Désormais « même les produits de première nécessité nous viennent du Tchad via Kousseri ». A l’Extrême-Nord du Cameroun, Boko Haram a exploité les réseaux existants de contrebande pour faire du recel ainsi que pour ses besoins logistiques (vivres, carburant, matériel de guerre et de propagande).Le groupe jihadiste a eu recours à la force et à l’intimidation, recrutant divers types de trafiquants (médicaments, voitures volées, chanvre indien, Tramadol, armes ou zoua-zoua – pétrole frelaté), et proposant à certains commerçants en difficulté de faire du trafic en échange d’une aide.
Il s’est aussi inséré dans l’économie informelle en fournissant des prêts aux commerçants, notamment kanuri, arabes choa et mandara, en échange d’une part des bénéfices. Dans les marchés des localités frontalières, Amchidé, Fotokol, Makary, Hile-Alifa notamment, et à
Kousseri, Boko Haram a taxé les commerçants qu’il n’avait pas préfinancés ou aidés. Dans le Mayo Sava et le Mayo Tsanaga, des centaines de personnes ont été enlevées pour cultiver des champs pour Boko Haram. Le groupe revendait une partie des récoltes sur les marchés au Cameroun et au Nigéria.
Les fonctionnaires ont aujourd’hui déserté les villes, et l’administration est inexistante. Les écoles sont fermées et beaucoup d’établissements scolaires sont désormais occupés par des réfugiés, dont de nombreux enfants et femmes venus du Nigeria, fuyant les violences de Boko Haram.
Félix Swaboka