Selon un communiqué de la présidence cité par les médias publics, hier mercredi, Abdelkader Bensalah, président de l’Algérie par intérim, a démis de ses fonctions, le ministre de la Justice, Slimane Brahmi. Aucun motif n'a été précisé dans ce communiqué, qui indique que le changement de portefeuille s’est fait « conformément à la Constitution […] après consultation du Premier ministre Noureddine Bedoui ».
L’article 104 de la Constitution indique que le gouvernement en fonction au moment de la démission du président de la République «ne peut être démis ou remanié jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau» chef de l'Etat. Or, la présidentielle prévue le 4 juillet dernier pour élire le successeur de Abdelaziz Bouteflika n’a pu être organisée faute de candidats et la période d’intérim de 90 jours maximum, prévue par la Constitution, a expiré début juillet.
Belkacem Zeghmati, le nouveau ministre de la Justice est une personnalité que les Algériens connaissent bien. Il était depuis mai dernier procureur général de la Cour de justice d’Alger, poste qu’il avait déjà occupé entre 2007 et 2016. Il avait marqué les esprits en 2013, en émettant un mandat d'arrêt international pour corruption contre Chabib Khelil, l'ancien ministre de l'Énergie, un homme très puissant, proche d'Abdelaziz Bouteflika. Finalement, le mandat d'arrêt avait été annulé pour vice de forme en 2016, et le procureur démis de ses fonctions. Rapporte RFI.
Notons que, Depuis la démission du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, la justice algérienne a ouvert une série d'enquêtes pour corruption, visant plusieurs anciens hauts responsables de la présidence et plusieurs hommes d'affaires accusés d'avoir profité de leurs liens privilégiés avec son entourage. A la tête du ministère de la Justice, Belkacem Zeghati sera un allié pour la poursuite de cette politique.
Danielle Ngono Efondo
Dès les premières heures du jour, les forces de sécurité ont entièrement quadrillé le centre d'Alger alors que plusieurs centaines de personnes étaient déjà rassemblées, en chantant « Y en a marre de ce pouvoir ».
Ils ont crié aussi « dégage » au président par intérim Abdelkader Bensalah et au chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, devenu de facto l'homme fort du pays depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, sous la pression de la rue.
Nouvelle victoire de la contestation?
Pour Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth, « c’est Oui, dans le sens où l'élection n'aura pas lieu, c’est ce que la rue voulait. Mais c’est aussi un non, dans le sens où c’est un non-événement car elle était, (d'un point de vue) logistique, impossible à organiser », explique-t-elle.
Le pouvoir maintien l’organisation des élections
Abdelkader Bensalah a insisté pour que cette élection soit organisée dans les meilleurs délais, tout en prenant d’autres mesures.
Néanmoins, les interrogations subsistent, alors que la date du scrutin est maintenue pour le 4 Juillet prochain. Le dialogue auquel il convie la classe politique, qui ne présente « aucun candidat sérieux », et qui en plus, est largement discréditée aux yeux des manifestants, sans oublier cette grande vague des membres de la société civile suffira-t-il à éviter un nouvel échec?
Certains acteurs de la classe politique algérienne en doutent : « Personne ne veut se présenter et participer à cette mascarade. Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle pour le représenter, cela est évident aujourd’hui », relève Dalia Ghanem Yazbeck.
M. Bensalah, à qui la Constitution a confié l'intérim pour 90 jours, n'aura personne à qui transmettre le pouvoir à l'issue de ce délai et sortira donc du cadre constitutionnel dont le haut commandement de l'armée refusait jusqu'ici de s'écarter.
Le président par intérim a invoqué la situation exceptionnelle pour justifier la prolongation de fait de son mandat jusqu'à l'élection d'un nouveau chef de l'Etat, hors de tout cadre légal.
C'est la 2ème fois qu'une présidentielle est annulée en moins de trois mois. Abdelaziz Bouteflika avait annulé celle du 18 avril, tentant lui aussi de prolonger ainsi sine die son mandat en cours. Une manœuvre qui avait démultiplié la colère.
« Les options qui s'offrent désormais au ne sont pas illimitées. Les ressources coercitives sont toujours une option pendant les temps de crises politiques et surtout lorsque les acteurs, notamment l’armée ne veut pas perdre son pouvoir, regardons ce qui s’est passé au Soudan », affirme une fois de plus la chercheuse.
En plus, le peuple algérien n’a pas encore tourné la page de la sanglante répression au Soudan, lors du mouvement de contestation qui a chassé le président Omar el Béchir pour se retrouver face à l'armée, comme le prouve le tweet d’un homme, répondant à l’appel au dialogue et à des concessions mutuelles du général Gaïd Salah: « A ceux qui appellent à négocier avec l'armée en Algérie, réveillez-vous (...) on ne négocie jamais avec un militaire ».
Nicole Ricci Minyem
Suite à la démission du Président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, le parlement algérien, avec ses deux chambres, s'est réuni mardi 9 avril pour mettre en application l'article 102 de la constitution. À cet effet, il a entériné la vacance définitive du poste de Président de la République et installé le Président du sénat, Abdelkader Bensalah, comme chef de l'État par intérim pour une durée de 90 jours. Ce dernier doit s'atteler durant cette période à l'organisation d'une élection présidentielle à laquelle il n'a pas le droit d'être candidat.
Abdelkader Bensalah, président par interim a ainsi promis d'organiser sous 90 jours une élection présidentielle, malgré l'opposition de la rue. « Moi, président du Conseil de la nation, je prends les fonctions de chef de l’État durant une période de 90 jours au maximum. Durant cette période, je m’engage devant vous aujourd’hui à organiser une élection présidentielle. » A-t-il déclaré dans un discours à la Nation retransmis à la télévision nationale.
Ce scrutin, dont tous les Algériens seront les « garants », selon Abdelkader Bensalah, permettra au peuple d'exercer son choix libre et souverain. Abdelkader Bensalah a également affirmé que le gouvernement et les services administratifs concernés seraient « chargés de la soutenir et de l’accompagner dans l’accomplissement de ses missions en toute liberté ».
En outre, il a appelé tout un chacun à surmonter les divergences et à s'investir dans une action collective historique à la hauteur des défis de l’étape, reposant sur les valeurs de solidarité, de cohésion et d’abnégation, dans le but d’atteindre l’objectif suprême, c’est-à-dire poser les fondements de l’Algérie du futur.
L’accession de Bensalah à la tête du pays ne calmera pas la contestation. L’homme de 78 ans, à la tête du Sénat depuis 17 ans, n’est pas symbole de renouveau et c’est un proche d’Abdelaziz Bouteflika. Il est d’ores et déjà contesté par la rue, par la société civile et par des partis politiques. Les Algériens, qui continuent de manifester en masse pour réclamer le départ du « système », avaient clairement affiché leur refus de voir le président du Conseil de la Nation (chambre haute du Parlement), prendre l'intérim, comme le prévoit la constitution. Les appels à manifester et à la grève générale se sont multipliés sur les réseaux sociaux à la suite de sa nomination.
Danielle Ngono Efondo
Abdelkader Bensalah 77 ans, nommé président par intérim en conformité avec ce que prévoit la constitution algérienne.
Le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, a été nommé mardi président par intérim, pour 90 jours, lors d'une réunion du Parlement algérien, une semaine après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, selon la télévision nationale. Pendant cette période, une élection présidentielle, à laquelle Abdelkader Bensalah ne pourra pas être candidat, doit être organisée.
Contesté dans la rue
Cette décision est conforme à ce que prévoit la Constitution, mais va à l'encontre de ce que réclament les Algériens qui continuent massivement à manifester pour réclamer le départ de l'ensemble du « système » Bouteflika, dont Abdelkader Bensalah est issu.
« Je vais travailler à concrétiser les intérêts du peuple", a-t-il déclaré devant le Parlement. "C'est une grande responsabilité que m'impose la Constitution ».
Mardi matin, à Alger, des centaines de d'étudiants descendus dans la rue scandaient "Dégage Bensalah!" et "Système dégage", devant la Grande poste. Les partis d'opposition ont boycotté la réunion du Parlement, refusant de valider la nomination d'Abdelkader Bensalah.
Pur produit du régime algérien
Mardi, l'éditorial du quotidien gouvernemental El Moudjahid, traditionnel vecteur de messages du pouvoir, avait suggéré d'écarter Abdelkader Bensalah de la présidence par intérim.
« Cette personnalité (...) n'est pas tolérée par le mouvement citoyen, qui exige son départ immédiat, mais aussi par l'opposition et une partie des représentants des formations politiques de la majorité des deux Chambres du Parlement », avait écrit El Moudjahid.
Président depuis près de 17 ans du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, 77 ans, est un pur produit du régime algérien et un fidèle d'Abdelaziz Bouteflika. Député, ambassadeur, haut fonctionnaire ministériel, sénateur, il a multiplié les fonctions et présidé les deux chambres du Parlement, sans jamais devenir ministre.
Le cas du Cameroun
L’exemple de l’Algérie gagnerait à être compris par les thuriféraires d’un « politicien » camerounais. Lequel « politicien », ayant aujourd'hui maille à partir avec la justice, leur a laissé croire que c’est la rue qui gouverne et dicte sa loi. Si de notre prisme le départ du président Abdelaziz Bouteflika était justifié en ce sens qu’il ne jouissait plus de tous ses moyens, au Cameroun il n’en rien, Paul Barthélemy Biya Bi Mvondo tient le gouvernail de main ferme nonobstant les gesticulations des uns et des autres. Et si d’aventure il venait à quitter le pouvoir, sauf cataclysme, la constitution sera appliquée et verra donc le président du Senat prendre les rênes du pouvoir et l’exercer en conformité avec ce qui est prévu.
Source : AFP