C’est la première mobilisation du mouvement de contestation en Algérie, depuis l'annulation de l’élection présidentielle dont les membres n’ont jamais voulu mais, en face d’eux, le pouvoir tient un autre son de cloche
Dès les premières heures du jour, les forces de sécurité ont entièrement quadrillé le centre d'Alger alors que plusieurs centaines de personnes étaient déjà rassemblées, en chantant « Y en a marre de ce pouvoir ».
Ils ont crié aussi « dégage » au président par intérim Abdelkader Bensalah et au chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, devenu de facto l'homme fort du pays depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, sous la pression de la rue.
Nouvelle victoire de la contestation?
Pour Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth, « c’est Oui, dans le sens où l'élection n'aura pas lieu, c’est ce que la rue voulait. Mais c’est aussi un non, dans le sens où c’est un non-événement car elle était, (d'un point de vue) logistique, impossible à organiser », explique-t-elle.
Le pouvoir maintien l’organisation des élections
Abdelkader Bensalah a insisté pour que cette élection soit organisée dans les meilleurs délais, tout en prenant d’autres mesures.
Néanmoins, les interrogations subsistent, alors que la date du scrutin est maintenue pour le 4 Juillet prochain. Le dialogue auquel il convie la classe politique, qui ne présente « aucun candidat sérieux », et qui en plus, est largement discréditée aux yeux des manifestants, sans oublier cette grande vague des membres de la société civile suffira-t-il à éviter un nouvel échec?
Certains acteurs de la classe politique algérienne en doutent : « Personne ne veut se présenter et participer à cette mascarade. Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle pour le représenter, cela est évident aujourd’hui », relève Dalia Ghanem Yazbeck.
M. Bensalah, à qui la Constitution a confié l'intérim pour 90 jours, n'aura personne à qui transmettre le pouvoir à l'issue de ce délai et sortira donc du cadre constitutionnel dont le haut commandement de l'armée refusait jusqu'ici de s'écarter.
Le président par intérim a invoqué la situation exceptionnelle pour justifier la prolongation de fait de son mandat jusqu'à l'élection d'un nouveau chef de l'Etat, hors de tout cadre légal.
C'est la 2ème fois qu'une présidentielle est annulée en moins de trois mois. Abdelaziz Bouteflika avait annulé celle du 18 avril, tentant lui aussi de prolonger ainsi sine die son mandat en cours. Une manœuvre qui avait démultiplié la colère.
« Les options qui s'offrent désormais au ne sont pas illimitées. Les ressources coercitives sont toujours une option pendant les temps de crises politiques et surtout lorsque les acteurs, notamment l’armée ne veut pas perdre son pouvoir, regardons ce qui s’est passé au Soudan », affirme une fois de plus la chercheuse.
En plus, le peuple algérien n’a pas encore tourné la page de la sanglante répression au Soudan, lors du mouvement de contestation qui a chassé le président Omar el Béchir pour se retrouver face à l'armée, comme le prouve le tweet d’un homme, répondant à l’appel au dialogue et à des concessions mutuelles du général Gaïd Salah: « A ceux qui appellent à négocier avec l'armée en Algérie, réveillez-vous (...) on ne négocie jamais avec un militaire ».
Nicole Ricci Minyem