Le politologue Aristide Mono analyse l’échec du candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Dans une interview accordée à Défis Actuels du 8 novembre 2018, l’analyste démontre pourquoi le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) était programmé pour gagner.
«A priori la question semble embarrassante lorsqu’on sait que tous les protagonistes à une compétition s’affilient au tournoi parce qu’ils estiment avoir la chance de le remporter. Alors penser qu’un candidat est loin de cet état d’esprit, c’est convoquer la nature aventurière de sa démarche. Il serait donc moins galant d’affirmer que le candidat du MRC n’avait aucune chance de gagner.
Cependant au-delà du principe, il y a une lecture réaliste assise sur une concrétude empirique qui s’impose à tout analyste sérieux. C’est pourquoi à partir d’une observation rigoureuse et décomplexée, nous pouvons dire de façon péremptoire que le Professeur candidat n’avait aucune chance de venir à bout du Président candidat.
Plusieurs facteurs à la fois endogènes et exogènes à l’entreprise partisane ayant porté « l’offre Kamto » sont à même de soutenir une telle affirmation. Commençons par des déterminants internes aux Mrc. Je pense que malgré les efforts consentis et sa montée fulgurante, le parti n’a pas franchi le seuil d’une occupation territoriale capable de concurrencer celle du Rdpc qui continue de bénéficier des structures héritées de l’UNC, parti unique de l’époque monolithique.
En outre, nous savons que lorsqu’on se réfère à l’assise territoriale, on parle de fait de la ressource militante disséminée dans tous les coins du pays. Si on interroge les effectifs du MRC, on se rend compte qu’il est tenu par une poignée d’élites et militants qui ne peuvent pas assurée à eux seuls l’implantation conséquente du parti et encore moins le financement des unités locales qui peuvent découler d’une telle implantation.
Pour ce qui est des éléments exogènes, ils sont de deux ordres : d’abord ceux liés au paramétrage du jeu, ici on peut relever entre autres le droit électoral qui ma foi ne garantit pas suffisamment un jeu équitable, les modalités de financement des campagnes, l’accès déséquilibré aux médias d’Etat pendant l’intersaison et la campagne électorale, les règles qui encadrent le fonctionnement des institutions au cœurs du processus électoral à savoir Elecam et le conseil constitutionnel, des règles qui encadrent le casting des homme-arbitres qui gèrent ces institutions sont autant d’éléments qui donnent toute l’opposition perdante.
Ensuite, nous avons la capacité d’action costaude du Rdpc, c’est une véritable machine politique qui s’appuie sur une galaxie d’élites se recrutant dans tout l’appareil politico-administratif de l’Etat, tous les apparatchiks politiques, économiques et administratifs sont presque tous sociétaires du parti au pouvoir, n’oublions pas aussi le poids financier de cette entreprise partisane.
En plus, ce parti a présenté un candidat qui n’était pas du calibre de Kamto, un candidat qui totalise 56 ans de haute administration dont 13 au rang de ministre, 07 à la tête de la primature et 36 à la tête de l’Etat, un candidat crédité d’une bonne côte de popularité, crédité également d’une bonne expérience en matière de compétition électorale. Bref, tous les indicateurs donnaient le Rdpc vainqueur, le MRC était prédisposé à la défaite, pour faire simple, Kamto ne pouvait pas battre Biya».
Otric N.