Le débat politique au Cameroun depuis les dernières élections municipales et législatives du 09 février 2020, porte sur les chiffres et le sens à donner aux taux de participation ou d’abstention. Qu’est-ce qui peut bien justifier qu’on en soit à ne pas se préoccuper de qui a été élu où, mais que tous les acteurs politiques se battent pour confirmer ou infirmer des taux d’abstention et de participation.
Le problème que pose la question du taux d’abstention est celui de la légitimité du processus électoral, de l’élection et des élus sortis des urnes. Le renseignement que le taux d’abstention apporte est celui de savoir le niveau d’adhésion des populations à l’élection.
Les camerounais ont des raisons de douter de la sincérité du processus électoral. Tout d’abord au regard de ce qu’ils ont observé depuis la dernière élection. Pur nombre de camerounais, le premier obstacle à cette élection est la justice électorale.
Les magistrats ont à plusieurs reprises donné l’impression d’être au service d’une cause qui est aux antipodes de la protection de la démocratie. Des exemples, la question des 32 PV soulevés par le MRC lors du Contentieux de la présidentielle, ou l’exclusion de l’UPC des élections locales du fait d’une sorte de déni judiciaire. Sans parler des griefs du PCRN de Cabral Libii à l’endroit de la justice.
D’un autre côté, le code électoral et les acteurs qui ont la responsabilité d’organiser l’élection ne sont pas toujours considérés comme neutre. Ce qui donne l’impression aux citoyens que le jeu est fait pour privilégier certains partis politiques.
Par ailleurs, les populations ne sont pas dupes. Elles connaissent très bien les différents candidats et ne leurs font aucunement confiance. Cette crise de légitimité entraîne un désintérêt évident à l’égard des élections et de la politique.
L’une des conséquences directes sera la démission du peuple face à ses responsabilités citoyennes. Les citoyens ne payent plus les impôts et les taxes, les caisses de l’Etat sont sous tension, ils ne valorisent pas les institutions puisqu'ils ne s’y reconnaissent plus. Il y a une recrudescence de la justice populaire. La cité devient difficile à gouverner.
D’autre part, les élus ne se sentent pas le devoir de rendre compte aux populations, ils ne se soucient pas de leurs conditions de vies. Puisqu'ils savent très bien qu’ils n’ont aucune légitimité auprès desdites populations. Et d’autres travers sociaux consécutifs à l’illégitimité des élus, du fait du fort taux d’abstention. Et dans cet environnement, bonjour la mal gouvernance, la corruption et le sous-développement.
Terminer une élection avec un taux de participation aussi bas, ou un taux d’abstention aussi élevé est simplement l’indicateur que les populations ne se reconnaissent plus en ce processus électoral. Une Nation qui se veut démocratique, constatant cet état de fait, travaillera à améliorer le processus électoral question de construire une véritable légitimité des élus et par conséquent de la machine administrative qui sera dirigée par ces élus.
Stéphane NZESSEU