Célèbrée sous le thème: Les Jeunes et la Santé Mentale dans un Monde en Évolution, la journée mondiale de la santé mentale que l’on commémore le 10 octobre de chaque année, s’est penchée sur la sensibilisation des jeunes. Et, pour nous en dire plus, nous avons rencontré le Docteur Menguene Mviena Justine Claire. Elle est Sous Directeur de la santé mentale au ministère de la santé publique. Elle est par ailleurs psychiatre à l’hôpital Jamot à Yaoundé.
Quelle est la différence, docteur qui existe entre la santé mentale et la maladie mentale
Le 10 Octobre de chaque année, se célébre la Journée Mondiale de la Santé Mentale, qui est différente de la maladie mentale.
La santé mentale se définit comme un état de bien être qui permet à un individu de se réaliser, de faire face au stress de la vie quotidienne, d’être utile, productif à la communauté alors que la maladie mentale se définit comme celle qui touche l’aspect intellectuel, émotionnel, comportemental.
Dès lors, l’état de bien être qu’est la santé mentale ne saurait être équivalent de la maladie mentale qui est une affection. Mais effectivement chaque fois qu’on parle de santé mentale, tout le monde voit la pathologie.
A côté de cela, il y’à un autre concept. Lorsqu’on dit à quelqu’un qu’il a des problèmes de santé mentale, il se met en colère en croyant qu’on dit de lui qu’il est fou. Alors qu’il ne s’agit nullement de la même chose.
Comment peut-on clairement établir la différence, docteur?
La santé mentale est caractérisée par exemple par un malaise généralisé qu’une personne ressent lorsqu’elle a perdu un être cher, quand elle a des problèmes familiaux, financiers. Lorsque cette personne n’arrive pas à subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Si elle ne parvient pas à payer la scolarité de ses enfants. Dans le domaine professionnel, quand un individu rencontre des difficultés avec ses collègues ou son employeur, il éprouve un généralement un mal être. C’est tout cet ensemble que l’on retrouve dans la santé mentale.
Docteur, que pensez vous du thème retenu cette année, pour commémorer cette journée: Les Jeunes et la Santé Mentale dans un Monde en Évolution?
Sur le plan mondial, les jeunes dont l’âge est compris entre 14 et 25 ans, présentent un quart de la population mondiale. Il existe 1,8 milliards de jeunes dans le monde et, l’on s’est rendu compte que ce sont ceux là qui représentent l’avenir. Malheureusement, ce sont aussi les plus vulnérables. Il existe de nombreux problèmes susceptibles d’affecter cette tranche de la population. Des dysfonctionnements sur le plan familial peuvent précocement les perturber. Un jeune peut être bien portant physiquement mais, si sur le plan de la santé mentale, ça ne va pas, l’adulte qu’il sera demain ne pourra contribuer au développement de la société. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Organisation Mondiale de la Santé s’est intéressée à cette tranche de la population.
Quels peuvent être les facteurs stressants pour un jeune?
Les familles recomposées, les familles, les familles monoparentales, les familles séparées sont quelques uns des facteurs qui font que le jeune se retrouve dans un environnement de mal être. Mal être parce qu’ il a une carence affective, parce que personne n’est là pour l’écouter. Ce qui conduit certains à la consommation de l’alcool et des drogues.
Il existe aussi ces nouvelles technologies de l’information et de la communication, ces réseaux sociaux dans lesquels on véhicule de manière récurrente des messages qui incitent à la violence. Des messages et des images qui font que les jeunes aujourd’hui, soient partisans du moindre effort. La désillusion qu’ils ressentent leur font par exemple croire que leur pays ne pourrait leur offrir les conditions pour leur épanouissement. Ils prennent donc des risques en allant chercher le bonheur qu’ils pensent trouver ailleurs. Les réseaux sociaux sont venus remplacer l’éducation que ne parviennent plus à donner les parents.
Comment peut-on venir à bout de la santé mentale?
Le problème de santé mentale interpelle tout le monde, toute la société et non pas seulement le ministère de la santé publique. La santé mentale intègre les notions de productivité, d’utilité à la communauté, de développement. Cela signifie qu’il ne faut pas seulement rechercher le volet clinique.
Si un individu lamda n’arrive pas à venir à bout de son mal être, si la société, l’entourage ne l’aide pas il peut arriver qu’il arrive au deuxième niveau qui est la maladie.
Pouvez vous être plus précise?
Vous pouvez passer une vie entière, sans aller chez un gynécologue, un cardiologue, un dentiste, un opticien mais, nul ne peut vivre sans connaître les problèmes liés à la santé mentale. D’où le choix de la sensibilisation, pour marquer cette commémoration.
Il est vrai, docteur que l’on ne parle pas aujourd’hui, de maladie mentale. Mais, pouvez vous nous en toucher un mot ou deux?
L’estomac, le bras ou le pied peuvent faire mal et présenter des signes de manifestations cliniques. Il en va de même pour le cerveau qui lui, se caractérise par des troubles de comportement. Ces derniers ne trouvent pas toujours leur origine dans le mysticisme, la sorcellerie, dans on a trempé sa main quelque part.
Il se trouve simplement qu’il y’a un dysfonctionnement au niveau de certaines molécules qu’ on appelle neurotransmetteurs. C’est ce qui donne les hallucinations.
Par ailleurs, la maladie mentale obéit aux mêmes facteurs que les autres maladies. Cela signifie qu’il existe des facteurs génétiques et biologiques. Comme il y’a des familles de diabétiques et d’hypertendus. Il existe aussi des familles de malades mentaux. Ce sont malheureusement des familles stigmatisées, marginalisées.
La maladie mentale touche toutes les couches de la société et à l’hôpital, on peut facilement en venir à bout, grâce à un traitement adéquat.
Nicole Ricci Minyem