Le président soudanais Omar el-Béchir a été arrêté par l'armée. Le vice-président Ibn Awf a annoncé sa destitution et la mise en place d'un Conseil de transition tenu par les militaires.
C’est terminé. Après près de quatre mois d’un mouvement populaire d’une ampleur inédite au Soudan, Omar el-Béchir a été destitué par l’armée. « J’annonce, en tant que ministre de la Défense, la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef », a déclaré le général Awad Ibn Awf, vice président et ministre de la Défense, sur la chaîne d’État, ce jeudi à la mi-journée. Il a également annoncé la mise en place d’un Conseil de transition militaire et dévoilé une série de mesures pour cet état d’urgence qui restera en vigueur durant les trois prochains mois, parmi lesquelles la fermeture des aéroports et un couvre-feu commençant à 22 heures.
Depuis le début de la matinée, la situation était très confuse à Khartoum. La foule avait laissé exploser sa joie, ce matin, après l’annonce par plusieurs médias arabes et occidentaux d’un départ du président Omar el-Béchir, arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 1989.
Dans la matinée, le compte Twitter de Suna, l’agence de presse d’État, de même que la télévision nationale annonçaient l’imminence d’un « important communiqué » de l’armée. « Les dirigeants des forces armées doivent remettre le pouvoir à la population. Nous n’accepterons pas d’autre autorité que civile », a cependant prévenu, dans la matinée, la Sudanese Professionals Association (SPA), l’épinedorsale du mouvement révolutionnaire qui dure au Soudan depuis le 19 décembre dernier. Et, à en croire les images diffusées sur les réseaux sociaux après l’annonce d’Ibn Awf, la peur et la colère ont pris le pas sur l’allégresse dans les rues de la capitale. Omar el-Béchir n’est pas parvenu à se maintenir au pouvoir, malgré les tentatives menées par son dernier carré de fidèles. Depuis la veille, le désormais ex président soudanais avait été assigné à résidence par l’armée, alors que des militaires étaient été déployés en nombre sur les carrefours stratégiques de la capitale, notamment sur les ponts enjambant le Nil.
Des tirs à Khartoum
Alors que, depuis mercredi dans la soirée, les scènes de liesse et de fraternisation entre manifestants et militaires s’étaient multipliées, la tension est forte dans les rues de la capitale soudanaise. Sur l’avenue Buri et aux alentours, en face du bâtiment du Commandement général militaire, sur la place occupée depuis six jours par les manifestants, des bruits de tirs ont été entendus ce jeudi dans la matinée, avant l’annonce de l’armée. « Amenez de l’eau et restez pacifiques », demandait alors simplement la SPA.
Cette coalition, née avec cette « Intifada » et organisée peu ou prou comme une confédération syndicale, conseille par ailleurs à ses partisans de maintenir la pression et de continuer d’occuper la rue. L’armée, de son côté, a installé des barrages sur les ponts qui enjambent le Nil, et bloque les grandes avenues de la capitale. En dehors de Khartoum, la situation est aussi tendue : dans plusieurs villes, des manifestants se sont massés devant des locaux de l’armée, affrontant parfois les forces de sécurité à coup de pierres. L’opposant historique Sadi al Mahdi a pour sa part assuré, peu avant 13 h (11h GMT) qu’Omar el-Béchir est actuellement en résidence surveillée, sous la garde de militaires. Nervosité des piliers du pouvoir Dans la matinée, des soldats ont été vus pénétrant dans les locaux du Mouvement islamique, frange dure du mouvement islamiste soutenant le Parti du Congrès national (NCP), le parti au pouvoir. Dans le même temps, des agents des services de sécurité entourent les maisons de proches d’Omar el-Béchir.
Signe de la nervosité qui a gagné une frange des proches d’Omar el-Béchir, Hassan Ismaïl, gouverneur de Khartoum, a quant à lui été pris à partie par la foule, alors qu’il cherchait à s’enfuir par les égouts, à en croire des images diffusées sur les réseaux sociaux.
À la mi-journée, la Suna a également annoncé la libération de l’ensemble des prisonniers politiques. En effet, peu de temps après, la foule a accueilli sous les applaudissements Naji al-Assam, un jeune de la SPA, tout juste remis en liberté. Omar el-Béchir avait accédé à la présidence à la faveur d’un coup d’État, en 1989. Il était sous le coup de deux mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale qui le soupçonne de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le premier avait été émis le 4 mars 2009, le second le 12 juillet 2010.
Félix Swaboka