C’est le conflit le plus violent dans l’Est de la République Démocratique du Congo, menaçant la stabilité régionale: une quarantaine de civils ont été massacrés par des miliciens en dix jours, en représailles aux opérations de l’armée contre des rebelles ougandais.
Le Président congolais Félix Tshisekedi a passé la semaine à chercher du renfort pour pacifier la partie orientale de la RDC. Il est ainsi allé en Ouganda et a pris part au Forum sur la Paix, organisé en France. Cependant, en revenant dans son pays il a été accueilli par cette information : quatorze civils ont encore été tués dans la nuit de vendredi à samedi, non loin de la frontière de l’Ouganda.
« Vendredi soir, les assaillants ont fait incursion à Mbau-centre où ils ont tué à l’arme blanche huit personnes, puis ils ont tué à un km de là six Pygmées », a déclaré Donat Kibwana, administrateur de territoire de Béni.
Par ailleurs, « Samedi, l’armée congolaise a annoncé avoir perdu quatre soldats, soit au total 10 militaires tombés depuis le début des opérations. Il y a 40 blessés dont des officiers supérieurs. Dans les rangs de l’ennemi, il y a d‘énormes pertes », selon son porte-parole dans la région, le major Mak Hazukai.
L’armée congolaise a lancé ses opérations sans la force de la mission de l’ONU en RDC (Monusco), qui dispose dans la région d’une brigade d’intervention : « Notre mission consiste à travailler en coordination avec l’armée congolaise pour que la population ne subisse pas des dommages collatéraux (des opérations militaire), ou soit exposée aux représailles (des miliciens) », a indiqué une porte-parole de la Monusco.
Pour sa part, la population reproche à l’armée de concentrer ses opérations dans les environs de Beni-ville et non vers le « triangle de la mort Oicha-Mbau-Eringeti, plus au nord près de la frontière ougandaise ».
Coopération militaire
Le président français Emmanuel Macron a promis cette semaine un soutien militaire à la RDC contre les groupes armés qui déstabilisent le pays et qui pour certains, pactisent avec Daech, l’acronyme arabe de l’EI. Il a évoqué une coopération en matière de renseignement, sans entrer dans les détails, en recevant à Paris le président Tshisekedi.
En outre, avant de s’envoler pour Paris, Félix Tshisekedi s’est entretenu avec le Président Museveni près de Kampala. Les deux chefs d’Etat ont convenu de travailler ensemble, y compris avec d’autres pays de la région, comme le Rwanda, pour s’attaquer au problème des groupes armés, en particulier dans l’est de la RDC.
D’autre part le Conseil de sécurité des Nations unies doit renouveler le 20 décembre prochain, le mandat de la Monusco en RDC pour l’année 2020.
« Abandonner la RDC serait à mon avis suicidaire », avait déclaré à RFI le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, à l’issue d’une visite à Goma, Beni et Kinshasa début septembre.
Historique
Dans le territoire de Beni, les habitants et les autorités dénoncent les milices des Forces démocratiques alliées (ADF), responsables présumés du massacre de plus de 1.000 civils dans la région depuis octobre 2014.
« C’est l’un des groupes armés les plus meurtriers des Kivu », écrivait en novembre 2018 le Groupe des experts du Congo (GEC). Tout en précisant que de nombreux acteurs, et notamment le gouvernement congolais ont pu aussi participer aux massacres de Beni, à l‘époque de l’ancien régime du président Joseph Kabila.
Groupe mystérieux, replié dans la jungle épaisse du parc des Virunga, les ADF ont mené au moins quatre assauts contre des civils depuis l’annonce le 30 octobre d’une offensive de l’armée congolaise contre leur base.
Bilan: au moins 36 civils tués, d’après une source du baromètre sécuritaire du Kivu, co-animé par le Groupe des experts du Congo (GEC) et l’ONG Human Rights Watch (HRW).
« Les ADF veulent dissuader la population locale de coopérer avec l’armée », ajoute cette source. Les miliciens auraient ainsi visé des pisteurs qui peuvent renseigner l’armée congolaise dans les forêts au pied du massif du Rowenzori, le fief des ADF.
Nicole Ricci Minyem