La mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (Monusco) a indiqué ce mercredi avoir été sollicitée par les autorités pour empêcher que soit mené à son terme, un projet de déstabilisation du Rwanda voisin par des rebelles hutu rwandais qui ont quitté la province du Nord-Kivu vers celle du Sud-Kivu, dans l'est du pays.
Le chef de la Monusco, Leila Zerrougui a affirmé dans une conférence de presse avoir reçu une lettre du ministre congolais de la Défense, sollicitant un appui des Casques bleus aux militaires congolais afin de contrecarrer une rébellion contre le Rwanda voisin, à partir de la République Démocratique du Congo. Dans cette lettre partagée sur les réseaux sociaux et les médias, le ministre congolais de la Défense Crispin Atama Thabe note qu'il a été observé un déplacement des rebelles hutus rwandais des forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Le déplacement de ces FDLR et leurs familles va de la province du Nord-Kivu vers celle du Sud-Kivu où ils seraient sollicités par le général rebelle rwandais Kayumba en vue d'une coalition pour une action belliqueuse contre le Rwanda à partir de la RDCongo, signale le ministre de la Défense. La RDC ne peut accepter de servir de base arrière pour un quelconque mouvement rebelle étranger contre un État voisin et sollicite ainsi "l'appui des forces de la Monusco aux FARDC (armée congolaise)", écrit encore M. Atama Thabe dans ce courrier daté du 18 janvier.
Face à cette demande, la Monusco a "alerté les autorités rwandaises et a salué l'attitude positive et responsable des autorités congolaises", a expliqué Mme Leila. La diplomate a néanmoins ajouté qu'aucune attaque contre le Rwanda à partir de la RDC n'a été enregistrée par la Monusco depuis. En début de semaine déjà, le gouvernement congolais avait indiqué avoir extradé vers le Rwanda deux chefs des FDLR, dont leur porte-parole Bazeye Fils La Forge. Les FDLR sont présentes dans l'Est de la RDC depuis 1994. Certains de leurs chefs sont accusés d'être responsables du génocide (800.000 morts) au Rwanda perpétré par le régime hutu extrémiste contre les Tutsis et les Hutus modérés, avant leur renversement par les forces pro-Tutsi de l'actuel président rwandais Paul Kagame. Les relations entre la RDC et Rwanda sont complexes. Depuis 1996, le Rwanda a notamment soutenu différentes rébellions contre Kinshasa et vice versa.
Quelques dates des faits d’armes entre les deux pays :
13 septembre 1996 : Kinshasa accuse le Rwanda de "fomenter des troubles" dans le Sud-Kivu.
- En octobre, après des affrontements entre l'armée et des Tutsi d'origine rwandaise, une Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), coordonnée par Laurent-Désiré Kabila, démantèle les camps de réfugiés rwandais hutus établis depuis 1994 dans le Kivu.
1997
- En mai, Kabila se proclame chef de l'État après le départ de Mobutu Sese Seko À Kigali, l'homme fort du régime, Paul Kagame, affirme que le Rwanda a planifié et dirigé la rébellion qui a conduit à la chute de Mobutu en participant directement aux combats.
1998
- 28 juillet : Kabila "met fin à la présence de militaires rwandais au sein des Forces congolaises", se séparant de ses anciens alliés rwandais et ougandais.
- 2 août : début d'une nouvelle rébellion dans le Kivu. Le conflit dégénère en une guerre impliquant plusieurs pays africains. Kinshasa accuse le Rwanda d'"agression". En novembre, le Rwanda justifie son intervention par des raisons de "sécurité nationale".
1999
- 10 juillet : un accord de cessez-le-feu est signé par Kinshasa et ses alliés, Zimbabwe, Angola et Namibie, ainsi que par l'Ouganda et le Rwanda, puis ratifié par les factions rebelles.
2001
- 1er février : Joseph Kabila, qui a succédé à son père tué dans un attentat, rencontre le président Kagame.
- 16 avril : un rapport d'experts de l'ONU accuse l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi de piller les richesses de l'ex-Zaïre.
2002
- 5 octobre : le Rwanda rapatrie officiellement le dernier soldat de son contingent (plus de 20 000 hommes).
2004
- Mai-juin : insurrection dans le Sud-Kivu menée par deux officiers dissidents de l'armée, issus de l'ex-rébellion pro-rwandaise du Rassemblement congolais pour la démocratie. Kinshasa accuse le Rwanda, qui dément, de soutenir les dissidents.
2008
- 9 octobre : Kinshasa accuse Kigali d'envoyer des troupes sur son territoire pour appuyer la rébellion du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, que de nouveaux combats opposent depuis fin août aux forces gouvernementales.
2009
20 janvier : les armées congolaise et rwandaise lancent, à la suite d'un retournement d'alliance, une opération conjointe contre les rebelles hutus rwandais dans l'Est, qui aboutit par ailleurs à l'arrestation de Laurent Nkunda.
2012
- 17 octobre : un rapport confidentiel de l'ONU accuse le Rwanda et l'Ouganda de continuer à armer les rebelles du M23 dans l'est de la RDC.
- Le M23 a été créé début mai par des militaires, qui, après avoir participé à une précédente rébellion, ont intégré l'armée en 2009, à la suite d'un accord de paix. Ils se sont mutinés en avril, arguant que Kinshasa n'avait pas respecté ses engagements.
- 19 novembre : le Rwanda accuse l'armée congolaise de l'avoir "délibérément" bombardé avec des chars et des mortiers. La RDC dément avoir ordonné de tels tirs…
Nicole Ricci Minyem