Elle nie tout en bloc, même comme elle affirme que la prostitution n’est pas condamnable.
La jeune africaine, qu’on prénomme Christina, est accusée d'avoir fait venir des jeunes filles du Nigéria pour les contraindre à faire le trottoir. Elle aurait agi dans le cadre d'un trafic de migrants, au cours duquel les femmes devaient s'adonner à un rituel de magie noire. Mais, elle réfute toutes les accusations portées contre elle : « Je n'ai forcé personne, on était toutes ensemble prostituées ».
La trentenaire est accusée d'avoir agi avec la complicité de l'un de ses frères, basé au Nigéria. En 2015, ce dernier aurait recruté et expédié au moins quatre filles vers l'Europe, après leur avoir fait miroiter des études ou un travail de nettoyeuse.
Avant de quitter l'Afrique, les victimes auraient été séquestrées chez ce frère durant plus d'une semaine, surveillées par un gros chien. Puis contraintes à subir un rituel de magie noire, le « juju », consistant en un prélèvement de sang, de cheveux, de rognures d'ongles et de poils pubiens.
Les jeunes femmes acquièrent alors la conviction que le sorcier a les moyens de leur infliger un mauvais sort, à elles ou leurs familles, si elles venaient à désobéir.
Cette pratique animiste aurait permis à Christina et son frère d'assujettir les candidates à la prostitution, âgées de 16 à 18 ans.
Elle-même travailleuse du sexe entre Berne et Bienne, en séjour illégal depuis 2012, la trentenaire les aurait prises en charge à leur arrivée en Italie (après leur traversée de la Méditerranée sur une embarcation de fortune aux côtés de 150 personnes), puis conduites jusqu'à Lausanne, après quelques jours passés à Berne. C'était en février 2016.
Ses compatriotes devaient se prostituer et reverser leurs gains à la proxénète présumée, sous prétexte d'un remboursement des frais de voyage. A en croire l'une des victimes, la seule à avoir été identifiée et localisée, Christina lui aurait demandé de lui rembourser 35'000 francs, et qu'elle devrait travailler dur pour y arriver. Et que le « juju » serait pratiqué contre elle au cas où elle s'enfuirait ou parlerait à la police.
Après cinq mois de trottoir, les deux adolescentes auraient remis entre 2200 et 2400 francs chacune à la prévenue. Laquelle se serait rendue à Lausanne deux fois par semaine pour collecter son dû.
Construction d'une maison
La trentenaire ne nie pas avoir envoyé près de 30'000 francs au Nigéria entre les mois de janvier 2015 et août 2016, mais ce montant ne serait que le fruit de sa propre activité de prostituée. L'argent a en tout cas servi à la construction d'une maison au pays pour son frère.
« Elle et ses frères m'avaient dit que si je ne faisais pas ce qu'ils me disaient, ils me tueraient avec le « juju », a déclaré la plaignante nigériane, aujourd'hui âgée de 20 ans et devenue mère.
Avant d'ajouter qu'elle est persuadée que le rituel vaudou constitue toujours « une menace sérieuse… Il m'arrive encore de me réveiller en sursaut à cause du juju…J'ai peur qu'on me prenne ma fille si j'explique comment je me sens ». Les trois juges devraient rendre leur verdict dans le courant de la semaine.
Nicole Ricci Minyem