Ledit général a dénoncé à Mediapart et à la cellule d’investigation de Radio France, la faute commise par son pays au Rwanda, laquelle faute a débouchée, de l’avis des experts sur le génocide le plus rapide de l’histoire et de plus grande ampleur quant au nombre quotidien de morts.
Le général de division Jean Varret, aujourd’hui âgé de 84 ans a confié aux médias sus cités, les actions menées par la France au Rwanda à partir d'octobre 1990 jusqu'au génocide de 1994.
Sans ambages, il a dressé un bilan sévère et a dénoncé les «fautes» commises par la France dans ce pays et ce sous la pression d'un «lobby militaire». Il est même allé jusqu’à qualifier cela de fiasco politique et militaire. Le général estime qu'une partie de l'Armée française et la présidence de François Mitterrand avaient été «aveuglées» par l'aile extrémiste du régime rwandais.
Arrivé au Rwanda en novembre 1990 en qualité de chef de la Mission militaire de coopération (MMC), le général Varret évoque la demande à lui formulée par le chef d'État-Major de la gendarmerie du régime hutu, le colonel Pierre-Célestin Rwagafilita, de lui livrer des armes lourdes pour assurer le maintien de l’ordre. A cette dernière, il accordera une fin de non-recevoir. Suite à ce refus, son interlocuteur lui précisera ses objectifs lors d'un entretien en tête-à-tête.
« Je vous demande ces armes, car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple: les Tutsis ne sont pas très nombreux, on va les liquider. »
Quatre années avant le génocide donc, un officier rwandais avait explicitement dévoilé au général français les intentions meurtrières du régime auquel il appartenait.
Suite au rapport qu’il commit à son retour à Paris sur la situation qui prévalait au Rwanda poursuit Mediapart, personne ne l’écouta notamment parce que personne n'était prêt à aller contre les avis du Président français de l’époque.
Ces accusations du général Varret sont réfutées par l'amiral Jacques Lanxade, que Mediapart a également interrogé pour cette enquête. Son démenti s'appuie sur l'argument d'un choix politique fait par le Président dès le début de la crise, en octobre 1990.
« Notre rôle était de faire en sorte que ceci [le génocide, ndlr] n'arrive pas. Nous ne voulions pas la déstabilisation du Rwanda », a indiqué celui qui fut chef d'État-Major des armées de 1991 à 1995.
« Qu'est-ce qu'on aurait pu faire à ce moment-là? On n'allait pas se retirer. On était là justement pour empêcher ce que Varret pensait comme une éventualité possible, par une coopération technique avec la gendarmerie, avec les FAR [Forces armées rwandaises, ndlr]. Notre intervention visait à éviter que le gouvernement s'effondre et ne tombe dans la guerre civile. Qu'aurions-nous dû faire? Partir? Mais alors c'était la guerre civile tout de suite », fait-il remarquer.
Deux camps s’étaient donc formés à Paris. Celui de ceux qui tiraient la sonnette d’alarme sur les excès de la politique africaine de l'Élysée et celui des « va-en-guerre » qui incitait le gouvernement français renforcer son aide armée au Rwanda.
A titre de rappel, Mediapart nous apprend que c'est le ministre de la Défense de l’époque, Pierre Joxe, qui fut l'un des premiers responsables politiques français à alerter François Mitterrand sur les dangers encourus à soutenir trop fermement le régime du Président Juvénal Habyarimana. Dans une note adressée au Président le 26 février 1993, il avait mis en garde l'Élysée:
« Le seul moyen de pression un peu fort qui nous reste - l'intervention directe étant exclue- me semble l'éventualité de notre désengagement. »
La suite nous la connaissons. Le 06 avril 1994, l'avion de Juvénal Habyarimana était abattu à l'aide d'un missile alors qu’il était en phase d'atterrissage. Ce fut à proprement parler, le début du génocide Tutsi qui dura de ce 6 avril là au 4 juillet 1994 et qui aura fait environ 800 000 morts selon des estimations de l’ONU.