L'ancien président angolais José Eduardo dos Santos a contesté les accusations de son successeur Joao Lourenço d'avoir vidé « les caisses de l'Etat».
C’est une autre bataille qui se livre en ce moment en Angola. Cette fois, la polémique est née après la publication de Joao Lourenço, dans un journal portugais « Expresso », paru le Week end dernier. Il affirme avoir « trouvé les coffres de l’Etat vides ». La réplique lui a été donnée ce mercredi, par José Eduardo dos Santos : « Je n’ai pas laissé les caisses de l’Etat vides. En septembre 2017, lors du passage de témoin, j’ai laissé environ 15 milliards de dollars à la Banque nationale d’Angola… Le budget général de l’Etat est adopté par l’assemblée nationale, et tous les revenus et dépenses de l’Etat doivent y être obligatoirement inscrits. Le budget 2017 avait un déficit de 6% ».
L’on se souvient que José Eduardo dos Santos a dirigé l’Angola jusqu’en septembre 2017, un règne de trente-huit ans au cours duquel il a mis l’économie du pays en coupe réglée. Il a finalement cédé les rênes du pouvoir à Joao Lourenço, également membre du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA).
Lorsque ce dernier arrive au pouvoir, il se lance dans ce que d’aucuns considèrent comme une « vendetta ». Du moins, ceux qui ont servi sous le règne de José Eduardo Dos Santos. L’un des symboles forts des actions entreprises depuis lors, la détention de l’un des fils de l’ex Chef de l’Etat ; José Filomenu, accusé d’actes de corruption.
Quelques mois auparavant, c’est Isabel Dos santos qui était sous les feux de la rampe. Elle a particulièrement été la cible de l’opération mains propres du Président Joâo Lourenço. Depuis septembre 2018, malgré quelques déboires, cette « dame de fer », selon ses concitoyens entend maintenir à flot, tous ses avoirs. Il faut dire qu’en quelques années, la fille aînée de Edouardo Dos Santos a su s’imposer comme une personnalité incontournable de l’économie angolaise.
Elle a dirigé jusqu’au départ de son père du pouvoir, la Société pétrolière angolaise (Sonangol) malgré les fortunes diverses. Elle est par ailleurs propriétaire de 25 % d’Unitel, l’opérateur de télécoms leader du marché.
Un vent nouveau se lève après l’arrivée du nouveau Président de la République
À la mi-novembre 2017, Isabel dos Santos est limogée de la présidence de Sonangol, et sa demi-sœur Tchizé ainsi que son demi-frère Coréon Dú sont écartés de la gestion de la chaîne publique TPA 2. Début décembre, Sodiam, l’entreprise publique chargée de la commercialisation des diamants, met fin au partenariat noué avec le groupe suisse De Grisogono, qu’Isabel contrôle avec son mari, Sindika Dokolo, cassant le quasi-monopole dont bénéficiait le joaillier de luxe pour la vente des gemmes angolais.
Fin juin, Atlantic Ventures, une société contrôlée par l’un de ses représentants légaux, Fidel Kiluange Assis Araújo, a perdu l’attribution de la construction du port de Barra do Dande (au nord de Luanda), pour lequel l’État avait accordé une garantie de 1,5 milliard de dollars. Et à la mi-juillet, le consortium réunissant le groupe chinois CGGC et la société Niara, détenue par Isabel dos Santos, s’est vu retirer par décret la création d’un complexe hydroélectrique de 4,5 milliards de dollars à Caculo Cabaça (Kwanza Norte), que l’État lui avait pourtant octroyé en 2015. Dernier désaveu en date, le gouvernement a annoncé fin août son retrait du capital d’Efacec, groupe énergétique portugais, dont il avait pris le contrôle il y a trois ans en s’alliant avec Isabel dos Santos (via la société Winterfell Industries).
Des déconvenues économiques qui se doublent d’ennuis judiciaires. Le parquet de Luanda enquête sur sa gestion de Sonangol, et la Chambre de commerce internationale de Paris se penche sur celle de l’opérateur de téléphonie mobile Unitel dans le cadre d’une demande d’arbitrage déposée par le groupe brésilien Oi. Certains voient dans les déboires de la milliardaire une revanche du général Fernando Garcia Miala, nommé chef des services de renseignements au début de l’année. Il y a dix ans, celui qui était déjà chef des services du renseignement extérieur avait été condamné à quatre ans de prison pour insubordination envers le chef de l’État.
« Cette volonté de moraliser la vie économique a été bien perçue par les chefs d’entreprise comme par la population, mais il faut un changement global des mentalités pour que cela profite à l’Angola », commente Francisco Viana, le président de la Confédération entrepreneuriale d’Angola (CEA), nouvelle organisation patronale créée début 2017.
Une équipe de communicants à son service
Malgré la tourmente, Isabel dos Santos n’entend pas rendre les armes et continue de gérer ses affaires depuis ses bureaux de Londres, de Lisbonne et, plus rarement, de Luanda. « Il y a deux catégories de personnes, celles qui se voilent la face devant la réalité et celles qui agissent pour trouver une solution. Je fais partie de la deuxième », twittait-elle le 23 août dernier. Le lendemain, elle postait sa photo avec un casque de chantier, expliquant « superviser la construction d’un nouveau projet » et affirmant « continuer d’investir en Angola ».
À l’inverse de son autre demi-frère José Filomeno dos Santos, discret depuis son limogeage du fonds souverain angolais et coopératif avec la justice, qui le soupçonne de corruption, Isabel dos Santos ne veut pas faire profil bas. Accompagnée par une équipe de communicants issue de l’agence portugaise LPM, elle alimente son site internet, diffuse des communiqués, multiplie les publications sur les réseaux sociaux et a donné un long entretien filmé au quotidien portugais Jornal de Negócios.
Nicole Ricci Minyem