Chers camarades et sympathisants,
Chers compatriotes,
À la suite de la barbarie administrative, policière et judiciaire déclenchée après les « marches blanches’ du 26 janvier 2019 et qui nous a conduit illégalement en prison, permettez-moi de vous dire toute mon admiration pour votre courage et la dignité que vous opposez à vos oppresseurs,
J’aurais voulu parler directement à chacun d’entre vous mais également à vos familles qui souffrent de votre absence. Je sais ce que vos enfants et conjoints éprouvent en cette période d’ensauvagement assumé de l’État par le régime Biya. J’ai une pensée pour tous ces êtres que vous aimez et qui, j’en suis sûr, vous manquent cruellement. Nombreux parmi vous sont des chefs d’entreprises, des cadres, des employés, de braves travailleurs individuels qui gagnent leur vie au quotidien, des chercheurs d’emploi, ou d’étudiants. La détention arbitraire que vous impose M.Biya à cause de votre détermination à exercer vos droits fondamentaux garantis par la constitution et les traités internationaux vous cause un préjudice grave. Néanmoins, les informations qui me parviennent sur la qualité exceptionnelle d votre morale démontrent que malgré toutes les tortures physiques et morales, vous vous êtes élevés pour faire don de vos personnes respectives à la nation camerounaise.
Ce dépassement de soi et votre détermination exceptionnelle sont les meilleures réponses que les citoyens politiquement émancipés peuvent opposer à une dictature barbare comme celle qui régente notre pays depuis plusieurs années, en répandant la terreur qui, hélas, paralyse encore nombre de nos concitoyens. Votre dignité est une invite au peuple camerounais à briser ses chaînes, à s’extirper de la peur paralysante instillée par le régime en place depuis bientôt 40 ans. Pour revendiquer courageusement et pacifiquement, comme on le voit en ce moment dans certains pays de notre continent.
Chers amis,
J’ai appris avec une grande douleur les tortures et les humiliations que des fonctionnaires otages de leurs ambitions mesquines vous ont infligés à Bafang, Dschang, Bafoussam, Yaoundé et Douala, J,en ai moi-même été victime, comme vous en avez été probablement informé par le truchement de nos avocats ou comme vous le savez , pour ceux qui ont été arrêtés en même temps que moi puis déportés à Yaoundé dans des conditions que je ne saurais souhaiter même à mon pire ennemi. J’ai également eu le cœur lourd de tristesse lorsqu'on m’a raconté le traitement encore plus déshumanisant imposé à nos compagnons de sexe féminin lors de leur transfèrement à Yaoundé comme de leur détention illégale dans divers lieux d’incarcération de cette ville. J’ai appris que comme moi-même et les leaders alliés détenus à la prison principale de Yaoundé, vous avez découvert devant les tribunaux de notre pays que certains magistrats ont sacrifié le droit et leur honneur sur l’autel de leur plan de carrière, dissimulant à peine leur engagement partisan et leur parti-pris politique; que des individus, sous couvert de la profession de journaliste, ou de leur position ministérielle pourtant essentiellement précaire, ou par jalousie ou par haine tenace nous rendent coupables de saccage des ambassades du Cameroun à Paris et à Berlin. Sans nuance aucune et sans vergogne, ils l’affirment sentencieuse, en dépit de nos dénégations et de la revendication de ces actes par leurs auteurs qui clament par ailleurs n’avoir aucun lien avec moi et le MRC.
Face à ce flot d’injustice, de violence, de haine, soyons forts et unis et plus déterminés que jamais à lutter pour sauver notre pays de la grave dérive dans laquelle le régime en place l’a conduit.
J’ai fait savoir à travers nos avocats ma disponibilité à discuter avec M. Biya, pour solder le passif du scrutin présidentiel du 07 octobre 2018 et jeter les bases sérieuses et crédibles d’un nouveau départ politique dans notre pays. Vous êtes témoins du mépris avec lequel cette démarche a été accueillie par le régime et ses laudateurs. De même , je réitère ma proposition pour la négociation d’un cessez-le-feu, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR), la libération de toutes les personnes détenues, la mise en place d’une commission vérité-justice-réconciliation et l’organisation d’un dialogue inclusif pour mettre un terme à la guerre civile qui déchire les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest; car il est évident que ce problème ne peut pas être réglé en profondeur et de façon durable par la force armée.
Permettez-moi chers camarades et amis politiques de vous dire une fois de plus mon admiration pour votre courage et votre dignité dans l’épreuve. Je voudrais saluer le sens du sacrifice des mamans qui, ayant abandonné leurs bébés et leurs enfants en bas âge, se sont engagées dans la lutte pacifique pour la liberté et le progrès collectif de nos populations de toutes les origines. Croyez-moi, je me battrai sans relâche pour que les auteurs des violations de vos droits, des actes de tortures et d’humiliation dont vous avez été l’objet répondent de leurs actes devant les tribunaux nationaux et internationaux. Je saisis cette occasion pour adresser mes remerciements et une pensée particulière à celles d’entre vous qui avez eu la délicatesse de m’adresser un message d’encouragement. QU’elles soient assurées de ma détermination au service de notre pays et de la jeunesse camerounaise et gardent haut leur morale.
Quelque soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par se lever.
Recevez tous mes encouragements et ma profonde affection.
Maurice Kamto
Prison centrale de Kondengui-Yaoundé
Le 14 avril 2019