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Dans l’Adamaoua, de plus en plus certains  conducteurs de moto-taxi   deviennent accrocs du « tramol », un stupéfiant qu'on trouve chez les vendeurs ambulants sous le nom de « Tapis rouge ». Les lieux de vente et de consommation se prolifèrent dans la capitale en dépit de la législation en vigueur.

 

Aux abords des rues de  l’Adamaoua, la région château d'eau du Cameroun, aux alentours des marchés et habitations, les vendeurs  de tramol poussent comme des champignons. Sous des hangars ou dans des maisons parfois insalubres, en plein air, des jeunes gens, parfois encore mineurs, avalent ces comprimés. Le tramol est produit à base de « Nakla Tobacco », contenu dans un emballage semblable à un paracétamol  contenant des plaquettes et vendu à 450 francs CFA.

 

Il est composé de dépuratif, de fromage, de nicotine, etc. On le donne généralement au cheval lorsqu'il veut assister à une course hypique. « Le tramol est originaire des pays arabes, notamment de la Turquie, de l’Egypte ou du Soudan. Il a été introduit chez nous depuis une dizaine d’années », déclare Issa Ahmed, qui tient un point de vente aux alentours du campus universitaire de Dang. Selon Issa Ahmed, le tramol a plusieurs vertus: il est à la fois un apéritif et un digestif. « J’en consomme depuis un an et je dépense tout mon argent de poche, en moyenne 1000 francs CFA par jour. Le tramol me donne tellement de l’appétit et du plaisir ; il m'arrive même de bien composer et passer mon examen », affirme un de ses clients, Ali Ibrahim, un élève en classe de Première.

 

Pour une autre catégorie de consommateurs, cette drogue est un antidote au souci. « Nous le préférons à la cigarette manufacturée, parce qu’il permet d’oublier les soucis à longueur de la journée », soutient Laou Djim en avalant avec une gorgée d’eau. « Le tramol rend ivre en un temps record », renchérit un de ses compagnons. « Certains consommateurs mettent du whisky frelaté dans l’eau, d’autres des comprimés », explique Issa Ahmed. Produit pharmaceutique interdit, qui rend ivre très vite et qui est à la base de beaucoup d’accidents de la circulation dans lesquels sont impliqués les conducteurs de mototaxis.

 

Derrière la gare voyageur, non loin des chemins de fer de l'Adamaoua plus précisément au quartier Gadamabanga, un espace a été aménagé  pour accueillir les conducteurs de taxi  riverains. « Cet endroit est très réputé en ce qui concerne les agressions, toute personne qui se retrouve dans ce secteur par hasard à une heure tardive est une proie des agresseurs généralement drogués ». Certains y passent tout leur temps, avec leurs uniformes de travail, déplore Hélène Dobou qui habite à une vingtaine de mètres de là. Dans cette partie septentrionale, « l’ouverture et l’exploitation d'une entreprise de vente du tramol et la consommation sous toutes les formes sont interdites  par les autorités en place. Quiconque encourage les vendeurs de cette drogue  de manière ostensible à consommer ce produit  ou à violer l’interdiction est puni d’un emprisonnement ferme.

 

Les forces de l'ordre ne restent pas passives face à la prolifération des vendeurs de tramol. Les autorités communales semblent même fustiger ce phénomène, malgré la  perception  des taxes sur les exploitants de tramol par certains agents communaux. « Je suis en règle avec les autorités car, je paie à la commune ses 3.000 francs par mois », se défend Dogo Martin en brandissant les reçus de paiement. Le jeune homme, titulaire d’une Licence en Droit, s’en frotte les mains. Pour lui, la commercialisation de ce produit est un business qui permet de réaliser des profits au même titre que les autres affaires. « Dans mon panier, le tramol se vend entre 450 et 500 francs CFA le paquet. Il y a des jours où je reçois une dizaine de consommateurs pour le paquet, ce qui me permet de tenir face à la cherté de vie », confie-t-il.

 

Cette consommation effrénée du tramol n’est pas sans conséquent sur la santé de ces jeunes conducteurs de motos taxis et délinquants. « L’usage d’un même aspirateur qui passe d’une bouche à une autre, peut être à la base de contamination de certaines maladies du genre tuberculose ou hépatite », explique Assane Oumar, surveillant général du service de la pneumologie d'un centre de santé de la place. « Nous avons recensés 100  cas de tuberculose en 2018  et plus de la moitié des cas sont liés à la consommation de tabac et du tramol  », ajoute- t-il. A force de consommer presque quotidiennement du tramol depuis six mois, le jeune Ali Ibrahim affirme ressentir des douleurs au niveau du thorax. Mais il n’est pas prêt d’abandonner, « même si ça pourrait le tuer ».

 Félix Swaboka

Published in Société






Sunday, 05 June 2022 11:01