Les économies des pays de l'Afrique noire pour la quasi totalité sont des économies extraverties. Les africains en général produisent des biens d'exportation et importent ce sont leurs populations ont besoin pour leurs consommations quotidiennes. Et le Cameroun ne fait pas exception. Comme le Cameroun, la côte d'Ivoire commet la même erreur stratégique voici des décennies.
Dans une de ses publications, l'intellectuel camerounais Wilfried Ekanga donné de savoir que "la Côte d'Ivoire se targue ainsi d'être le premier producteur mondial de « l'or brun » dont elle n'a pas vraiment besoin, alors que pour se nourrir, elle importe sa nourriture, allant même jusqu'à importer du poisson pour 350 millions €, malgré une ouverture sur l’Atlantique".
Une situation qui est tout simplement incompréhensible. Et pourtant cette logique n'a jamais conduis les puissances qui dirigent l'économie mondiale.
"La Russie est le premier exportateur mondial de blé. Pourtant, le premier producteur en est la Chine. Cela paraît illogique à première vue, mais la réponse est toute simple: la Chine CONSOMME d'abord son blé pour elle-même, avant de le vendre à quelqu'un d'autre. Elle n'en vend que le surplus. C'est le même scénario pour sa banane.
Les cinq principaux producteurs sont la Chine, l'Inde, la Russie, les USA, et la France. Ces pays ont en commun le fait qu'ils s'assurent de nourrir d'abord leurs citoyens avant de vendre. Ainsi, la France qui récolte 30 à 40 000 000 tonnes de blé par an, n'en exporte que la moitié (15 à 20 000 000 tonnes). Ce qui ne l'empêche pas d'enregistrer des bénéfices colossaux. En 2014, elle affichait une plus-value d'environ 3,5 milliards €.
L'office agricole <FranceAgriMer> précisait alors à raison : « C’est le troisième poste excédentaire de notre commerce extérieur après l’aéronautique et les boissons. »
Que fait l'Afrique et le Cameroun dans tout ça ?
Ils préfèrent que le FMI et la Banque Mondiale, en bons parents, viennent leur dire ce qu'ils doivent cultiver, même si ce n'est pas ce qu'ils mangent.
Une nouvelle tendance consiste à faire croire aux Africains qu'ils ont maintenant des usines de finalisation locale. C'est ainsi que, depuis 2015, la Côte d'Ivoire s'est dotée d'ateliers flambant neufs, pour la « transformation » de son cacao. Comme le précisait le ministre des mines et de l'industrie Jean-Claude Brou, le pays ne transforme alors que 33% de son or brun.
Vu qu'il représente 15 % du PIB ivoirien, fabriquer le chocolat sur place permettrait d'augmenter la croissance économique du pays. Le Président Alassane D. Ouattara ayant laissé entendre que l'objectif est de passer à 50% de transformation locale en 2020.
Une bonne initiative alors?
Quand on n'est pas naïf, on observe deux gros paradoxes :
1- la consommation du chocolat n'est pas encore autant ancrée dans les mœurs africaines qu'en Occident. Ce n'est donc pas pour rien que les usines de chocolat se situent près des grands ports (San Pedro, Abidjan), comme le reconnaît le journal <LeMonde>, dans une tribune du 7 octobre 2016.
En d'autres termes, ce chocolat « ivoirien » est prioritairement destiné à l'exportation vers l'Occident. Les opérateurs de ces entreprises qui en sont bien conscients, ne sont pas venus habituer les ivoiriens au chocolat. Ils sont juste venus produire à bas prix, afin d'augmenter les gains. Le prix de vente étant bien supérieur au coût de production, en plus du faible salaire à payer aux employés locaux. C'est aussi simple que ça.
2- L’identité même de ces opérateurs confirme cette analyse, vu que la nouvelle usine flamboyante de Côte d'Ivoire n'est pas l'œuvre des Ivoiriens. C'est le groupe Cemoi, numéro un français de la chocolaterie basé à Grenoble, qui tient les rênes de cette nouvelle entreprise pseudo-ivoirienne.
Ainsi, les Africains, en plus d'aller au champ pour nourrir les autres, ne sont même pas les chefs des entreprises basées chez eux. La médiocrité de Paul Biya et de ses homologues explique l’absence de centres de recherche sophistiqués afin de développer la technologie permettant de transformer nos produits chez nous et d'en être les propres patrons.
Les leçons à tirer.
Pour continuer à s'enrichir, les grandes puissances encouragent l'Afrique à demeurer un réservoir éternel de matières premières sans technologie, aidés des complices que nous appelons « Présidents ».
C'est aussi ici qu'intervient le piège du FrancCFA. Ce papier est une monnaie très forte, qui donne à l'Africain naïf l'illusion d'être riche, puisqu'en comparaison des pays dits anglophones, il achète moins cher. Seulement, il ne voit pas qu'une monnaie forte détruit le sens de l'initiative et encourage l'improductivité pour des pays encore sous-industrialisés. Si vous avez une monnaie forte, vous aurez du mal à vendre ce que vous fabriquez.
Les dirigeants d'Afrique choisissent donc de ne rien fabriquer et de dépendre des ventes de matières premières. Du très grand art.
Or, quand vous n'êtes pas autosuffisant, vous n'êtes pas indépendant. L'importation de la nourriture était l'ennemi juré de Thomas Sankara, qui récusait fermement l'aide internationale. Et en moins de 4 ans, en se prenant en mains, le Burkina amorçait une voie royale vers la prospérité. Que serait-il advenu du Faso sans cette tragédie du 15 octobre 1987? La réponse est comme le nez au milieu de la figure."
Une démonstration du chercheur camerounais qui prouve à suffisance que les africains ont plus intérêt aujourd'hui à se prendre en main et redéfinir les grands axes de son développement. Tout commence par l'autosuffisance alimentaire. Il faut produire ce qui va nourrir directement la population. Véritable rampe de lancement pour amorcer une dynamique de croissance efficace et durable. De celà dépend la survie du continent.
Stéphane Nzesseu