C’est dans un ton mesuré et de conscientisation, que l’homme que la cour constitutionnelle a déclaré 3ème à l’issue de l’élection présidentielle d’Octobre 2018 a tenu à s’adresser à ses concitoyens
« Au moment où s'achève l'année 2019, le citoyen et l'homme politique que je suis, est traversé par un double sentiment.
Partagé entre profonde frustration et espoir. Sans doute la frustration, nous sommes nombreux à l’avoir en partage. Mais nous sommes aussi camerounais, des références mondiales du fighting spirit.
Rendu au mois de décembre 2019, tous nos indicateurs sont inquiétants ou en voie de l'être.
Sur le plan socio-économique, le Cameroun a enregistré cette année une croissance de 4,3%, positive certes, mais bien trop faible en comparaison aux pays de même catégorie et de même potentiel, tels la Côte d'Ivoire dont le taux de croissance culmine à 8%.
Et pendant que la croissance piétine, la pauvreté évolue à une vitesse éclair. En effet, depuis 2007, le taux de pauvreté a progressé de plus de 12% et le pays compte aujourd'hui plus de 8,2 millions de pauvres dont 56% résident dans la partie septentrionale.
L'inflation a fait un grand bond pour se situer a 2% alors qu'elle était de 1,1% en 2018. Cela est notamment dû à une fiscalité prédatrice sur les produits de grande consommation qui a considérablement rogné le pouvoir d'achat des ménages camerounais, déjà dans un état critique depuis plusieurs années. Même si le taux de chômage a encore tourné cette année autour de 17%, certaines études montrent que l'ampleur du sous-emploi chez les jeunes est d'environ 70%.
Tout au long de cette année le pays a enregistré des événements qui ont contribué à plomber sa fragile économie. Le fameux "glissement" de la CAN, probablement en raison de la mal gouvernance endémique, qui a compromis cette opportunité pour le pays, de bénéficier du boom des recettes du tourisme.
Sans compter ces chantiers pharaoniques non achevés, alors que l’endettement ne cesse de prendre de la hauteur.
Que dire de l'incendie toujours non élucidé de la Sonara, l'unique raffinerie qui a poussé le pays à importer davantage de produits pétroliers. Cette situation contribue à aggraver la balance commerciale qui était déjà déficitaire, avant cet incident majeur, de 313 milliards de FCFA, soit 8,3% du PIB. Et les jours qui viennent n'augurent pas de perspectives rassurantes dans ce domaine.
La situation des Régions de l'extrême Nord, du Sud Ouest et du Nord Ouest, a poussé le Gouvernement à les déclarer "zones économiquement sinistrées", entraînant ainsi des perspectives de recettes fiscales quasi nulles pour de longues années.
Les autres domaines de la vie de la nation tels que la culture et le sport sont quasiment à l'agonie.
A l'exemple de la débâcle de notre équipe nationale de football à la CAN en Égypte. S’il y a lieu de féliciter avec emphase les lionnes du volley-ball et les U17 au football qui ont remporté des victoires africaines, il demeure que le Cameroun s'est fait remarquer négativement en occupant des places peu envieuses dans des classements internationaux tel que l'Indice de Perception de la corruption où il occupe la 152ème place sur 180, ou le classement Doing Business où le pays est classé 166ème en 2019 ayant ainsi reculé de 3 places par rapport à 2018.
Sur le plan politique, une crise post-électorale de forte amplitude a secoué le Cameroun, sans qu’on en ait tiré toutes les leçons.
Le retentissant appel à l’assainissement du Code électoral, a été royalement ignoré.
Sur le plan social, l’eau potable, les soins de santé, le logement décent, l’énergie électrique, demeurent du luxe pour nombreux d’entre vous.
Mes chers compatriotes, si on ne s'était limité qu'à de telles difficultés conjoncturelles, nous aurions, grâce à notre exceptionnelle résilience, continué d'espérer, même sans trop y croire, à des jours meilleurs.
Mais la plus grande douleur et crainte de chaque camerounais comme vous et moi c’est surtout la fracture sociale et du vivre ensemble dans laquelle notre pays se dirige comme une voiture sans chauffeur lancée à vive allure.
L'élite par ses scandales teintés de clientélisme et d'égocentrisme vit désormais déconnectée des besoins et des réalités du bas peuple, qui négligé et méprisé, bout de colère.
Il ne se passe plus une seule semaine sans que ne soit révélés des scandales de dépenses somptuaires, de népotisme, de corruption, lors de la passation des marchés publics, dans l'admission à de grandes écoles ou l'acquisition des biens publics.
Baignant dans une atmosphère de faible redevabilité sociale et d'impunité entretenue derrière une parure d’arrestations spectaculaires, ces élites semblent hors d'atteinte des sanctions de la justice et des citoyens.
Ces derniers, impuissants ou naïfs se retournent contre leurs propres concitoyens en cherchant maladroitement des boucs émissaires à leurs souffrances.
Ainsi endoctrinés principalement par les entrepreneurs de haine et même des intellectuels respectables, les camerounais ont créé des néologismes tels que tontinards, sardinards ou perverti des concepts tels que autochtones ou allogènes. Consacrant ainsi le schisme entre les multiples communautés du Cameroun qui ont toujours vécu en paix et en harmonie.
A ceux-la, je dis fermement : Vous vous trompez d'adversaires et de combat ! L'unique adversaire qui nous opprime depuis 37 ans c'est le système néocolonial, oligarchique multi tribal. C'est ce système qu'il faut dessoucher.
Mes chers compatriotes,
Malgré cette période sombre que traverse notre pays, nous avons des raisons de garder la foi !
Car, quand nous voulons, nous pouvons. Impossible n’est pas camerounais. Je le crois.
Et la lueur d'espoir vient de la politique. En effet, alors que pendant plus de 20 ans, les camerounais se tenaient à l'écart de la chose politique, tout à changé depuis 2017. Et ce changement s'est amplifié en 2019. Les camerounais, surtout les plus jeunes investissent de plus en plus massivement le champ politique avec chacun ses opinions, ses choix, ses perceptions et ses stratégies.
C'est l'occasion pour moi de redire à mes camarades du Mouvement 11 Millions de Citoyens et du Parti Camerounais Réconciliation Nationale, de rester exemplaires en tout temps et en tout lieu.
J'ai personnellement horreur des bassesses politiques et des attaques puériles et futiles contre des adversaires politiques. Soyez combatifs et fermes sur le plan des idées, mais restez exemplaires et mesurés dans votre attitude.
D'ailleurs, dans quelques jours va s'ouvrir la campagne électorale pour les élections législatives et municipales du 9 février 2020. Je vous recommande de rester concentrés sur vos objectifs, vos programmes et projets de société législatifs et communaux.
Briller par la pertinence et rassurer par la sagesse : tel est notre crédo. Ne deviez ni à gauche, ni à droite! Vous êtes le plus grand motif de satisfaction de ma modeste existence. En semant la graine de notre dynamique en 2017, je n'avais pas idée du nombre de mes compatriotes jeunes et même moins jeunes qui reprendraient à leur compte, la lutte pour l'émancipation politique des citoyens camerounais.
C'est l'occasion pour moi de vous dire que le fait de participer à ces élections est notre première victoire.
Nonobstant les entraves honteuses érigées par nos oppresseurs que nous devons braver avec courage et fermeté, nous y allons pour éduquer les populations à prendre leur destin entre leurs mains, car seule la politique et non la guerre et la violence, doit être le seul moyen d'expression des peuples dans un monde civilisé.
Je suis donc ému chaque jour de voir des nouvelles figures disséminées à travers le pays se battre pour constituer un dossier de candidature, constituer des listes, nouer et dénouer des alliances politiques, se battre pour le contentieux pré-électoral, élaborer des projets de société, parcourir quartiers, villes et villages pour l’expliquer, élaborer des stratégies de campagne et bientôt voter, surveiller les votes, etc...
Chers compatriotes,
L’heure est venue. C’est maintenant ou jamais. C'est le temps de la Victoire de la nouvelle génération sur la classe passéiste qui décline inexorablement. Faites confiance aux candidats du PCRN. Dans les communes nous apporterons la démonstration de l’allègement de la souffrance, de la capacité de construire et d’innover avec transparence, compétence et éthique, par la gouvernance locale.
Au Parlement, nous exercerons comme jamais auparavant, la fonction de contrôle de l’exécutif, nous impulserons des propositions de lois, pour rendre notre économie attractive et efficiente, pour réviser et lever le secret sur nos accords de coopération, pour relever notre système éducatif, mettre un terme au chômage massif et à la clochardisation des hauts diplômés, construire un budget d’investissement dans l’agro-industrie et les infrastructures. Un jour nouveau se lèvera le 9 février 2020. Je vous y engage chers compatriotes.
Aux candidats qui portent l’alternative, si les conditions électorales sont satisfaisantes, respectez le choix des urnes, tout en espérant et j'en suis convaincu que vous gagnerez.
Pour y arriver, travaillez sans relâche à convaincre autour de vous que vous avez le meilleur projet de société, ne prêtez surtout pas le flanc aux sirènes du découragement et des intrigues.
La fraude électorale sera probablement votre pire adversaire.
En attendant que nous remportions le combat de la révision du code électoral, prenez toutes les précautions avant, pendant et après le vote pour réduire ce phénomène à sa plus simple expression.
Cela est possible.
Quant aux camarades du PCRN dont les listes ont été rejetées par des manœuvres injustes, ne perdez point courage. Nous mèneront le combat judiciaire tant qu’il sera possible jusqu’à ce que justice soit dite.
2020 sera une année de challenge et de révélations. Le visage politique du pays sera complètement transformé et faites tout pour faire partie de l'histoire qui s'écrit sous nos yeux.
Mes chers compatriotes,
J’ai une pensée pour nos frères et sœurs de l'extrême Nord qui continuent de subir la guerre quasi oubliée contre l'horrible secte islamiste boko haram. Je leur dis que la république et les camerounais continuent d'être avec eux. Quelque soit le temps que cela prendra, nous vaincrons le terrorisme et les populations pourront reprendre le cours normal de leur vie.
À nos frères et sœurs des Régions du Nord Ouest et du Sud Ouest, nous réaffirmons notre attachement fraternel.
Aux forces de défense qui à contrecœur doivent affronter leurs propres compatriotes, nous exprimons nos encouragements et l’appel à la lucidité.
Nous pensons que les dysfonctionnements politiques et administratifs et les inégalités sociales à l'origine de la crise qui essaime la mort, peuvent être réparés par la voie du dialogue et de la politique aussi.
Lors du dernier GDN, nous avons longuement discuté et fait des propositions qui commencent à être mises en application.
Le Code de la Décentralisation, s’il a consacré de théoriques avancées sur certains points, nous a laissé sur notre faim sur bien d’autres points.
Notamment le statut spécial. Tout cela peut être corrigé dès la session parlementaire de mars 2020. S'il faut repasser par le dialogue sans exclusions, j'en suis personnellement disposé. En attendant une solution durable qu’offrirait le fédéralisme communautaire, je demande à ceux qui n’auraient jamais dû porter des armes, un cessez-le-feu pour donner une chance à la paix.
Trop de sang à coulé. Je sais personnellement que certains se battent légitimement pour la justice sociale et le progrès.
Discutons! Discutons de tout ! Ces grandes nations que nous admirons, ont été construites parfois dans le sang certes, mais surtout dans la patience.
Une patience tantôt millénaire dans le cas d’Israël, tantôt multiséculaire notamment en occident. Le Cameroun nous a précédé et doit-nous survivre bonifié par notre passage.
Si la paix revient, si nous changeons le système qui est à bout de souffle depuis tant d'années, nous pouvons construire ensemble un Cameroun qui protège et qui libère les énergies !
Il ne me reste plus chers compatriotes, qu’à adresser à chacun d’entre vous, mes voeux de succès, de santé, de prospérité sous la protection de Dieu.
Que ce Dieu nous accorde Sa Grâce, qu’Il bénisse le Cameroun.
Bonne et heureuse année… ».
N.R.M