Dans ce deuxième extrait, le président du Pcrn tente d’apporter plus d’épaisseur à son message en démontrant d’une autre approche de l’intégration nationale, qui n’est pas la négation des différences, encore moins l’effacement des identités, mais plutôt l’ « Organisation harmonieuse de celles-ci»
La solution camerounaise est l’autonomie des communautés. C’est la solution la plus pratique dans l’optique de préservation de notre identité. Des études anthropologiques pertinentes menées notamment par le Pr Paul Abouna, anthropologue, démontrent une telle prégnance de la communauté au point où, ces études proposent la constitutionnalisation de l’ethnocratie.
Nous n’épousons pas cette finalité. Mais nous partageons le refus de négation d’une réalité qui « crève les yeux », pour là normaliser institutionnellement. L’intégration nationale n’est pas la négation des différences, ce n’est pas non plus l’effacement des identités, mais l’organisation harmonieuse de celles-ci.
Car la politique de l’autruche pratiquée sur cette question laisse couver sous des oripeaux républicains, des manœuvres insidieuses de repli que la ruse et le soupçon trahissent. Aborder la question de la forme de l’Etat, c’est aussi évoquer la question plus profonde de la gestion du pouvoir entre les peuples.
C’est pour cela que, partant du constat que le découpage des communes et des départements a été gouverné par une relative prise en compte des communautés, nous proposons qu’on s’en serve comme point de départ. La première chose à faire au Cameroun, est l’élimination des dix (10) Régions artificielles consacrées par la constitution.
Il est très pénible voire impossible d’en déterminer la pertinence en dehors du seul objectif d’une compartimentation à des fins politiciennes. En revanche, le découpage des Communes et Arrondissements, puis des Départements, suit une logique identitaire et anthropologique.
D’ailleurs les dénominations en témoignent aisément. Tout porte à croire que les Régions ont été instituées pour masquer cette implacable réalité. Mais à quelle fin ?
La « ruse constitutionnelle » a même entaché les élections dites régionales, qui ne sont rien d’autre que des élections départementales, puisque la circonscription électorale est le Département. Pourquoi la Collectivité Territoriale appelée Région n’a d’existence que par les délégués départementaux qui y siègent ? N’est-il pas judicieux de laisser chaque Département s’auto-gérer ?
La réforme consiste donc à transformer tous les Départements en régions. Puis à procéder à un redécoupage des Régions qui va fondre plusieurs départements historiquement, sociologiquement et anthropologiquement affinitaires, en une seule.
Une simulation autour de la ville de Yaoundé pourrait donner lieu à la Région de Yaoundé qui serait alors constitutive des Départements (actuels) du Mfoundi, de la Mefou-Akono, de la Mefou-Afamba, du Nyong et So’o et du Nyong et Mfoumou.
Au bout de l’exercice, le Cameroun devrait compter un maximum de trente Régions. Cette réforme qui s’apparente aux modèles français et espagnols, présente le principal avantage de gommer progressivement le clivage francophone-anglophone dans le découpage, en faveur de la communauté qui est l’essence ineffaçable de la société camerounaise.
Cette réforme trace mieux les contours du chantier d’intégration nationale qu’elle déclenche immédiatement. Car une fois les communautés prises en compte sans complexe, c’est-à-dire dépouillées des oripeaux hypocrites de la région-point cardinal (centre, sud, nord etc.), il faut entreprendre d’enseigner à tous les camerounais à l’école et par d’autres moyens pédagogiques, l’étendue désormais palpable et dénudée de leur identité plurielle.
Pour éviter le repli identitaire, l’Etat doit assumer la pluralité identitaire, et éduquer les citoyens à se connaitre et à s’assumer fraternellement dans leur diversité. Le déni de la communauté et celui de l’attachement à celle-ci sont inutiles. Si la communauté est devenue un sujet de droit en matière foncière par exemple, c’est parce qu’elle est incontournable.
Le camerounais, c’est son village, sa terre, sa communauté. Nul ne peut contester que le rayonnement économique et culturel si enviable de la communauté Bamiléké par exemple, soit en partie tributaire de ce que sur les huit (08) Départements que compte la Région dite de l’Ouest, sept (07) sont en effet, Bamiléké.
Les quelques disparités d’ordre linguistique n’entament en rien la solidité des liens que les pratiques et coutumes ancestrales largement et fondamentalement partagées, ont sédimentées de générations en générations. Tous les peuplements camerounais aussi mobiles ou nomades qu’ils soient, ont une « base-arrière ».
Un point de retour. Prétendre que tout camerounais est « chez lui » où qu’il se trouve, est prématuré en l’état actuel des choses. C’est pour cela que la « forçage » étatique n’empêche en rien l’exacerbation des clivages ethniques. Il y a un apparent paradoxe entre le discours « politiquement correct » et les comportements effectifs des acteurs.
Très peu sont véritablement portés vers l’altruisme communautaire. Ce n’est pas de leur faute. L’Etat a failli ! Lorsque le chantier d’intégration nationale véritable aura été entamé, l’affirmation « être chez soi partout » commencera à avoir du sens, même si elle conservera toujours un aspect fondamentalement chimérique lié au fait que la communauté à laquelle on appartient, même dans l’hypothèse des mixités, demeure régie par un lignage patriarcal ou matriarcal qui conduit à un espace physique.
Être intégré, c’est être accepté. Et pour être accepté, il faut donner des gages de volonté de l’être à ceux qui doivent vous accepter. C’est ce qui se passe avec les multiples « tests » lors du mariage traditionnel dans plusieurs communautés. Il a été naïf de penser que la seule proclamation de l’Etat et le façonnement certes habile, des « masques régionaux », allaient « brûler cette étape ».
Si les camerounais avaient écrit par eux-mêmes et dans la sérénité, un contrat social à l’aube des indépendances, cette réalité n’aurait pas été ignorée ».
N.R.M