Présenté par les médias72 heures avant sa publication officielle, le rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, détaille très concrètement la méthode, le planning et les œuvres concernées par la restitution.
Les résultats des études menées par l’historienne d’art Bénédicte Savoy et l’intellectuel sénégalais par Bénédicte Savoy est un texte de 232 pages étaient attendues vendredi prochain mais, la presse française en parle déjà. L’hebdomadaire le Point annonce un explosif. Pour le quotidien libération, l’heure est au retour des œuvres spoliées, alors que le Monde Afrique fait une analyse du défi historique de cette restitution.
L’on se souvient que le Chef de l’Etat français a fait la promesse de mener cette action, c’était devant les étudiants du Burkina Faso et de son homologue Roch Marc Christiaan Kaboré : « Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Ils ont nombreux qui n’y ont pas cru, notamment les experts et les galeristes de Paris.
Et pourtant, en mars 2018, le projet avait déjà pris corps. Pendant la visite de Patrice Talon en France, Emmanuel Macron a saisi l’occasion pour annoncer la création d’une mission de réflexion et de consultation pour la restitution du patrimoine culturel africain à l’Afrique, et que celle-ci rendra un rapport officiel. Si ce dernier ne répond pas à toutes les questions que pose la restitution, il dessine assez précisément les contours d’un retour au pays des œuvres spoliées. Revue de détails.
Les Objets concernés
Dans leurs recommandations, les auteurs du rapport préconisent la restitution rapide des objets prélevés en Afrique par la force ou présumés acquis dans des conditions inéquitables. Rentrent dans cette définition les objets saisis lors d’affrontements militaires, ceux acquis par des personnels militaires ou administratifs actifs sur le continent pendant la période coloniale (1885-1960) ou par leurs descendants. Il en est de même pour les pièces récupérées pendant les missions scientifiques antérieures à 1960. Les objets oubliés, c’est-à-dire qui avaient été prêtés par des institutions africaines à certains musées pour des expositions ou des campagnes de restauration mais n’ont jamais été rendus – sont aussi concernés.
A quel moment seront – ils restitués ?
Bénédicte Savoy et Felwine Sarr proposent de restituer en trois étapes le patrimoine culturel africain présent sur le sol français.
La première, qui s’étend de novembre 2018 à novembre 2019, permettra de remettre aux États africains concernés des inventaires d’œuvres issues de leur territoire (selon les frontières actuelles) et conservées actuellement dans les collections publiques françaises.
Une deuxième, du printemps 2019 à novembre 2022, et qui se découpe en quatre volets distincts, doit conduire à la mise en ligne en libre accès, ou à la restitution bien ordonnée, d’ici cinq ans, du matériel iconographique, cinématographique et sonore concernant les sociétés africaines.
Enfin la troisième et dernière étape commencera à partir de novembre 2022. Pour les auteurs, le processus de restitution ne doit pas être limité dans le temps. Il faut éviter de donner l’impression que la fenêtre historique qui s’est ouverte lors du discours de Ouagadougou risque de se refermer très vite.
Juridiquement, comment cette restitution sera-t-elle possible ?
Aujourd’hui, ces biens, inaliénables, ne peuvent légalement quitter les collections françaises. Les auteurs proposent donc d’amender le code du patrimoine qui protège les collections des musées français. Ils recommandent d’ajouter un nouvel article, en ces termes, au texte existant : « Un accord bilatéral de coopération culturelle conclu entre l’État français et un État africain peut prévoir la restitution de biens culturels, et notamment d’objets des collections de musées, transférés hors de leur territoire d’origine pendant la période coloniale française ».
Quel est le coût ?
Le retour des œuvres nécessite en tout état de cause un budget dédié aux frais de transport et d’assurance, relève le rapport. Les auteurs proposent des pistes de financement tant du côté européen qu’africain. Ils évoquent un montage financier possible avec l’Agence française de développement (AFD) et le fonds européen découlant du partenariat Union européenne/Union africaine.
Mais aucune information n’est dévoilée sur le budget de ce projet. « Il ne faut pas passer sous silence le coût de gestion des commissions bilatérales d’experts qui devra être pris en compte », notent-ils.
À qui restituer ces objets ?
C’est l’autre grande crainte des détracteurs. Avant d’envisager tout retour, certains spécialistes des arts africains, comme le galeriste Bernard Dulon, préconisent la création de structures pérennes où conserver les œuvres.
Savoy et Sarr tiennent à les rassurer : « Les procédures de restitution seront engagées dans une relation d’État à État. » Les biens de l’État seraient donc rendus à l’État demandeur. Si les objets ne sont pas conservés dans les collections publiques, à charge pour ce dernier de le rendre à sa communauté ou propriétaire initial.
Le pays d’origine sera seule habilité à présenter une demande de restitution. La requête sera ensuite soumise à l’État français, et à lui seul. « Ce qui n’empêche pas en amont des coopérations directes entre musées et universités », nuance le texte.
Nicole Ricci Minyem