Une conclusion à laquelle est parvenue Amnesty International qui, dans un rapport publié ce lundi, laisse entendre que c’est la principale caractéristique de ce secteur dont le caractère lucratif ne fait l’ombre d’aucun doute.
Dans son document, l’ONG précise que les marchands d’armes sont pourtant astreints de veiller au bon usage de leurs produits, conformément aux accords de l’ONU et de l’OCDE relatifs à l’usage des armes vendues.
Malheureusement, ils profitent des violences dans le monde, pour écouler leurs marchandises de la mort : « Chaque année, les entreprises fournissent d’importants volumes d’équipement militaire aux régions les plus violentes et les plus instables du monde. Cet équipement est souvent utilisé de façon illégale dans des conflits marqués par de sérieuses violations des droits humains et du droit humanitaire ».
En menant leur enquête, les membres d’Amnesty International ont interrogé une vingtaine d’entreprises spécialisées dans la vente des armes. Des fabricants chinois, américains, européens, russes, brésiliens, mais aussi israéliens. But de la manœuvre ? Chercher à savoir ce que font ces marchands d’armes pour éviter que leurs produits ne se retrouvent entre des mains mal intentionnées.
Une enquête qui fait suite au rapport publié en début de mois, par les Nations Unies qui mentionnait le caractère « discutable » de la légalité même de ces livraisons d’armes.
A ce jour, affirme l’ONG, seules huit ont répondu à l’appel : Leonardo, Rolls-Royce, Thales, Lockheed Martin, Airbus, BAE Systems, Raytheon et enfin, Saab. Toutes proposent leurs produits dans la sanglante guerre du Yémen, pour ne citer que celle-là.
Elles prétendent en outre observer un chapelet de codes de conduite doublé d’engagements éthiques en menant leur business : - Airbus mènera toujours ses affaires de manière éthique - Leonardo soutient les droits de l’homme Lockheed Martin cherche en permanence à améliorer les standards et les contrôles pour une conduite commerciale éthique - Raytheon a un engagement fort et un grand respect pour les droits de l’homme…
Des propos qui ne convainquent pas
Tel que le mentionne cet extrait du rapport d’Amnesty International : « Aucune entreprise n’a mis en place de politiques sérieuses ou de procédures spécifiques lorsque, par exemple, leur commerce implique les parties d’un conflit ou des gouvernements confrontés à des bouleversements politiques. Aucune entreprise n’a pu citer de cas concrets dans lesquels des mesures ont été prises ou des livraisons et services suspendus ».
Une position que vient corroborer par exemple cette illustration de Roger Carr, le président de BAE Systems, qui parlent de marchands de la mort : « Nous allons stopper la vente de nos armes lorsque le gouvernement britannique nous dira de stopper ».
Un doigt pointé sur les Etats
A ce titre, un spécialiste de l‘éthique français interrogé par nos confrères de RFI, ayant requis l’anonymat déclare que : « Ce n’est pas aux entreprises de l’armement d’aller s’occuper de la guerre et de la paix, de l’Éducation et de la pauvreté. C’est aux Etats de s’occuper de ça. La position est simple : fermez-là. Si l’Etat a décidé de vendre, on ne va pas dire non. L’entreprise vend là où on lui dit de le faire… ».
Collusion entre les Etats et les marchands d’armes
« Bien qu’elles soient des entités distinctes, les grands industriels de l’armement maintiennent des relations très fortes avec les Etats dans lesquels elles ont leurs sièges sociaux, qui sont généralement leurs principaux clients... ».
Quelles sont les alternatives ?
Amnesty International demande aux industriels de l’armement de s’inspirer de l’exemple de certains géants de l’industrie pharmaceutique. Ces derniers refusent de vendre leurs médicaments à certains Etats en cas de doute. En effet, des pays tels que la Chine, la Thaïlande, les Etats-Unis et le Viêtnam font usage de médicaments afin d’exécuter des condamnés à mort. Ce qui n’est pas du goût de certains ténors de l’industrie pharmaceutique, qui refusent de participer aux exécutions en bloquant la vente de certains de leurs produits.
Toutefois, les fabricants et marchands d’armes peuvent t- ils se plier à cette politique ? Rien n’est moins sûr, au regard des enjeux financiers et de l’ampleur de la demande étroitement liée au nombre croissant des conflits dans le monde.
Nicole Ricci Minyem