Le procès du leader séparatiste anglophone du Cameroun, Julius Sisiku Ayuk Tabe, accusé notamment de «terrorisme» et de «sécession», a débuté le jeudi 6 décembre 2018 au tribunal militaire de Yaoundé avant d'être renvoyé au 10 janvier.
Président autoproclamé de l'Ambazonie, nom de l'Etat indépendant que les séparatistes veulent créer dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, M. Tabe a comparu pour la première fois depuis son arrestation au Nigeria et son extradition au Cameroun en janvier avec 46 autres personnes.
Onze chefs d’accusation ont été retenus contre eux. Ce sont: l’apologie des actes de terrorisme, sécession, complicité d’actes de terrorisme, financement des actes de terrorisme, révolution, insurrection, hostilité contre la patrie, bande armée, propagation de fausses nouvelles, atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, défaut de Carte nationale d’identité.
Julius Ayuk Tabe et les neuf autres personnes (Nfor Ngala Nfor, Tassang Wilfried Fombang, Henry Kimeng, Cornelius Njikimbi Kwanga, Fidelis Che, Che Augustine Awasum, Egbe Ogork, Eyambe Elias et Shufai Blaise Sevidzem), sont jugés sur la base des articles 2, 3, 5, 8 de la loi du 23 décembre 2014 portant répression des actes terroriste. Laquelle fixe des condamnations minimales de dix ans de prison en cas de condamnation.
Après des heures d'échanges, la présidente du tribunal militaire, colonel Abega Mbazoa, a renvoyé le procès au 10 janvier, à la demande des avocats des accusés qui ont sollicité du temps pour prendre connaissance du dossier. Le parquet entend présenter 70 témoins à charge. Plus de 80 avocats anglophones et francophones assurent la défense des accusés.
La justice camerounaise avait déjà rejeté mi-novembre en appel la demande de libération du leader séparatiste anglophone Sisiku Julius Ayuk Tabe qui n'était jusque-là pas passé en jugement. M. Ayuk Tabe et la plupart des 46 autres militants anglophones arrêtés au Nigeria constituaient la branche politique du mouvement séparatiste camerounais, prônant la négociation avec Yaoundé pour arriver à leurs fins.
Depuis la fin 2017, des dizaines de séparatistes ont pris les armes dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des affrontements entre soldats déployés en nombre et ces séparatistes, regroupés en groupes épars dans la forêt équatoriale, s'y produisent depuis quasiment tous les jours.
Selon des sources concordantes, aux séparatistes se sont ajoutées des bandes armées de bandits et de pillards qui rackettent les populations et les entreprises. Plus de 200 membres des forces de défense et sécurité camerounaises ont perdu la vie dans ce conflit ainsi que plus de 500 civils, selon le think-tank International Crisis Group (ICG).
Les États-Unis se disent fortement préoccupés par la crise anglophone au Cameroun. Selon le secrétaire d'État américain adjoint aux Affaires africaines, Tibor Nagy, il faut que le gouvernement «ouvre le dialogue».
«La crise en zone anglophone s’accentue de jour en jour», affirme le secrétaire d’État américain adjoint aux Affaires africaines, dont les propos sont relayés par RFI ce jeudi. «Si aucune solution n’est trouvée rapidement, ajoute Tibor Nagy, nous craignons une radicalisation dans les zones anglophones qui pourrait accroître le soutien dont bénéficient les extrémistes».
Il faut que le gouvernement ouvre le dialogue réitère Tibor Nagy. «Les États-Unis appellent au dialogue entre les deux partis, afin de trouver un compromis, comme par exemple une certaine forme de décentralisation dans les zones anglophones. La Constitution du pays prévoit une certaine forme de décentralisation et un peu plus de contrôle local pour chacune de ses régions. Mais cette Constitution n’est pas entièrement mise en application. Je suis très inquiet, et je crains que la situation ne s’aggrave si une solution n’est pas rapidement trouvée».
Otric N.