Le constat est amer. Les producteurs ne parviennent plus à retenir leurs « larmes », lorsque les produits ne pourrissent pas dans les champs, c’est aux abords des routes qu’ils se détériorent laissés à la merci des intempéries
Le cri d’alarme est lancé par Laura Sen, promotrice du Zoom des Entrepreneurs 237 : « Je suis allée à la rencontre de mes parents, frères et sœurs afin de les inviter à rejoindre mon organisation, qui vise la promotion du made in Cameroun. J’ai été confrontée à une situation qui me laisse sans voix. La quasi majorité des récoltes pourrit dans les champs et quand certains parviennent à atteindre le centre de Yabassi, ils ne trouvent aucun acheteur et ne peuvent convoyer leurs récoltes vers les grandes métropoles ».
Les sacs sont abandonnés dans un magasin de fortune ou aux abords des routes : « Je suis au centre de Yabassi, les images que j’ai vues m’ont fait couler les larmes et, je ne veux même pas penser au sort réservé à ceux qui sont dans les villages et les environs. C’est un sort triste, qui est réservé aux récoltes à cause du manque d’infrastructures routières. Des sacs de 50 et 60 KG de citron. Quelle est la perte économique, quand nous connaissons tous le prix dans nos marchés à Yaoundé ou à Douala, pour ne citer que ces deux grandes villes. Si des institutions économiques ou des PME existent sur place, l’on ne voit pas leur apport, dans l’encadrement des producteurs locaux… ».
« Je suis morte de honte, quand je me rappelle que hier encore, un jeune m’a dit : Grande sœur, j’ai deux hectares de plantains en train de pourrir dans ma plantation. Je ne sais pas quoi en faire… ».
Inexistence des usines de transformation locale
Pour la promotrice du Zoom des Entrepreneurs 237, « Il n’est pas possible d’évoquer l’idée de transformation de ce côté. Ce vocabulaire ne fait pas partie de leur jargon. Rien n’est mis en place pour leur permettre de migrer vers l’industrialisation, même de façon artisanale. C’est un peuple formé pour produire de la nourriture pour les métropoles… ».
Un mauvais état de route permanent
Yabassi n’est pas un cas isolé. Les producteurs vivant en zones rurales connaissent le même calvaire. Dans le Mbam et Inoubou par exemple, les populations de Deuk ont résolu il y’a peu, de ne produire que pour leur propre consommation. Les commerçants qui auparavant venaient de Bafia et même de Yaoundé, se sont trouvés d’autres sites d’approvisionnement. Le mauvais état des routes, le refus des transporteurs d’accéder à certaines zones, la perte des marchandises, les accidents qui surviennent de temps en temps mais surtout, le manque à gagner sont les raisons principales évoquées.
Le made in Cameroun est un concept qui a pour objectif principal de valoriser les produits du terroir, ce qui intègre le fait de « les convoyer d’un point à un autre, sans connaître tous ces désagréments » affirme Laura Sen, qui ne manque pas en plus, de faire une mise au point : « Je ne veux pas croire encore moins affirmer de façon péremptoire que les départements ministériels en charge de l’Agriculture, des Travaux Publics, les mairies ne sont pas conscients de ces problèmes que les producteurs traversent mais, je veux attirer leur attention. La campagne électorale est proche, je ne fais pas de politique, je tiens à le préciser mais, vraiment, tous ceux qui viendront chez nous, pour demander nos voix doivent savoir que nous avons dépassé l’époque des pains – sardines. Nous ne sommes pas des mendiants et nous avons prouvé que nous sommes un peuple travailleur. Faites correctement votre travail et convainquez nous. Cela implique de pouvoir convoyer sans problème, les produits des champs qui peuvent aider les familles à envoyer leurs enfants à l’école, à se procurer les soins lorsqu'ils sont malades et pourquoi pas, à faire quelques économies…Nous voulons le développement de Yabassi ».
Nicole Ricci Minyem