Au départ de la discorde, la sortie du chef de terre accusant le curé de l’église catholique d’être atteint par le Covid 19. Une information qui s’est révélée erronée après les tests. Ce qui a suscité cette réaction de l’Abbé Blaise G. Manguele.
« Monsieur le sous-préfet,
Au moment où le monde entier se trouve englué dans une déréliction effroyable, ébranlé par une pandémie qui jusqu’ici surplombe le dogmatisme scientifique, provoque avec dérision la raison instrumentale, tutoie minimalement les intelligences retorses de la planète, je suis tombé fortuitement sur votre note circulaire y afférente publiée dans les réseaux sociaux, et actuellement objet de beaucoup de controverses et de curiosité.
L’ayant trouvée trop primesautière et saugrenue, la spontanéité de ma plume téméraire m’a interpellé vivement, dans mon élan de citoyen d’abord et ensuite de prêtre du diocèse d’Eseka que je suis.
Ma tentative de lui résister s’est avérée vaine, et évidemment le faire serait tout simplement une manifeste malhonnêteté intellectuelle, tant envers moi-même qu’envers vous et le public qui vous lit.
Je tiens de prime abord à préciser que ma réaction s’inscrit dans l’ordre de l’indignation que cause votre acte. Réfléchissant sur le tournis qui vous aurait poussé à une telle ignominie, j’ai été de nouveau tenté à vouloir percer la mythologie qui entoure votre être, et qui sous-tend la légèreté de votre plume.
Oui, légèreté, parce que vous êtes vraisemblablement de l’espèce rare. Je rends grâce à Dieu de m’avoir donné de résister cette fois à cette tentation qui friserait d’une argumentation ad hominem et dénuerait mon intervention de sa consistance.
Par ailleurs, il me convient de relever que je ne suis ni un second couteau, ni un faux profil agissant par procuration pour le compte du curé de Mahomy que vous avez eu l’audace de dénuder sans vergogne.
Il sait et peut se défendre, s’il le veut bien. Permettez-moi, sans plus tarder, de recourir tout de go à votre lapalissade pour rappeler à votre mémoire et à celle du public l’incongruité de votre acte :
En date du 22 mai 2020 vous aviez signé et publié une note circulaire, adressée au Chef de Service de Santé d’Eseka ( avec ampliations au Préfet, chefs des village environnants et archives), portant résultats médicaux du Cure de la Paroisse Saint Luc de Mahomy, dans laquelle vous affirmez péremptoirement qu’il avait été testé positif au coronavirus et qu’il suivait en ce moment-là des soins à l’hôpital central de Yaoundé ; et vous ordonniez à cet effet un test de dépistage au séminariste stagiaire et à tous les gens du coin.
Curieusement, après ce tohu-bohu qui a semé de la panique et de la psychose auprès des populations, les résultats médicaux de l’abbé sortiront plutôt le 25 mai, c’est-à-dire, 3 jours plus tard après la publication de votre fameuse « bulle », où il est mentionné clairement par les médecins agréés que l’abbé ne souffre pas et n’a jamais souffert du coronavirus. Quel dévergondage ! Quelle légèreté monsieur le Sous-préfet !
Permettez-moi de m’interroger sur votre conduite énigmatique :
Avez-vous un problème particulier avec ce serviteur de Dieu, ou alors, c’est juste par une haine gratuite, mieux, un sentiment anticlérical propre aux impies et aux ennemis de l’Eglise, que vous avez décidé de laminer publiquement un homme délicat de cette manière-là ?
Oui, monsieur le Sous-préfet, on vous l’aurait dit, au cours de votre formation, et de quelque manière que ce soit, dans un cours portant sur des accords entre l’Eglise Catholique Romaine et l’Etat, que le prêtre est un homme délicat.
Qu’allez-vous faire des archives qui désormais stigmatisent le Curé comme porteur du coronavirus ? Aurez-vous le courage de dire à votre archiviste de prendre le temps de les détruire ?
Savez-vous que le Curé en question œuvre dans un diocèse qui a à sa tête un Prélat, reconnu licitement et validement par le Saint Siège comme répondant au nom de tous les prêtres de cette Eglise particulière ?
Vous auriez dû pourtant vous rapprocher de lui pour avoir la vraie version des faits, que de vouloir vous déployer à la manière de la « poudre de perlimpinpin ».
Dites-moi par quelle prestidigitation avez-vous pu obtenir ces faux résultats, puisque personne n’arrive à comprendre comment un homme de votre acabit, avec la structure de l’être que vous incarnez, pouvez agir par confabulation ou affabulation pour une histoire aussi sensible ?
Pouvez-vous en toute honnêteté me dire, dans un langage nu de la sincérité, le mobile de votre lettre, mieux la téléologie de votre acte ? Au nom de quoi publieriez-vous la maladie de quelqu’un, jusqu’aux réseaux sociaux, un autre citoyen comme vous, quel que soit son statut ?
Enfin, savez-vous que vous occupez une position noble qui ne vous permet pas de telles bévues grotesques ?
Faisons un peu parler le droit duquel vous êtes supposé être l’expert, le garant, et l’interprète authentique, pour mettre en perspective la gravité pénale de l’acte que vous avez tendance à relativiser :
Monsieur le Sous-préfet, l’éthique médicale émanant du décret N°83-166 du 12 avril 1983 portant sur le Code de déontologie médicale à son article 4 stipule que le médecin est tenu par le secret professionnel et ne peut révéler le secret médical qu’avec l’accord du patient. Si ceci est demandé avec rigueur au médecin à plus forte raison vous qui ne l’êtes pas. Voulez-vous me dire que vous ignorez cela ? Je ne pense pas.
Vous avez empiété malicieusement sur un domaine qui n’est pas le vôtre, tombant ainsi dans le délit d’usurpation de fonction et de titre respectivement réprimé aux articles 216 et 219 de la loi pénale N°2016 du 12 juillet 2016 du Code en vigueur. Sauf si vous allez me convaincre que votre autorité vous permet d’agir en lieu et place d’un médecin.
Vous avez collé à tort une maladie au Curé et publié dans les réseaux sociaux. Ceci n’entre-il pas dans le cadre des délits d’injure, de diffamation et de violation d’intimité condamnés aux articles 270 et 350 du Code en vigueur ?
Monsieur le Sous-préfet, vous avez causé un préjudice grave sur la personne et la vie pastorale de cet homme de Dieu, que les chrétiens, depuis votre sortie rocambolesque, fuient littéralement. Ah oui, sa pastorale a pris un coup. J’ai attendu désespérément, après la véracité des faits, que vous fassiez une deuxième sortie épistolaire pour corriger le tir. Malheureusement il me semble que ce genre de déploiement n’entre pas dans votre grammaire mentale.
Chef de terre, dans un parcours académique, il y a des esprits qu’il faut courtiser intellectuellement, du moins ne serait-ce qu’en passant comme F. Eboussi Boulaga qui parlent de « l’éthique de la responsabilité historique de la pensée », ou encore Karl Popper qui développe le principe de la « falsifiabilité », de la « réfutabilité », de la « vérifiabilité », ou de la « testabilité » : principes philosophiques qui posent que, toute information quelle que soit la source doit être passée aux cribles de la pensée critique.
Cher monsieur, nul n’a besoin d’un mandat nominatif ou électif pour s’exprimer au nom de la raison. « Elle est la chose du monde la mieux partagée », pour emprunter à Descartes. Faites-en usage.
Monsieur le Sous-préfet, ayez de l’estime pour l’éthique et la responsabilité. Ne nous faites pas penser que vous êtes un parvenu, un arriviste qui a usé des moyens peu orthodoxes, comme le font certains, pour devenir ce que vous êtes.
Vous avez honteusement trahi la grande Ecole de l’Administration et de la Magistrature (ENAM) qui nous produit des dirigeants dignes qui font l’honneur de la nation camerounaise. Malheureusement à côté de cette règle, l’exception est de rencontrer certains administrateurs pyromanes et ogres.
C’est aberrant de parler ainsi d’un administrateur civil comme d’un imposteur criminel. Voilà une saisissante aporie. Or, entretenir des apories est le propre des espèces rares dont vous semblez malheureusement faire partie.
Toute personne ayant vu votre publication a eu des rictus de dégoût devant une sordide espièglerie, une gaucherie abasourdissante, une maladresse irascible et ahurissante. Par votre acte, vous avez remporté la palme d’or de l’obtusité et de l’auto-abêtissement, heureusement étranges au corps administratif auquel vous appartenez.
Puis-je vous rappelez monsieur le Sous-préfet : vous êtes le chef de terre. Un chef de terre, c’est un père. Le représentant du Chef de l’Etat dans la circonscription de son commandement. En tant que père, à la suite du Chef de l’Etat, vous avez le devoir de protéger, d’illuminer, de soutenir vos administrés, de rallumer la flamme du peuple qui menace de s’éteindre sous les assauts des maladies, de la pauvreté, de l’obscurantisme, de la barbarie, et du tribalisme.
Vous devez stimuler l’espérance, quel que soit le cas, et non œuvrer à répandre la psychose et la puanteur toxique à la manière d’un « père abusif » de qui le penseur congolais Yves Valentin Mudimbe recommande vivement de se « défaire ».
Je m’expurge enfin métaphysiquement devant cette imposture à l’œil nu et vous dénonce comme homme sans scrupules. Il n’y a pas lieu de banaliser l’irréflexion et la bêtise, encore moins l’ensauvagement dans l’administration : « la force doit revenir à la loi ». Vous vous êtes attaqué à l’Eglise.
Vous avez touché publiquement et gratuitement l’amour propre d’un serviteur de Dieu, pire que le virus n’en aurait fait. Je vous conseille, fraternellement, de réparer promptement le préjudice causé à cet innocent et la psychose engendrée dans sa communauté.
Si vous n’avez pas la peur de Dieu ni un minimum de respect envers ceux qu’il s’est choisi, avisez-vous au moins à songer l’humanité en vous et l’éthique de la personnalité que vous incarnez, descendez du haut de votre piédestal glorieux et demandez pardon. Cela vous vaudra beaucoup de bénédictions et d’admiration.
Merci de me lire avec beaucoup d’intérêt.
Que Dieu vous bénisse ».
N.R.M