Le politologue fait une lecture épistémologique de ce phénomène qui vient de gagner Yaoundé.
D’entrée, il convoque l’anthropologie africaine pour donner à comprendre ce phénomène de revendication politique par la nudité féminine. « Dans l'anthropologie culturelle de la malédiction et du fétichisme en Afrique, le nudisme ciblé, loin de toute parade exhibitionniste et de tout présentisme de séduction est, une projection de sortilège, d'envoutement et de malchance. »
En effet, dans la nomenclature culturelle africaine, la nudité de la femme est sacrée. Mais voir une femme nue n’est pas systématiquement synonyme de malédiction. Il faut que cette nudité s’inscrive dans une logique de malédiction et que la volonté de maudire soit expressément affirmé.
Pour cela, il est nécessaire que la cause de cette malédiction soit légitime et justifiée. Au risque de provoquer l’effet inverse. Et il peut arriver que cette volonté soit concoctée au travers de rites particuliers ; ce d’autant plus qu’une malédiction à l’échelle d’une nation ne sera jamais la même que celle envisagée pour une personne ou alors un simple canton.
La lecture traditionaliste que l’acteur de la société civile colle aux femmes arrêtées puis relâchées tard dans la nuit du même samedi par les forces de l’ordre, reste toutefois pertinente.
« Pour les amazones du MRC, c'est une ultime forme de contestation politique qui dépasse les réquisitions morales de la pudeur publique pour investir les structures de sens de l'indignation démocratique, de la scandalisation de la gouvernance et de la dramatisation de l'ordre gouvernant et du régime des libertés et droits de manifestation au Cameroun.
La démarche stratégique de cette sexocratie revendicative et de cette pornocratie libérale vise non seulement à déverrouiller l'espace public des mobilisations collectives au moyen d'une arme non conventionnelle (le sexe). Mais également, de par sa cristallisation médiatique à l'heure des réseaux sociaux numériques à provoquer une onde de choc paradiplomatique dans les centres décisifs de commandement des anciennes colonies dans un contexte international marqué par la montée en puissance du féminisme radical. »
D’après le regard du politologue, cette démarche des femmes du MRC est donc un succès en ce sens qu’elles ont pu braver les interdictions de manifester en faisant ainsi entendre leur voix. Plus encore, le choix de se dénuder a permis que le message soit davantage répandu grâce aux réseaux sociaux.
Seulement, le contexte est tout à fait particulier. Elles venaient protester contre la détention de leur leader politique. Une cause qui présentée de la sorte ne va pas pour apparaître comme d’une grande importance nationale. Ce qui peut laisser croire que les égrégores de la liberté sur le plan national n’ont pas suffisamment été mobilisés pour permettre à cette manifestation de revêtir tout son caractère mystique. D’où le sentiment que plusieurs ont, comme quoi, il s’agissait d’un "show" et rien d’autre.
Stéphane NZESSEU