A l’échelle mondiale, la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) a pris racine dans la constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé, adoptée en 1948, qui fait de la santé un droit fondamental pour tout être humain, et dans la Stratégie mondiale de la santé pour tous, lancée en 1979. Instaurée dans les Objectifs de Développement Durable, notamment dans la cible 3, à atteindre d’ici 2030, la Couverture Sanitaire Universelle consiste à veiller à ce que l’ensemble de la population ait accès aux services préventifs, curatifs, palliatifs, de réadaptation et de promotion de la santé dont elle a besoin et à ce que ces services soient de qualité suffisante pour être efficaces, sans que leur coût n’entraîne des difficultés financières pour les usagers.
Cette définition de la CSU contient trois objectifs liés entre eux :
- L’accès équitable aux services de santé: tous ceux qui ont besoin de services de santé, quels que soient leurs moyens financiers, doivent pouvoir y accéder;
- La qualité : les services de santé doivent être d’une qualité suffisante pour améliorer la santé de ceux qui en bénéficient;
- La protection financière: le coût des soins ne doit pas exposer les usagers à des difficultés financières.
L’une des principales questions relatives à ce sujet souligné par le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus en 2017 est d’ordre éthique : “Voulons-nous que notre prochain puisse mourir parce qu’il est pauvre? Ou que des millions de familles soient acculées par la pauvreté du fait de dépenses de santé élevées et du manque de protection contre le risque financier ?”
Au moins 400 millions de personnes n’ont pas accès aux services de santé essentiels et 40% de la population mondiale n’a pas de protection sociale (Tedros, 2017). Les réalités humaines derrière ces chiffres telles que :
- La jeune mère meurt à l’accouchement dans un état fragile parce qu’elle n’a pas accès aux soins;
- Un jeune enfant abandonne l’école à cause de l’appauvrissement de sa famille du fait des dépenses de santé ;
- Un adulte qui vit dans une ville d’un pays à revenu intermédiaire et qui souffre d’une maladie non transmissible n’a pas de traitement.
Dans la plupart des pays, les personnes évaluent la santé comme l’une de leurs principales priorités, juste après les problèmes économiques, comme le chômage, les faibles salaires et le coût élevé de la vie. L’accès aux services de santé étant donc essentiel, il requiert une attention particulière aussi bien au niveau politique que technique. Au Cameroun, les indicateurs de santé semblent avoir connu une amélioration entre 2010 et 2015 avec notamment la baisse des taux de mortalité des femmes et des hommes (6,1% et 6,7% respectivement), la baisse des taux de mortalité infantile et néonatale (respectivement de 23,6% et 16,6%) et la hausse de l’espérance de vie à la naissance (de 5,1%). Les réalités derrières ces chiffres traduisent néanmoins une insuffisance des résultats escomptés en matière de santé.
En effet, plus de 300 adultes, plus de 80 enfants de moins de 5 ans et plus de 20 nouveaux nés sur 1000 meurent encore chaque année. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance qui est de 58 ans reste l’une des plus faibles de l’Afrique Centrale comparée à celles des pays comme Sao Tomé et Principes où l’espérance de vie en 2015 était de 66 ans. Alors que l’on pouvait s’attendre à plus de mobilisation des ressources nationales pour justifier les améliorations constatées, paradoxalement au cours de la même période (2010 - 2014) la part des dépenses de santé dans les dépenses totales du gouvernement a plutôt baissé de 33%2. Ceci laisse supposer qu’il existe une faible corrélation entre les performances en matière de santé et le niveau des dépenses publiques y relatives et questionne la portée et l’efficacité de l’action gouvernementale en matière de santé publique au Cameroun.
Ces dernières années, les efforts du gouvernement visant à faciliter l’accès aux soins de santé de qualité sont visibles à travers notamment la gratuité de certains vaccins et le traitement de certaines maladies. Mais, beaucoup reste à faire car la santé est encore inabordable pour la plupart des patients et leurs familles. A titre illustratif, en moins de six mois de fonctionnement, le centre des urgences de Yaoundé a perdu plusieurs millions de franc CFA à cause des patients insolvables. Des millions de personnes restent privées de services de santé car elles doivent payer au moment où elles en bénéficient. D’autres personnes en viennent à souffrir de difficultés financières voire d’appauvrissement du fait de ces débours. Pour résoudre ce problème, de nombreux pays à différents stades du développement économique (même à des niveaux faibles de revenu national) ont instauré la CSU. Mais le Cameroun tarde encore à faire le pas pour embrasser cette nouvelle donne mondiale.
Stéphane NZESSEU