L'agence anti-corruption du Nigeria a lancé des poursuites judiciaires contre l'ancien secrétaire du gouvernement et un ex-chef des renseignements. Les deux hommes sont des proches du président Muhammadu Buhari, candidat à un second mandat.
« Mieux vaut tard que jamais », ont ironisé de nombreux Nigérians sur les réseaux sociaux à l’annonce des poursuites engagées contre deux proches du chef de l’État, en lice pour un deuxième mandat au courant de ce mois, après avoir promis, lors de son élection en 2015, de mener une lutte acharnée contre la corruption. Plus d’un an après leur limogeage et en pleine campagne de l’élection présidentielle du 16 février, les deux hommes viennent d’être inculpés, a-t-on appris jeudi 31 janvier. La Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) a ainsi formulé 10 chefs d’accusation contre l’ancien secrétaire du gouvernement Babachir Lawal, démis de ses fonctions en octobre 2017.
Conflit d’intérêt
Il est notamment accusé d’avoir accordé des marchés à des entreprises qu’il dirigeait ou possédait durant la présidence Buhari, pour des projets de reconstruction dans le nord-est du Nigeria, région dévastée par des années de conflit avec Boko Haram. Alors à la tête de l’Initiative présidentielle pour le Nord-est, il aurait attribué à ses sociétés des contrats de désherbage et d’installation de systèmes d’irrigation pour plusieurs centaines de millions de nairas (centaines de milliers d’euros). Babachir Lawal doit comparaître la semaine prochaine devant une Cour fédérale à Abuja.
Détournement de fonds
Ayodele Oke, également limogé en octobre 2017 de ses fonctions de directeur général de l’Agence nationale du renseignement (NIA), devra comparaître devant la justice dès vendredi pour avoir détourné des fonds de cet organisme. L’EFCC avait découvert, lors d’une perquisition dans un appartement d’un quartier chic de Lagos appartenant à sa femme, 43,5 millions de dollars (37 millions d’euros), 28 000 livres sterling (31 000 euros) et 23,2 millions de nairas (51 000 euros).
Ces annonces ont déclenché sur les réseaux sociaux une salve de messages ironiques à l’encontre du chef de l’État. Élu en 2015 après avoir promis d’éradiquer la corruption, le « cancer » qui gangrène le premier producteur de pétrole d’Afrique, Muhammadu Buhari est aujourd’hui accusé d’avoir surtout organisé une chasse aux sorcières, visant l’opposition. Le candidat d’opposition justement, Atiku Abubakar, a appelé mercredi à une « amnistie » pour les personnes suspectes de corruption qui accepteraient de rendre les fonds détournés, estimant qu’il était primordial de faire revenir les « milliards de dollars cachés à l’étranger » par les responsables politiques nigérians.