La Commission vérité et réconciliation de Gambie, chargée d'enquêter sur les crimes commis pendant les 22 ans du régime de l'ex-président Yahya Jammeh, a entamé lundi ses auditions, deux ans après le départ du pouvoir de M. Jammeh.
Cette commission a été lancée en octobre 2018 et, elle est formée de 11 membres. Le premier témoin a été auditionné. Ebrima Chongan, un responsable de la police pendant le coup d'Etat ayant porté au pouvoir M. Jammeh en 1994 est le premier à répondre aux questions des responsables de cet office qui va tenter , au cours des prochaines, de démêler l’écheveau mis en place par le système de l’ex président de la Gambie. Et, les premiers avis semblent aller en défaveur de l’ancien dirigeant : « Je connais très bien Yahya Jammeh. Je l'ai formé dans la gendarmerie. Il était un soldat indiscipliné et un comploteur permanent. Il prenait de l'alcool… », a déclaré le témoin.
Il a en outre affirmé qu’il a été arrêté quelques semaines après le coup d'Etat de M. Jammeh avec un autre responsable de la police, Pa Sallah Jagne, et emprisonné dans la banlieue de Banjul : « Après l'arrestation au quartier général de la police à Banjul par des soldats, nous avons été emmenés à la prison Mile (Two, dans la capitale) où nous avons été confinés à l'isolement », a dit M. Chongan.
L’officier a déploré les conditions de détention auxquelles ils ont été astreints : « La cellule où nous avons été détenus était infestée de rats et de la mauvaise nourriture nous a été servie. Nous avons eu ce traitement parce que la junte nous a accusés de vouloir attenter à la sécurité nationale… », a t-il poursuivi.
Instituée par une loi en décembre 2017, la TRRC dispose de pouvoirs d'enquête et pourra, au terme de ses travaux dans deux ans, recommander des poursuites ou des réparations.
Présidée par un ancien diplomate auprès des Nations unies, Lamin Sise, la Commission comprend quatre femmes, dont la vice-présidente, Adelaide Sosseh, et représente l'ensemble des communautés ethniques et religieuses du pays.
« Le début des auditions de la Commission est un important premier pas vers la garantie de justice, de vérité et de réparations en Gambie et montre un fort engagement du gouvernement de rompre avec un passé fait de systématiques violations des droits humains », a déclaré ce 7 Janvier, la directrice d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, Evelyne Petrus Barry, dans un communiqué.
Parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994, Yahya Jammeh s'était fait largement élire et réélire sans interruption jusqu'à sa défaite en décembre 2016 face Adama Barrow, candidat de l'opposition.
Après six semaines d'une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement dû quitter le pays le 21 janvier 2017 pour la Guinée équatoriale à la suite d'une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et d'une ultime médiation guinéo-mauritanienne.
Les défenseurs des droits de l'homme accusaient le régime Jammeh d'actes systématiques de torture contre des opposants et des journalistes, d'exécutions extra-judiciaires, détentions arbitraires et disparitions forcées.
Nicole Ricci Minyem