En l’absence de Ali Bongo Ondimba, toujours hospitalisé pour un AVC à Riyad, de nombreuses questions se posent à Libreville : comment le gouvernement travaille-t-il ? Qui dirige vraiment le pays ? Quelles sont les réactions dans la classe politique… ?
Rien ne filtre, aucune véritable information n’est disponible à l’hôpital King – Faisal de Riyad, en Arabie Saoudite, l’épouse du chef de l’Etat, Sylvia Bongo Ondimba veille au grain. La première dame, et elle seule, donne des nouvelles de son mari, à quelques privilégiés, proches amis ou collaborateurs. Autour d’elle, ses fils Noureddin et Jalil l’épaulent, tandis que Malika, l’aînée du président gabonais, et Patience Dabany, la mère de ce dernier, sont arrivées plus tardivement. Le lieutenant-colonel Jean-Luc Amvame et le colonel Arsène Emvahou, aides de camp du chef de l’État, ainsi que Park Sang-chul, chef de sa sécurité personnelle, protègent le couple. Tous le savent : tant que son mari est diminué, la patronne, c’est elle.
Le cabinet de la présidence est suspendu à ses confidences, tandis que les dirigeants du continent demeurent, à de rares exceptions, mal informés et dans un flou généralement pessimiste. Le porte-parole du Palais du bord de mer ne s’est exprimé officiellement qu’à deux reprises : le 28 octobre, quatre jours après l’admission du président à l’hôpital, pour évoquer une « fatigue légère », ce qui n’avait pas convaincu grand monde, et le 10 novembre, pour indiquer que le président, qui « continu[ait] d’exercer ses fonctions », était « dans une phase de recouvrement de la plénitude de ses moyens physiques », après une « prise en charge médico-chirurgicale en secteur hautement spécialisé ».
Supputations
Entre les deux communications, certaines informations ont fuité. Victime d’un accident vasculaire cérébral aggravé par de l’hypertension, le président a été placé en coma artificiel et sous assistance respiratoire afin de diminuer le risque de séquelles. Une procédure classique. Il n’aurait été réveillé que le 9 novembre, date à laquelle l’appareillage respiratoire lui a été retiré.
Dès lors, plusieurs questions se posent. Si Ali Bongo Ondimba « continue d’exercer ses fonctions », avec qui le fait-il ? Dans combien de temps retrouvera-t-il l’ensemble de ses moyens physiques et intellectuels ? Un intérim sera-t-il nécessaire au-delà de « l’indisponibilité temporaire constatée par la Cour constitutionnelle le 14 novembre dernier ?
Quelles sont les informations qui ont été communiquées aux autres chefs d’État ?
Si les chefs d’État africains présents au Forum de Paris sur la paix se sont tournés vers le Maroc ou l'Arabie saoudite pour obtenir des informations sur la santé du président gabonais Ali Bongo Ondimba, aucun ne paraissait en avoir de solides.
Préoccupée par la situation au Gabon, l’UA va dépêcher une mission d’information à Libreville. C’est la quintessence d’un communiqué rendu public samedi dernier, par le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. Il s’est dit « préoccupé par certains développements en rapport avec la situation sanitaire du chef de l’État gabonais ». Il va envoyer une « mission d’information et d’écoute à Libreville ».
Strict respect de l’ordre constitutionnel
Dans le même texte, Moussa Faki « appelle l’ensemble des acteurs politiques et institutions du pays à conjuguer, en toute responsabilité, leurs efforts en vue de préserver l’unité, la paix et la stabilité du pays frère qu’est le Gabon ». Plus significativement sans doute, il « tient à cette occasion à réaffirmer l’indéfectible attachement de l’UA au strict respect de l’ordre constitutionnel ».
La Cour constitutionnelle gabonaise a annoncé mercredi dernier qu’elle a ajouté un alinéa à l’article 13 de la Constitution gabonaise : « En cas d’indisponibilité temporaire du président de la république pour quelque cause que ce soit, certaines fonctions (…) peuvent être exercées, selon le cas, soit par le vice-président de la République, soit par le Premier ministre, sur autorisation spéciale de la Cour constitutionnelle », indique ce nouveau texte. La Cour avait de ce fait autorisé le vice- président Pierre – Claver Maganga Moussavou, à présider le Conseil des ministres.
Le président en exercice de l’union Africaine, Paul Kagame, suit également de près la situation au Gabon. Selon le communiqué, il se joint à Moussa Faki Mahamat pour exprimer ses « sincères souhaits de prompt rétablissement au chef de l’État gabonais ».
Nicole Ricci Minyem