L'audition du général Gilbert Diendéré, l'un des principaux accusés de la tentative de coup d'État de 2015, s'est ouverte lundi 26 novembre devant la justice militaire burkinabè. L'ancien bras droit de Blaise Compaoré rejette les accusations portées contre lui. Il impute la responsabilité à Yacouba Issac Zida, ancien premier ministre.
Le procès a repris ce mardi et, c’est l’affluence des grands jours. Depuis le 26 novembre, la salle des banquets de Ouaga 2000 est pris d’assaut par des curieux, qui veulent vivre chaque minute de cette action intentée par la justice burkinabé, contre les auteurs présumés du putsch manqué de septembre 2015. L’un des témoignages les plus attendus étant celui du général Gilbert Diendéré. Tout le monde veut savoir, si l’audition de celui qui a pris les rênes du Conseil national pour la démocratie va enfin permettre de situer les responsabilités dans la tentative de putsch mais aussi, d’éclairer l’opinion nationale et internationale sur les ramifications politiques de ce qui fut qualifié de coup d’état le plus bête du monde.
Un Diendéré à l’offensive
Poursuivi notamment pour attentat à la sûreté de l’État, meurtres et coups et blessures, « Golf », comme le surnomme les burkinabè a quitté son habituelle réserve pour se montrer particulièrement prolixe, et même offensif, à la barre du tribunal militaire présidé par le magistrat Seydou Ouédraogo : « Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que les gens appellent « coup d’État ». Le 16 septembre, on a fait appel à moi parce que des soldats du régiment de sécurité présidentielle ont fait irruption dans le conseil des ministres et, ont arrêté le président de la Transition Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida et certains ministres… ».
Une thèse en contradiction avec le témoignage du chef des opérations du coup d’État, l’adjudant-chef Eloi Badiel, qui avait directement mis en cause le général Diendéré. « Le 16 septembre 2015, vers 10h00, le sergent-chef Roger Koussoubé m’a informé que le général Diendéré a instruit de procéder à l’arrestation des autorités de la Transition », avait – t-il alors qu’on l’auditionnait Un ordre indirect, précisait alors ce témoin, qui a, dans le même temps admis n’avoir eu aucun contact direct avec le mis en cause pour recevoir cet ordre.
L’issue du débat sur ce point précis sera cruciale, et la défense en a particulièrement conscience. Me Mathieu Somé, avocat du général Diendéré, l’affirme : « L’instruction du dossier n’a pas pu établir que mon client était le commanditaire du coup d’État ».
Le général Diendéré a également voulu démontrer ce qu’il qualifie de comportement machiavélique des responsables de la Transition. Égrenant un chapelet de frustrations au sein de l’armée, provoquées selon lui par les agissements du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida. L’accusé a expliqué avoir voulu jouer le rôle de médiation entre l’ancien Premier ministre de la Transition et les soldats mécontents du RSP : « Après s’être fait chef de l’État, puis chef du gouvernement suite au coup d’État du 30 octobre, Zida a cherché à prolonger la Transition en violation de la Charte adoptée illégalement pour réaliser son agenda. Pour cela, il avait besoin de prendre le contrôle des finances publiques de l’État, de l’administration, ainsi que de l’armée » a-t-il encore ajouté à la barre.
La charge contre Zida
Pour Gilbert Diendéré, en s’appropriant le ministère de la Défense, Zida a manœuvré pour mettre l’armée au pas, notamment en envoyant à la retraite anticipée, les officiers plus gradés que lui.
L’accusé s’est également longuement attardé sur la volonté affichée par Zida de dissoudre le RSP, en dépit des recommandations d’un rapport commandé par le président Michel Kafando qui préconisait plutôt une réforme du corps : « Entre février et juin 2015, Zida a mené une campagne de désinformation contre le RSP et moi-même qui m’évertuais à aplanir les divergences entre lui et les soldats. J’avais toujours dit que ce corps est un maillon important de la chaîne de lutte contre le terrorisme. Si vous brisez ce maillon, vous affaiblissez notre système de sécurité. C’est la situation que nous vivons aujourd’hui… ».
Interrogé par le président du tribunal sur l’existence de clans au sein du RSP, le général Diendéré a botté en touche : « Je ne suis pas très bien informé sur ce problème. Zida contrôlait des éléments comme ceux qui sont venus me chercher le 30 décembre 2014. En tant que responsable militaire, je n’ai pas à favoriser des clans dans une unité militaire… ».
Nicole Ricci Minyem