Un peu moins d’un an après avoir été banni de Facebook et Twitter, qui l’accusaient d’avoir incité ses soutiens à la violence après l’assaut contre le Capitole, Donald Trump s’apprête à lancer son propre réseau social.
Intitulée « Truth Social », cette plateforme - dont il évoquait le concept dès mars dernier - vise à « résister face à la tyrannie des géants des technologies », selon les mots du communiqué publié par le groupe Trump Media and Technology (TMTG).
Faut-il s’attendre à voir émerger un véritable réseau social ou bien un simple outil de communication personnel pour l’ex-président américain ? 20 Minutes fait le point, selon ce que l’on sait, à ce stade, de cette plateforme dont le lancement est prévu début 2022.
Selon son descriptif, l’application - pré - téléchargeable sur l’App Store - entend proposer « des débats gratuits et ouverts sans aucune discrimination vis-à-vis des idéologies politiques », qu’elles soient libertariennes, conservatrices ou libérales.
« Imaginez que vous êtes au mariage de votre meilleur ami. Qui est là? De nombreuses familles viennent de tous les États-Unis et du monde. […] Nous avons beau ne pas toujours être d'accord, nous accueillons à bras ouverts ces opinions diverses », affirme encore cette présentation.
Pour Alexis Pichard, chercheur en civilisation américaine et auteur de l’ouvrage Trump et les médias, l’illusion d’une guerre ? (VA Editions), Truth Social » relève d’une initiative des plus sérieuses pour l’ex-président : « En début d’année, Donald Trump avait déjà tenté d’exister en dehors des réseaux sociaux après en avoir été exclu, à travers un blog associé à son site officiel.
Ca a été un échec total, au point qu’il a dû le fermer au bout d’un mois car le site, fait à la va -vite, n’était pas du tout ergonomique. Il n’avait clairement pas l’ambition de concurrencer Twitter. »
« Cette fois-ci, en revanche, la création du groupe TMTG, qui va être coté en Bourse, et le design de Truth Social, très inspiré de celui de Twitter, semblent à la hauteur de l’enjeu, on a l’impression que Trump prend au sérieux son ambition de concurrencer les géants de l’Internet que sont Facebook et Twitter », poursuit le spécialiste.
Malgré ses promesses de neutralité, cette plateforme émanant d’une personnalité aussi clivante que Donald Trump réussira-t-elle vraiment à séduire tous les publics ?
« L’argument avancé par Donald Trump dans le communiqué, selon lequel les talibans peuvent s’exprimer sur Twitter mais pas lui, est assez judicieux : il donne du grain à moudre et de la crédibilité à ses actions comme à ses critiques de Twitter et de Facebook, qu’il accuse de longue date de censurer la voix des conservateurs », analyse Alexis Pichard.
Et le chercheur en civilisation américaine de poursuivre : « Pour autant, je ne pense pas que ce réseau social sera déconnecté de toute idéologie, d’autant que le groupe TMTG prévoit de lancer des programmes « non-woke » donc en accord avec la base dure de ses partisans. Je vois mal les abonnés de Twitter abandonner ce réseau social pour migrer sur Truth Social, à l’exception des conservateurs. »
L’investissement de Trump dans ce réseau social n’est évidemment pas dénué d’intérêt. Mais qui a le plus à y gagner ? L’ex-président en quête de revanche politique ou le magnat des affaires de retour à son cœur de métier ? « Donald Trump a un rapport aux médias avant tout monétaire, commercial. C’est l’un des hommes politiques qui a gagné le plus d’argent en étant président des Etats-Unis », rappelle Alexis Pichard.
« Il entend forcément rendre le groupe TMTG rentable et tirer profit de cette nouvelle aventure. Mais le fait qu’il lance Truth Social en 2022, une année essentielle pour la politique américaine avec les élections de mi-mandat, qui pourraient voir le Congrès repasser chez les Républicains, n’est évidemment pas anodin.
C’est aussi un moment charnière pour Donald Trump qui ne cache pas ses désirs de revanche et à l'élection présidentielle de 2024 en ligne de mire », analyse le spécialiste.
A ce titre, « Truth Social » présente une plus-value incontestable pour l’ex-président vis-à-vis de Twitter et de Facebook : « Cela lui permet tout simplement d’être présent sur un réseau social».
N.R.M