Le laboratoire Pfizer proposerait-il des conditions contractuelles des plus drastiques – et discutables – à certains pays intéressés par son vaccin contre le coronavirus?
Cette affirmation est relayée par de nombreux internautes, à la faveur d’une intervention vidéo de Michèle Rivasi,le 23 septembre, au sein du « Conseil scientifique indépendant ». Un rendez-vous régulier organisé par le collectif Réinfo Covid, opposé aux vaccins et critique des mesures sanitaires du gouvernement.
« Autre chose que je voudrais vous apprendre : il y a beaucoup de pays africains [et d’Amérique Latine, dont l’Argentine] qui refusent, par exemple, les doses de Pfizer et les doses de Moderna. Pourquoi ?
[…] Pfizer et Moderna leur disent : "OK, on vous vend les doses, mais à une seule condition : c’est que vous acceptez que si jamais il y a des effets secondaires, c’est votre pays qui va payer les indemnités. Et comme on ne vous fait pas confiance, vous n’avez pas assez de capitaux, on vous demande d’hypothéquer les richesses de votre pays" », affirme la députée européenne dans cette séquence de 2 minutes devenue virale.
Contactée par “20 Minutes” pour en savoir plus sur les pays qui seraient concernés et sur les sources de cette affirmation, l’équipe de Michèle Rivasi cite notamment une enquête de février 2021 réalisée par l’ONG Bureau of investigative journalism.
Celle-ci affirmait, grâce notamment aux témoignages de fonctionnaires locaux, que les négociations contractuelles de Pfizer avec certains pays d’Amérique Latine, dont l’Argentine, relevaient d’une forme de « rançon » au vu des conditions demandées et de l’urgence d’obtenir des doses de vaccin.
« Les négociateurs [de Pfizer] demandaient des indemnités supplémentaires contre toute action individuelle en justice potentielle en cas d’effets indésirables post-vaccination.
En Argentine et au Brésil, Pfizer a demandé des actifs souverains [en guise de garantie] pour tout futur coût juridique potentiel », détaillait l’article, expliquant ainsi les raisons pour lesquelles ni le Brésil ni l’Argentine n’avaient signé de contrat avec Pfizer à l’époque.
« La loi n’est pas compatible avec certaines des exigences contractuelles de Pfizer »
Depuis, l’Argentine a misé sur une combinaison de vaccins Spoutnik V et de Moderna ou d’AstraZeneca pour pallier les retards de livraison, comme le rapportait “Courrier international” en août 2021.
Quelques mois plus tôt, Nicolas Vaquer, directeur de Pfizer Argentine, expliquait aux députés locaux l’absence d’accord entre l’entreprise et le pays par le fait qu' “aujourd’hui, la loi n’est pas compatible avec certaines des exigences contractuelles de Pfizer”.
Quant aux « pays africains » évoqués par Michèle Rivasi, son équipe cite de nouveau une enquête du Bureau of investigative journalism, datée cette fois d’avril 2021, concernant l’Afrique du Sud.
L’ONG y soutenait que Pfizer avait tenté de convaincre le gouvernement d’hypothéquer des actifs souverains en guise d’indemnité contre d’éventuelles poursuites judiciaires pour effets indésirables.
Le ministre de la Santé de l’époque, Zweli Mkhize, déplorait à cette occasion des clauses contractuelles « difficiles et parfois déraisonnables », jugeant même la demande sur les actifs souverains « trop risquée ». Depuis, Pfizer a tiré un trait sur ces conditions et livré ses premières doses de vaccin à l’Afrique du Sud en mai dernier.
N.R.M