Le livre raconte le vécu de Ramla, une jeune fille de 17ans, obligée de se séparer de l’amour de sa vie, pour s’unir de force à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, Alhadji Issa. Ce dernier a pu convaincre les parents de l‘adolescente, grâce à ses richesses et, ces derniers ont accepté, malgré le fait que ce prétendant soit déjà marié.
Son malheur ne s’arrête malheureusement pas là. Safira, 35 ans, la première épouse d’Alhadji Issa, veut garder pour elle seule, les faveurs de son mari. Elle s’attèle donc à rendre la vie impossible à sa coépouse qu’elle veut voir répudiée.
Dans la famille de Ramla, l’on semble affectionner les mariages forcés. L’une de ses sœurs, 17ans est aussi contrainte de devenir l’épouse de Moubarak, son cousin, alcoolique, drogué et violent.
Puisque c’est la tradition dans cette partie du pays, leurs plaintes face à la violence et aux décisions prises par les hommes de la contrée ne reçoivent en retour que le mot « Munyal ». Un terme qui signifie patience. Une contrainte, considérée comme vertu dans la culture peule, qui est inculquée dès le bas âge à la jeune fille. Elle grandit dans cet esprit de résignation, d’esclavage à la limite car obligée de tout avaler sans se plaindre, y compris les pires violences qui les mettent quelquefois en danger.
Des femmes qui perdent parfois toute personnalité, obligées de se plier à ce que la société, les traditions, les superstitions et interprétations religieuses font d’elles.
Véronique Tadjo, écrivaine, poétesse ivoirienne et présidente du jury témoigne que : « L’auteure peint trois destins de femmes, qui nous immergent sans manichéisme dans l’univers étouffant d’épouses aux prises avec la polygamie et les pesanteurs de la tradition. La maîtrise de la construction narrative apporte un souffle nouveau à un thème qui pourrait sembler appartenir au passé, mais qui hélas est encore d’actualité dans beaucoup de nos pays ».
Rebooster l’édition africaine
Pour cette première édition, les membres du jury ont sélectionné 59 livres, publiés par 39 maisons d’édition de 16 pays africains. L’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Ama s’est ainsi distinguée parmi une sélection où l’on trouvait notamment « Chairs d’argile » de la Marocaine Salima Louafa (Afrique Orient), « À l’orée du trépas » du Sénégalais Khalil Diallo (L’Harmattan Sénégal), « Même pas mort » du Marocain Youssouf Amine Elalamy (Le Fennec), « La rue 171 » de l’Ivoirien Pierre Kouassi Kangannou (Eburnie), et « L’amas ardent » du Tunisien Yamen Manai (Elyzad).
Une sélection qui « reflète les grands enjeux contemporains à la fois universels et africains : religion, terrorisme, condition de la femme, gouvernance, écologie, parmi d’autres », selon Véronique Tadjo.
Lors de son allocution de circonstance, la présidente du jury a précisé que : « Le prix Orange du livre en Afrique est destiné à dynamiser l’édition africaine et à offrir aux auteurs plus de visibilité à l’intérieur comme à l’extérieur du continent ».
Avec ce troisième roman, après « Walaande, l’art de partager un mari » et « Mistiriijo la mangeuse d’âmes », l’écrivaine qui a reçu 10 000 euros, brise à nouveau les tabous en revisitant ses thèmes de prédilection : le mariage précoce et forcé, la polygamie et les droits des femmes.
Le jury de cette première édition était composé de Michèle Rakotoson (Madagascar), Elizabeth Tchoungui, Kouam Tawa (Cameroun), Fawzia Zouari (Tunisie), Mohamed Mbougar Sarr (Sénégal), Yvan Amar, Valérie Marin La Meslée, ainsi que Nicolas Michel, romancier et journaliste, responsable des pages Culture de Jeune Afrique. Présidente du jury, l’écrivaine et poétesse ivoirienne Véronique Tadjo a salué un roman et « une voix forte, sincère, révoltée, servie par une langue qui porte sa culture ».
Nicole Ricci Minyem